La littérature latine de la Renaissance en Suisse
Auteurs: David Amherdt et Clemens Schlip. Version: 10.02.2023.
1. La littérature latine de la Renaissance: généralités
1.1. Renaissance et humanisme: une nouvelle vision du monde…
1.2. … ancrée dans l’Antiquité
1.2.1. Le latin des humanistes et l’impact de l’imprimerie
1.2.2. Écrire sur l’Antiquité: la philologie
1.2.3. Diffuser la vision du monde humaniste: le rôle central de l’éducation
1.2.4. Diffuser la vision du monde humaniste: le rôle de la littérature épistolaire et du genre biographique et autobiographique
1.3. Écrire comme dans l’Antiquité: L’Antiquité comme modèle à imiter et à dépasser. La création poétique
1.3.1. Imitation et émulation
1.3.2. L’ancien et le nouveau: style, genres littéraires, thématiques
1.3.3. La poésie
1.4. Périodisation
2. La littérature latine de la Renaissance en Suisse
2.1. État de la recherche
2.2. Qu'est-ce que la «Suisse» au XVIe siècle?
2.3. La littérature latine humaniste en Suisse: contexte historique et cadre chronologique
2.3.1. Le premier humanisme
2.3.2. La maturité
2.3.3. Humanisme et Réforme
2.3.4. L'humanisme après la scission confessionnelle
2.4. Quelles limites chronologiques pour le Portail Humanistica Helvetica?
2.5. Quelles limites géographiques?
2.6. Peut-on parler d’humanisme suisse? Qu’est-ce qu’un humaniste suisse?
2.7. Quelles spécificités pour l’humanisme suisse?
1. La littérature latine de la Renaissance: généralités
1.1. Renaissance et humanisme: une nouvelle vision du monde…
Pierre Laurens décrit la période de la littérature latine qui est inaugurée (notamment) par Pétrarque au milieu du XIVe et qui s’achève, en gros, à la fin du XVIe siècle comme «le dernier grand renouvellement de la littérature latine à son coucher»; malgré tout ce que cette citation peut éventuellement avoir de dévalorisant à l’égard de la latinité toujours très vivante du XVIIe siècle, on préférera certainement ce terme de «renouvellement» à celui de «renaissance»: d’une part, la littérature latine et les arts du Moyen Âge, qui gardaient une grande admiration pour les Anciens, n’avaient pas nécessairement à renaître; d’autre part, loin d’être en rupture totale avec ce qu’on appelle le «Moyen Âge», la «Renaissance» (le terme n’apparaît qu’au XIXe siècle) a en partie consisté dans le développement de tendances déjà présentes dans les siècles antérieurs. C’est sans doute Johan Huizinga qui a le mieux cerné le caractère de cette époque, la décrivant comme un «point de basculement» entre le Moyen Âge et la culture moderne, et mettant en garde contre la tentation de définir trop rigoureusement ses caractéristiques et ses limites temporelles, et de souligner exclusivement ses traits modernes.
Néanmoins, il est indéniable que l’on assiste à cette époque à un renouvellement littéraire et artistique, d’abord et surtout durant le Quattrocento italien, puis, au XVIe siècle, au nord de l’Italie (France, Angleterre, Pays-Bas, Allemagne, Suisse, etc.). En littérature latine, on renouvelle le rapport avec les auteurs antiques grecs et latins en les prenant comme modèles littéraires et linguistiques; il est important de garder à l’esprit à cet égard que le mouvement humaniste a été grandement favorisé par l’invention de l’imprimerie, qui permet une large diffusion des classiques aussi bien, d’ailleurs, que des œuvres contemporaines.
Ce mouvement intellectuel européen qui se fait jour à la Renaissance a été plus tard (à la fin du XVIIIe ou au début du XIXe siècle) appelé «humanisme», et les hommes qui l’ont incarné «humanistes». L’humanisme est donc une partie de la Renaissance, qui elle-même englobe d’autres phénomènes de l’histoire de la pensée, au-delà de ce mouvement philologique et littéraire centré sur l’étude des auteurs antiques. Il ne faut donc pas aveuglément identifier les deux termes. Le terme «humanisme» doit être rattaché au latin homo et humanus. L’humaniste est d’abord celui qui pratique les studia humanitatis, les litterae humaniores ou les bonae litterae, qui sont les études permettant d’acquérir l’humanitas, c’est-à-dire, «les qualités intellectuelles et morales qui font d’un enfant, ou d’un être à l’apparence humaine […] une personne pleinement ou réellement humaine, guidée par la raison, ou par une volonté capable de maîtriser ou de réguler les passions et les mouvements violents de la nature». Érasme a ainsi cette formule célèbre: «Les hommes ne naissent pas hommes, ils le deviennent.» Le mouvement humaniste défend donc une certaine philosophie de l’homme dont il veut développer toutes les potentialités. Mais ce serait une erreur d’opposer cette philosophie de l’homme à la foi religieuse. Car si l’on trouve à la Renaissance certains «courants sceptiques, matérialistes ou athées, nulle déclaration d’athéisme, voire de déisme, ne pouvait être admise sans qu’il en coûtât cher à l’imprudent»: en effet, ces courants allaient à l’encontre des convictions religieuses généralement partagées (y compris par la plupart des humanistes). En fait, tout au contraire, dans la plupart des cas, la religion est toujours présente dans l’humanisme, puisqu’elle «dégage […] une conception de l’homme, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu». Dans ce contexte, il est important de rappeler que la redécouverte humaniste de l’Antiquité et de ses classiques païens fut loin de signifier une rupture avec la haute estime dans laquelle le Moyen Âge tenait les Pères de l’Église; à certains égards, l’intérêt pour ces derniers bénéficia même d’une faveur supplémentaire en raison de la tendance que l’on avait à rejeter la scolastique; ainsi, pour Pétrarque, Augustin était une figure de référence spirituelle primordiale. Dans leur rapport avec l’Antiquité païenne, de nombreux humanistes s’attachaient également aux règles et aux critères que les Pères de l’Église avaient formulés à ce propos dans l’Antiquité tardive (l’exemple le plus connu est sans doute le Discours aux jeunes gens sur la manière de tirer profit des lettres grecques de Basile de Césarée). La religion est même au centre de l’un des courants les plus puissants de l’humanisme, appelé «humanisme chrétien», dont Érasme, le «prince des humanistes», est l’un des représentants principaux; le fait que ce dernier ait réalisé une nouvelle traduction latine du Nouveau Testament et édité le Père de l’Église Jérôme est caractéristique de cette variante de l’humanisme. La littérature chrétienne de l’Antiquité a donc également bénéficié des travaux philologiques des humanistes pour faire mieux connaître la littérature antique. La religion est d’ailleurs au centre du courant humaniste suisse dont il est question sur ce Portail.
Il faut enfin ajouter, en simplifiant quelque peu, que la Renaissance entraîne une nouvelle vision du monde, à laquelle les grandes découvertes (notamment sur le continent américain) ne sont pas étrangères; une prise de conscience de l’individualité (on exprime davantage ses sentiments; l’autobiographie joue un rôle important; la personnalité de l’écrivain se dégage davantage), qui se révèle aussi dans les nationalismes (individualisme au niveau des peuples), dans une certaine critique des traditions et des institutions, dans une rupture nette avec les méthodes de la scolastique en particulier. En outre, la mentalité devient plus expérimentale, plus scientifique. On commence également à tenir davantage compte des besoins particuliers de la femme et des enfants, ce qui entraîne notamment un développement des écrits pédagogiques. Enfin, l’humanisme, qui devient «l’apanage d’une aristocratie de l’esprit», sert «d’instrument de promotion sociale à des gens moins privilégiés que les bourgeois des villes, en particulier aux campagnards».
1.2. … ancrée dans l’Antiquité
1.2.1. Le latin des humanistes et l’impact de l’imprimerie
Le latin était, depuis l’époque romaine et tout au long du Moyen Âge, la langue universelle de l’Occident, un moyen de communication qui renversait les barrières des diverses langues vernaculaires (qu’elles soient issues du latin ou non) et qui était indispensable à toute communication savante et scientifique. L’approche innovante des humanistes consistait à s’inspirer à nouveau directement des grands classiques de la littérature romaine pour ce qui est du vocabulaire, du style et de l’expression. Une manifestation de ce changement de modèle linguistique consiste, pour prendre un exemple très simple, à privilégier la construction classique de la proposition infinitive par rapport à la construction «quod + indicatif» du latin biblique. Mais une telle approche réformatrice ne concernait en fait qu’une toute petite partie (et presque exclusivement masculine) de la population totale, qui comprenait toutefois désormais aussi des couches bourgeoises et nobles qui, durant le Moyen Âge, n’avaient guère fait d’efforts pour apprendre le latin. L’éducation, et donc le latin, n’était accessible qu’à quelques privilégiés. Le latin était considéré comme la langue idéale: les humanistes mettent en évidence sa richesse et sa souplesse, sa précision, sa stabilité (les langues vernaculaires étaient à cette époque plutôt instables), l’importance de son rayonnement dans l’espace et dans le temps, son expérience de sagesse, la richesse et la force de la pensée qu’il véhicule, sa capacité de renouvellement (il fallait trouver des termes pour exprimer des réalités nouvelles). On comprend ainsi pourquoi les humanistes ont tant insisté sur l’importance d’apprendre le latin avec rigueur et de manière correcte dès le plus jeune âge.
Seule une faible partie de la littérature de l’Antiquité nous est parvenue, c’est un fait bien connu. Pour qu’une œuvre, un recueil de poésie, un livre historique ou une épopée arrive jusqu’à nous, il fallait qu’ils soient jugés dignes d’être recopiés à la main (ce qui était un processus laborieux et coûteux) siècle après siècle, durant l’Antiquité, puis au Moyen Âge. Bien des ouvrages jugés indignes d’être transmis à la postérité ou ayant été victimes d’une catastrophe ont disparu. La situation est bien différente pour les prosateurs et les poètes de la Renaissance, car une grande partie de leurs œuvres, indépendamment de leur qualité, ont été imprimées et sont parvenues jusqu’à nous, si bien que ce que le temps n’a pu faire, c’est au lecteur moderne de le faire: séparer le bon grain de l’ivraie. Ce foisonnement d’œuvres imprimées, auxquelles s’ajoute une quantité d’œuvres demeurées sous forme manuscrite, a toutefois l’avantage de nous donner une idée de l’ampleur du mouvement humaniste et de sa variété.
1.2.2. Écrire sur l’Antiquité: la philologie
Le mouvement humaniste s’est consacré à la redécouverte, à la diffusion et à l’étude des œuvres et des idées des écrivains antiques grecs et latins. Les savants partent à la chasse aux manuscrits afin de retrouver le texte original des classiques, les éditent, les impriment, les commentent et, bien sûr, les enseignent.
La philologie joue un rôle central chez les humanistes, qui défendent un retour aux sources (ad fontes): il s’agit de retrouver le texte antique dans toute sa pureté. Les humanistes éditent ainsi une multitude de textes latins et grecs (aussi des anthologies), les expliquent et les commentent, encouragent la lecture du texte original (et par conséquent l’étude des langues, du latin et du grec, bien sûr, mais aussi, surtout pour ce qui concerne l’Ancien Testament, de l’hébreu), et traduisent de nombreux textes grecs en latin, l’étude approfondie du grec n’étant pas à la portée de tous. On voit ainsi fleurir une gigantesque production éditoriale de textes, de commentaires et de traductions – une très grande part, à vrai dire, de la production littéraire humaniste. On a pu dire, par exemple, que «plus de la moitié des publications de [Conrad] Gessner sont des éditions de textes, parfois de textes déjà publiés, mais plus souvent de manuscrits». Autre exemple, également d’un humaniste suisse: Henri Glaréan a publié une vingtaine d’éditions ou commentaires d’auteurs antiques (ou non), ce qui représente une part considérable de sa production littéraire. Le leitmotiv Ad fontes est aussi celui, en particulier, de ceux que l’on a appelés «humanistes chrétiens», tel Érasme, tels, aussi, les protestants, qui répètent à l’envi la nécessité de revenir au texte original de l’Écriture Sainte, en particulier au texte hébreu et au texte grec.
Les auteurs latins de la Renaissance écrivent ainsi beaucoup sur l’Antiquité elle-même: que ce soient des réflexions sur l’importance de l’étudier, ou d’en éditer, d’en traduire et d’en commenter les œuvres, que ce soient des commentaires des œuvres antiques, ou encore des recueils, parfois commentés, de proverbes ou de phrases exemplaires latines ou grecques – on pense par exemple aux Adages d’Érasme ou à l’édition et à la traduction latine de Stobée par Gessner.
Cet effort constant pour faire connaître l’Antiquité nous amène à affirmer qu’une grande partie de la production humaniste est ancillaire ou utilitaire, c’est-à-dire au service de l’objectif consistant à approfondir la connaissance de l’Antiquité.
1.2.3. Diffuser la vision du monde humaniste: le rôle central de l’éducation
Pour les humanistes, et en particulier les humanistes chrétiens, qui sont au centre de ce Portail, le but de l’éducation est à la fois de former dans les belles lettres et dans la foi chrétienne ou dans les bonnes mœurs. C’est pourquoi on voit fleurir une importante production pédagogique: manuels d’éducation, plans d’études (ratio studiorum, etc.), ou, plus généralement, écrits visant à instruire les jeunes gens, les princes ou, plus rarement, les femmes – ce qui est une nouveauté de la Renaissance – dans les différentes disciplines du savoir. Cette littérature en rapport avec la pédagogie ou l’éducation est d’une extrême variété. On pourrait même aller jusqu’à dire que presque tous ces humanistes ont peu ou prou des visées pédagogiques, qu’ils composent un manuel, bien sûr, un commentaire, ou un poème moral ou patriotique. Toute la production littéraire de ces humanistes a pour but de développer cette idée de base: il faut faire connaître l’Antiquité et faire des jeunes gens de bons chrétiens.
1.2.4. Diffuser la vision du monde humaniste: le rôle de la littérature épistolaire et du genre biographique et autobiographique
Qui dit humanisme, dit, par définition, internationalisme, contacts, déplacements, circulations des personnes et des idées – tout cela, certes, en raison des moyens de transport et de communication de l’époque, ne se faisait pas aussi rapidement qu’aujourd’hui, mais la culture du dialogue et l’audace des déplacements de la Renaissance n’a rien à envier à ce qui se passe de nos jours. Les humanistes se déplacent beaucoup, mais ils écrivent aussi un grand nombre de lettres (qui remplacent la rencontre, ou est un dialogue entre absents, selon le topos), énormément, même – elles constituent sans conteste une grande partie de la production écrite des humanistes (pensons aux lettres d’Érasme, qui représentent douze volumes dans l’édition d’Allen).
Si tout texte, au fond, peut servir à diffuser l’esprit humaniste, cela est particulièrement le cas de la biographie et de l’autobiographie, qui constituent un moyen privilégié de promotion de l’idéal humaniste, incarné par des savants, philosophes, poètes, qui défendent les studia humanitatis. Les biographies permettent de rendre hommage à d’autres humanistes, tandis que les autobiographies offrent à leurs auteurs l’occasion de se mettre en scène dans un style et une langue soignés, pour souligner en particulier leur appartenance au groupe des humanistes.
1.3. Écrire comme dans l’Antiquité: L’Antiquité comme modèle à imiter et à dépasser. La création poétique
1.3.1. Imitation et émulation
À la Renaissance, l’Antiquité est considérée comme un trésor qu’il faut découvrir et faire connaître. Les humanistes étaient convaincus qu’on trouvait chez les Anciens des «étincelles d’une vieille sagesse qui fut bien plus clairvoyante dans sa quête de la vérité que les philosophes qui suivirent»; les humanistes étaient convaincus que les scolastiques médiévaux, à force de discours et de syllogismes, avaient fini par étouffer cette sagesse primitive qui, d’ailleurs, ne s’oppose nullement au message chrétien.
Sequi, imitari, aemulari: les écrivains de l’époque se placent à la suite (sequi) des classiques, ils essaient de les imiter (imitari) et même de rivaliser (aemulari) avec eux. Car, dans l’idéal, l’imitation est loin d’être une imitation servile: c’est une imitation au service d’une nouvelle mentalité, d’une nouvelle vision (généralement chrétienne) de la réalité et de l’homme. Les humanistes rassemblent les richesses antiques pour en faire quelque chose de nouveau, au service d’une nouvelle Weltanschauung, à l’instar des abeilles qui récoltent le pollen pour en faire du miel. On parle aussi d’«innutrition», qui consiste à assimiler et à digérer le style, la pensée des classiques au point que l’auteur finit par s’en inspirer de manière inconsciente. Le processus d’émulation est peut-être encore mieux décrit par la métaphore pétrarquéenne de la ressemblance du fils au père, qui «préserve l’identité du fils chrétien sans lui ôter les bénéfices de la ressemblance» avec le père païen. Ou encore, pour utiliser une image d’un autre ordre, du reste déjà connue au Moyen Âge: on se juche sur les épaules des Anciens pour être mieux vu… ou pour mieux voir.
Depuis le XVIIIe siècle, on accorde une (trop?) grande importance à l’originalité et à l’innovation, on peut avoir de la peine à comprendre ce phénomène d’imitation: «L’imitateur, pour nous, abdique sa personnalité. Il en va tout autrement à l’époque d’Érasme. D’abord parce que l’imitation n’a rien de sec ni de scolaire. Elle ne prend tout son sens qu’en rapport avec l’admiration, car le premier objet de l’imitation, c’est l’Antiquité, ses façons de dire et de faire, sa littérature et son art».
La question de l’imitation a donné lieu à un débat féroce à la Renaissance. Quel auteur faut-il imiter? Ce débat s’est cristallisé, autour de l’imitation de Cicéron, entre les partisans inconditionnels (et parfois serviles) de l’imitation de Cicéron, et ceux qui adoptent des positions plus modérées en défendant l’éclectisme. Durant le Quattrocento, par exemple, Angelo Poliziano défend l’éclectisme, tandis que Pietro Bembo est pour l’imitation de Cicéron et que Lorenzo Valla juge Quintilien meilleur que Cicéron. Au XVIe siècle, dans son Ciceronianus (1528), Érasme s’attaque aux cicéroniens (notamment Étienne Dolet) pour défendre un style adapté au sujet et aux circonstances, ainsi qu’au tempérament de chaque auteur.
1.3.2. L’ancien et le nouveau: style, genres littéraires, thématiques
L’attachement à l’Antiquité se révèle en particulier dans le style et les moyens rhétoriques employés par les écrivains latins de la Renaissance, chez qui l’on note une présence massive des topoi et motifs antiques, le recours à la mythologie, aux fables, aux exempla antiques, et, en particulier chez les poètes, la présence de très nombreux intertextes antiques, plus ou moins évidents, qui structurent leur pensée ou, en tout cas, multiplient les échos au modèle antique. On imite aussi l’ars scribendi des auteurs antiques, dont on veut répliquer la pureté de la langue.
Les humanistes reprennent, souvent en les enrichissant ou en les transformant, tous les grands genres littéraires, en vers ou en prose, de l’Antiquité: la poésie lyrique, élégiaque, épique, didactique, épigrammatique, satirique, religieuse, dramatique, etc., pour la poésie; pour la prose, la littérature épistolaire, l’histoire, le discours, le dialogue, la biographie et l’autobiographie (mémoires), la fiction (nouvelles, récits divers), le commentaire (qui prend une grande importance à la Renaissance), les traités rhétoriques, éducatifs, politiques, philosophiques, scientifiques, encyclopédiques. La Renaissance crée aussi de nouveaux genres, dont le plus connu est peut-être celui de l’utopie littéraire, dont le père est Thomas More. Mais il faut citer aussi l’emblème, que l’on doit à André Alciat, qui mêle texte et image et qui, au reste, n’aurait jamais connu l’extraordinaire diffusion dont il jouit sans l’invention de l’imprimerie.
Pour ce qui est des thématiques, les choses sont quelque peu différentes. Si les humanistes reprennent par la force des choses, en même temps que les genres littéraires antiques, de nombreuses thématiques (un seul exemple: l’amour pour la puella élégiaque), la nouvelle vision du monde donne lieu à des accents nouveaux, qui lui viennent en particulier de sa vision du monde chrétienne (apparition de l’amour pour l’épouse, qui s’oppose à celle pour la puella; transformation des visées de l’éducation; importance des questions théologiques), et des circonstances particulières à l’époque (grandes découvertes, développement des sciences, conflits religieux entre chrétiens ou avec les non chrétiens).
1.3.3. La poésie
C’est certainement dans la poésie, genre créatif par excellence (ποίησις signifie d’abord «création»), que, peut-être paradoxalement, l’Antiquité est la plus présente: dans les thématiques, les formules, les échos, comme le montrent bien les appareils intertextuels très abondants dont nous avons muni l’édition des textes poétiques présents sur ce Portail.
Il est bien évident qu’à côté de quelques pièces vraiment originales, un grand nombre de pièces ne brillent ni par leur originalité ni par leur art. Cela s’explique notamment par le fait qu’une bonne partie de la production poétique des humanistes est une production scolaire au sens large, c’est-à-dire une littérature d’exercice, d’entraînement, et souvent, donc, une production de jeunesse. Ainsi, combien de poèmes (de circonstance ou non) ont-ils été écrits par les humanistes pour s’entraîner à l’écriture littéraire, la preuve qu’il s’agissait d’une production scolaire étant souvent le fait que ces poèmes ne sont pas – ou seulement rarement – publiés (pensons à de nombreux poèmes de Glaréan, ou encore à une très grande partie de ceux de Gwalther)? Le degré suivant est la production littéraire de circonstance, qui au départ est éphémère, ne servant qu’à célébrer un événement, ou, par exemple, à consoler un ami pour la perte d’un être cher (ce type de poèmes sont néanmoins souvent publiés par la suite pour le plaisir ou l’édification de la postérité).
La production poétique de nombreux humanistes se limite à la jeunesse ou à certaines circonstances (décès ou tentative de faire un bilan de sa vie sous forme poétique, comme Fabricius Montanus dans son autobiographie). Seuls quelques-uns d’entre eux tentèrent de faire de la poésie leur profession (ce qui impliquait de trouver de généreux mécènes): en France, l’exemple sans doute le plus connu est celui de Jean Salmon Macrin; parmi les humanistes de la Suisse actuelle, seul Simon Lemnius est dans ce cas, et chez lui, cela est probablement dû au fait que la carrière universitaire qu’il avait envisagée à Wittenberg se heurta au tempérament volcanique de Luther. Glaréan, Vadian, Gwalther et même Montanus ne publièrent des poèmes que dans leurs jeunes années et se distinguèrent plus tard dans d’autres activités, même si, par exemple, Glaréan, âgé de plus de septante ans, faisait encore fièrement référence à son couronnement de poète par l’empereur Maximilien Ier dans son autobiographie poétique, récitée au début d’un cours devant un public d’étudiants (Glaréan ne destinait pas ce texte à l’impression; il ne fut édité qu’au XXe siècle).
1.4. Périodisation
Le «renouvellement» de la littérature latine commence dès le Trecento italien avec Pétrarque et Boccace, mais son apogée et sa diffusion dans toute l’Europe se situent aux XVe et XVIe siècles.
Pour simplifier à l’extrême, une première période est celle du XVe siècle et des premières années du XVIe, jusqu’à la Réforme. C’est une période avant tout italienne (Florence, Rome, Naples, Ferrare), illustrée par des personnalités telles que Leonardo Bruni, Lorenzo Valla, Pie II (Enea Silvio Piccolomini), Giovanni Pontano, Angelo Poliziano. Les idées humanistes gagnent peu à peu le Nord, notamment grâce au concile de Bâle (1431-1449), formidable carrefour d’hommes et d’idées, et à l’invention de l’imprimerie (vers 1440). L’abbé d’Einsiedeln Albert de Bonstetten et le cercle d’amis qui entretenaient une correspondance avec lui faisaient partie des premiers humanistes marqués par ces développements au nord des Alpes. Conrad Celtis, que l’on a appelé «l’archi-humaniste» de l’Allemagne, est certainement plus connu, et les Pays-Bas, l’Angleterre et la France actuelle produisirent aussi de grandes personnalités humanistes tels Érasme de Rotterdam, Thomas More ou Guillaume Budé; pour l’Europe de l’Est, on peut citer par exemple Janus Pannonius et Johannes Dantiscus. Dans l’humanisme italien en particulier, il existe des courants qui ne se contentèrent pas de recourir au vocabulaire et à la mythologie de l’Antiquité, mais qui se montrèrent aussi délibérément «païens» dans la philosophie de vie qu’ils défendaient, influençant ainsi en partie les humanistes du Nord (Celtis en est un bon exemple, tandis qu’Érasme se montrait assez réservé vis-à-vis de ces tendances). En règle générale, ces courants n’ont pas non plus l’intention de rejeter délibérément le christianisme (contrairement aux libertins et libres penseurs de l’époque des Lumières).
On fait généralement commencer la deuxième période avec la Réforme de Luther, qui provoqua un véritable séisme religieux et changea profondément les mentalités, surtout au nord de l’Europe. Cette période s’acheva vers 1575. Pour les humanistes concernés par ces événements politiques et religieux se posait la question de leur propre positionnement. Si la Réforme trouvait parmi eux des partisans enthousiastes, comme les Allemands Ulrich von Hutten et Philipp Melanchthon, un Érasme de Rotterdam, qui n’avait pourtant pas ménagé ses critiques à l’encontre du catholicisme d’avant la Réforme, resta fidèle à l’ancienne foi, et un Thomas More montait même sur l’échafaud pour la défendre. Au début, certaines tendances du protestantisme se montraient fortement hostiles à l’éducation (Karlstadt, Müntzer, le mouvement anabaptiste), mais dans l’ensemble, une lecture protestante de l’humanisme chrétien s’imposa, qui continua à garantir à la culture humaniste un rôle central dans le système éducatif. Dans le luthéranisme, cela se produisit grâce à l’influence de Luther et à l’action de son fidèle et savant disciple, Philipp Melanchthon; en Suisse, l’ancien ami d’Érasme, Ulrich Zwingli, était lui-même plus humaniste que Luther ne l’avait jamais été. Les troubles intellectuels et politiques trouvèrent naturellement un riche écho dans la littérature de l’époque, mais des œuvres d’une autre teneur virent également le jour à cette époque, comme la poésie amoureuse du Néerlandais Johannes Secundus.
Dans le dernier quart du XVIe, la grande période de l’humanisme s’achève et son dynamisme s’essouffle, la Réforme catholique, dans le sillage du concile de Trente, fait sentir ses effets, notamment dans l’action des jésuites et des écrivains de l’ordre; on écrit davantage d’ouvrages en prose (science, philosophie, théologie, histoire, pédagogie), tandis que la poésie devient moins personnelle et peut-être plus académique. On peut citer des écrivains tels Juste Lipse, Joseph Juste Scaliger, Isaac Casaubon.
Même après la fin de la Renaissance, le latin resta la langue incontestée des sciences naturelles, de la théologie et de la philosophie jusque tard dans le XVIIIe siècle. En poésie, il cède de plus en plus la place aux langues vernaculaires, mais il conserve encore longtemps une position importante dans ce domaine.
L’histoire de la littérature latine de la Renaissance est très liée à celle des langues vernaculaires européennes; celles-ci se développent aux côtés du latin et finissent par prendre une importance toujours plus grande; certains auteurs écrivent des ouvrages en latin qu’ils traduisent ensuite dans la langue vernaculaire, pour atteindre un public de non latinistes.
2. La littérature latine de la Renaissance en Suisse
Quelle est la place exacte de la Suisse dans ce panorama de l’histoire de la pensée?
2.1. État de la recherche
La production littéraire des humanistes suisses, en prose et en vers, fort abondante, ressuscite, imite et renouvelle les œuvres grecques et latines de l’Antiquité. Ce patrimoine littéraire a déjà fait l’objet d’un certain nombre d’études, d’éditions et de traductions; dans les dernières décennies en particulier, plusieurs monographies ou ouvrages collectifs ont présenté d’excellents états de la question, notamment sur Joachim Vadian, Henri Glaréan et Conrad Gessner. On signalera aussi les récentes éditions et traductions de Johannes Fabricius Montanus et de Johannes Atrocianus. On regrettera néanmoins l’absence d’études présentant la littérature latine humaniste en Suisse de manière globale et sous tous ses aspects, qu’ils soient linguistiques, littéraires, historiques, culturels, religieux, etc. Nous espérons que ce Portail contribuera à combler cette lacune.
2.2. Qu’est-ce que la «Suisse» au XVIe siècle?
Si l’on veut parler d’humanisme «suisse», il faut commencer par se demander: qu’est-ce que la Suisse, qu’est-ce que la Confédération suisse à l’époque qui nous intéresse, c’est-à-dire, en gros, le XVIe siècle? Lorsque nous parlons dans ce Portail de la «Suisse», nous pensons de manière générale au territoire de la Suisse actuelle. La situation politique de l’époque était complexe. En 1501, la Confédération (qui ne sera officiellement appelée «Suisse» que beaucoup plus tard) comptait onze cantons, treize en 1513, et sa zone d’influence politique et culturelle s’étendait sur les pays alliés (par exemple les Grisons ou la ville de Saint-Gall) et sur les bailliages communs (par exemple la Thurgovie), qui feraient plus tard partie de la Suisse moderne. Il faut aussi relever qu’à l’époque, l’ancienne Confédération (n’oublions pas qu’il ne s’agit pas d’un État fédéral comme aujourd’hui, mais d’une confédération de cantons peu structurée!) n’existait pas comme État indépendant. Elle continuait formellement à appartenir au Saint Empire romain germanique, même si, dans les faits, depuis le XVe siècle, elle s’en détachait de plus en plus et était de plus en plus considérée comme une entité à part entière; on notera du reste que les appartenances à l’Empire et à la Confédération ne s’excluaient nullement. Ce n’est qu’en 1648, lors de la paix de Westphalie, que les Confédérés, obtinrent leur «exemption» de l’Empire.
2.3. La littérature latine humaniste en Suisse: contexte historique et cadre chronologique
2.3.1. Le premier humanisme
Le territoire de la Suisse actuelle était petit, pauvre, et comptait moins d’un million d’habitants; les Suisses étaient considérés par les Italiens comme un peuple d’ignorants et de barbares. L’arrivée de savants étrangers, qui proviennent d’Italie, de France, d’Alsace, de Franconie, revêt une importance capitale. Peu à peu se crée une communauté culturelle des Confédérés.
Au XVe siècle, «les points de repère intellectuels» de la «Suisse» étaient les villes conciliaires de Constance (1414-1418) et, en particulier, de Bâle (1431-1449). L’humaniste Enea Silvio Piccolomini y résida de 1432 à 1455 et, devenu pape en 1458 sous le nom de Pie II, il en fonda l’université en 1460; celle-ci devint un important foyer intellectuel humaniste qui forma notamment l’hébraïsant Johannes Reuchlin (1455-1522), qui y fut aussi professeur de grec.
Dans ces débuts de l’humanisme, il faut aussi souligner l’importance des imprimeurs, qui n’étaient pas de «vulgaires techniciens», mais des lettrés et des humanistes. On citera en particulier Johann Amerbach (1440/45-1513) et ses fils Bruno, Basile et Boniface, ainsi que Johann Froben (1460-1527), qui diffusèrent de nombreux textes antiques et humanistes.
Au XVe siècle, de plus en plus de Suisses étudient à l’étranger: Heidelberg, Tübingen, Fribourg-en-Brisgau, Cologne, Leipzig, Vienne, Paris, l’Italie. Les étudiants suivent souvent leurs maîtres; ainsi, l’humaniste Glaréan ouvre des internats à Bâle, Paris et Fribourg-en-Brisgau, et occupe une chaire à l’université de cette dernière ville. Les savants voyagent aussi beaucoup et étoffent leur réseau de connaissances par le biais d’échanges épistolaires.
2.3.2. La maturité
«La Suisse se trouvait sur la ligne de partage entre l’humanisme du Haut-Rhin, orienté vers l’Europe occidentale et marqué par la théologie et le droit, et l’humanisme littéraire de l’espace danubien, groupé autour de l’empereur Maximilien Ier». De nombreux étudiants suisses (p. ex. Arbogast Strub) se rendirent à Vienne, où Joachim Vadian enseigna de 1501 à 1518. D’autres suivirent, dès 1514, Henri Glaréan à Bâle, Paris, puis Fribourg-en-Brisgau. Des écoles latines formèrent des Suisses notamment à Sélestat (Alsace) et Rottweil (Bade-Wurtemberg).
Bâle continua de jouer un rôle central, grâce à son imprimerie (édition du Nouveau Testament grec d’Érasme, avec traduction latine, en 1516, ainsi que l’Utopie de Thomas More en 1518), grâce aussi à Érasme, qui y séjourna de nombreuses années entre 1514 et 1536, date de sa mort, et qui créa autour de lui un cercle humaniste qui comprenait notamment les Amerbach, Froben, Glaréan et Johannes Oecolampade (qui introduisit la Réforme à Bâle en 1529), les Alsaciens Beatus Rhenanus, Wolfgang Capiton et Conrad Pellican – ces deux derniers, avec Johann Reuchlin, développèrent les études hébraïques. On trouve aussi des disciples d’Érasme à Fribourg (Pierre Falck), à Lucerne (Johannes Xylotectus, Rudolph Ambühl, Oswald Myconius), à Zoug (Jodocus Müller/Molitor), à Glaris (Aegidius Tschudi) et à Schaffhouse (Johannes Adelphus).
2.3.3. Humanisme et Réforme
Une bonne partie des humanistes suisses furent attirés par la Réforme, un mouvement intellectuel et religieux dont les tendances n’étaient que très partiellement parallèles à l’humanisme de la Renaissance et s’orientaient parfois dans des directions totalement différentes. Il n’en reste pas moins que certains humanistes réformés (comme Johannes Rhellicanus, professeur à la haute école de Berne, dans son poème sur cet établissement) mirent la «renaissance des sciences» humaniste en relation directe avec le renouveau de la foi. Dans ce contexte, il faut en outre évidemment citer Zwingli, qui avait étudié à Vienne et à Bâle, mais aussi Capiton, Pellican, Xylotectus, Myconius, Molitor… Beaucoup d’humanistes catholiques quittèrent Bâle, devenue protestante; c’est le cas d’Érasme (qui du reste retourna plus tard dans la ville rhénane, où il mourut), de Beatus Rhenanus et de Glaréan; des humanistes protestants durent quitter Lucerne (Xylotectus, Myconius), Zoug (Molitor) ou Fribourg (Pierre Girod/Cyro, par exemple). Après la Réforme, la culture humaniste se développe également en Suisse occidentale: on peut citer Guillaume Farel, Pierre Viret, Jean Calvin et Théodore de Bèze, qui reçurent tous leur formation humaniste en France; «la conversion représenta cependant dans leurs carrières une rupture nette avec un humanisme ‘mondain’ et un Érasme qualifié de ‘frivole’».
On assiste à un développement des hautes écoles ou académies réformées (Zurich en 1525, puis Berne dès 1528, Lausanne en 1537 et Genève en 1559), dans lesquelles les contenus de formation humanistes (les langues classiques que sont le latin et le grec, ainsi que l’hébreu en tant que langue de l’Ancien Testament) étaient intégrés dans un système strictement orienté vers les besoins de la théologie et de la cure d’âme réformées (c’est-à-dire en premier lieu vers le recrutement de la relève pastorale). Les centres de formation gérés par les jésuites dans l’esprit de la réforme catholique, qui commencèrent à fonctionner à la fin du XVIe siècle, avaient également une orientation fondamentalement théologique, Pierre Canisius ayant joué un rôle essentiel à cet égard. L’étude de la Réforme et de la Réforme catholique montre clairement que la Renaissance et l’humanisme ne sont pas les seuls courants intellectuels qui marquent cette époque.
2.3.4. L’humanisme après la scission confessionnelle
La division confessionnelle mit dans certains cas un terme aux relations entre humanistes; c’est ce qui ressort par exemple de la correspondance de Glaréan avec Zwingli et Myconius, qui fut interrompue en raison de leurs divergences en matière de religion.
Les humanistes poursuivirent leurs contacts à l’étranger (p. ex. Conrad Gessner); des savants des régions périphériques ou de l’étranger vinrent enseigner à Bâle (le Valaisan Thomas Platter l’Ancien) et à Zurich, par exemple.
Glaréan exerça une influence considérable dans la Suisse catholique; le cercle protestant de Vadian, en Suisse orientale. Dans les Grisons, on peut signaler Simon Lemnius, qui se montra remarquablement indifférent aux querelles religieuses de son époque (son conflit avec Luther n’était pas dû à des différends en matière de religion). Des réfugiés italiens s’installèrent à Zurich (Pierre Martyr Vermigli), dans les Grisons (Pietro Paolo Vergerio) et à Bâle (Celio Secondo Curione). C’est aussi à Bâle que se rendit le Savoyard Sébastien Castellion, défenseur de la tolérance religieuse, après avoir dû quitter Genève.
De son côté, Zurich accueillit pour un temps des réfugiés réformés venus d’Angleterre, jusqu’à ce que la Réforme s’y impose définitivement sous Élisabeth Ière; d’importantes relations entre les Zurichois et les Anglais s’ensuivirent (Heinrich Bullinger dédia ainsi son recueil de sermons, les Sermonum Decades, à des Anglais de haut rang). En 1577, les jésuites ouvrirent à Lucerne leur premier collège sur le sol suisse, avec une école supérieure attenante; la Suisse catholique commença ainsi à combler son déficit en matière de formation.
2.4. Quelles limites chronologiques pour le Portail Humanistica Helvetica?
Pour ce qui est de la chronologie, nous avons décidé de nous limiter (sous réserve de quelques exceptions), à la période qui va des années 1510 aux années 1580, qui sont les années de maturité de l’humanisme suisse, qui se développa dans le sillage de l’humanisme chrétien nord-européen, sur lequel l’influence d’Érasme fut déterminante. L’intérêt particulier de ces années réside également dans le fait qu’elles sont marquées par l’apparition de la Réforme, avec les nombreux débats politiques et intellectuels qu’elle déclencha, qui finirent par donner naissance à deux cultures religieuses clairement distinctes. La littérature de cette période est ainsi très marquée par les questions religieuses (luttes entre catholiques et réformés, importance des études bibliques et connaissances linguistiques qu’elles exigent). La question, déjà bien plus ancienne, de savoir s’il est légitime pour les chrétiens de s’intéresser aux auteurs païens, et dans quelles conditions, continue également à être posée.
2.5. Quelles limites géographiques?
Pour ce qui est des limites géographiques, nous avons choisi de nous limiter, dans un premier temps, à la zone alémanique (en particulier Bâle, Berne, Zurich, Saint-Gall, Coire), dont la production littéraire offre un matériel varié et abondant, ainsi qu’une certaine unité. Nous laissons de côté la zone romande, fortement marquée par l’emprise des autorités religieuses réformées, qui exerçaient une pression religieuse beaucoup plus forte et dont l’attitude à l’égard de l’humanisme tendait à être beaucoup plus ambiguë qu’en Suisse alémanique (que l’on pense en particulier à Calvin); une étude de cette zone nécessiterait une grille d’analyse en partie différente de celle qui sera utilisée pour la partie alémanique. Enfin, nous ne traitons pas non plus spécifiquement des humanistes tessinois, dont la plupart étaient actifs en Italie et qui nécessitent à leur tour une grille de lecture en partie différente.
Nous évoquerons toutefois brièvement deux régions se trouvant aujourd’hui essentiellement en Suisse romande, mais qui, à l’époque qui nous intéresse, appartenaient à la sphère germanophone en raison de leur orientation politique et culturelle: Fribourg, un canton confédéré depuis 1481, et le Valais, qui était alors un pays allié de la Confédération. Tous deux réagirent contre l’avancée de la Réforme (à Fribourg, la réaction fut beaucoup plus rapide). Ces régions ne faisaient pas partie à l’origine des centres du mouvement humaniste, ce qui contribua sans doute à ce que la nouvelle foi ne puisse pas s’y imposer; après la Réforme, il fallut quelques décennies pour qu’un système d’enseignement supérieur efficace, inspiré par les contenus de l’enseignement humaniste, se mette en place dans ces deux régions. À Fribourg, ce progrès en matière d’éducation est dû à la Réforme catholique, et tout particulièrement à l’arrivée des jésuites (1582) et à la création d’un collège de l’ordre. Le développement est encore plus tardif en Valais; ainsi, ce n’est qu’en 1662 que les jésuites y sont appelés, à Brigue – en 1734 à Sion.
2.6. Peut-on parler d’humanisme suisse? Qu’est-ce qu’un humaniste suisse?
Une autre question qu’il faut se poser est la suivante: peut-on parler d’humanisme suisse? Car après tout, l’une des aspirations principales de l’humanisme nord-européen du XVIe siècle dans le sillage d’Érasme, celui qu’on a appelé le prince des humanistes ou encore le précepteur de l’Europe, n’est-elle pas de dépasser les intérêts et les particularismes nationaux pour donner vie à une république des lettres sans frontières rassemblant tous les savants dans la défense de l’héritage antique grec et latin? Il n’en est pas moins vrai que l’idéal humaniste du «citoyen du monde» est bien souvent battu en brèche par des tendances nationalistes (pour utiliser un terme moderne), nées tout naturellement des circonstances politiques concrètes du moment – on pense par exemple, en Allemagne, à Conrad Celtis. Cette tendance fut dès le début très forte chez les Italiens, qui se distinguaient consciemment des «barbares» du reste de l’Europe (comme la France ou l’Allemagne). La Germanie de Tacite joua un rôle important dans le développement des tendances nationalistes chez les humanistes allemands; cet ouvrage ethnographique transmettait une image plutôt positive des Germains, décrits comme un peuple honnête, austère et courageux; les humanistes allemands reprirent volontiers à leur compte cette représentation, en l’opposant notamment à la décadence et à l’immoralité «gauloises». Parmi les humanistes suisses, en revanche, on voit apparaître au XVIe siècle, d’une certaine façon comme en miroir, un nouveau courant de pensée. Au XVIe siècle en effet se fit jour l’idée que le peuple suisse descendait des héroïques Helvètes, dont César avait loué l’esprit combatif dans le premier livre de son Bellum Gallicum. Cette idée fut notamment propagée par les chroniqueurs Heinrich Brennwald (1478-1551) et Aegidius Tschudi (1505-1572), ce qui ne signifiait pas pour autant un renoncement fondamental à une conception «allemande» de la culture et de la langue des Confédérés (sur ce Portail, voir comme exemples de textes illustrant cette théorie de l’origine héroïque des Confédérés, le poème de Glaréan Sur les ruines d’Avenches, l’ancienne capitale des Helvètes, ou son Helvetiae Descriptio, qui intègre dans son titre l’antique désignation de la Confédération). On notera au demeurant que Glaréan accordait une grande importance au fait que lui et ses compatriotes ne ne descendaient pas des Germains, mais des Celtes. Par ailleurs, il existait également des théories plus anciennes (à partir d’environ 1470) qui faisaient remonter l’origine de la population de certaines régions suisses à la migration des peuples: les Schwytzois étaient des descendants des Suédois, «les Uranais et les Unterwaldiens des Goths, des Romains et des Huns»; ces théories furent directement reprises dans l’Helvetiae Descriptio de Glaréan (notre sélection ne contient que le poème sur Uri, dans lequel l’origine des Uranais est attribuée aux Huns, et celui sur Schwytz, dont l’origine remonterait aux Goths, c’est-à-dire aux Suédois; mais dans son poème, Glaréan mentionne aussi l’origine romaine des Unterwaldiens).
On constate d’ailleurs chez les humanistes suisses une certaine tension entre patriotisme et cosmopolitisme, ou peut-être vaudrait-il mieux parler d’une coexistence des deux. En tout cas, la loyauté envers l’Empereur de la maison de Habsbourg (dont on sait qu’elle s’opposa souvent à la première Confédération) est compatible avec l’éloge des vertus helvétiques, comme on le voit par exemple dans le Panégyrique (1512) de Maximilien par Glaréan.
Et si l’on accepte de parler d’humanisme suisse (qui oserait interdire de parler, par exemple, d’humanisme français ou d’humanisme allemand?), quels sont les auteurs pouvant prétendre au titre d’humaniste suisse? Suffit-il d’avoir séjourné quelques années sur le territoire de l’ancienne Confédération helvétique ou de sa zone d’influence? Érasme alors serait un humaniste suisse, tout comme Sébastien Castellion – encore que dans son cas la question mérite véritablement d’être posée.
Pour simplifier et sans pour autant imposer de limites trop strictes, nous proposons de considérer comme humanistes suisses d’une part les savants nés dans la Suisse actuelle et actifs surtout sur son territoire (par exemple Conrad Gessner), ou qui, pour des raisons diverses (études, profession), l’ont quittée (par exemple Henri Glaréan), tout en maintenant un lien fort avec leur communauté d’origine; d’autre part les humanistes nés à l’étranger qui ont exercé toute leur activité, ou du moins la plus grande partie de celle-ci, sur le territoire de la Suisse actuelle, et ont contribué, d’une manière ou d’une autre, à la construction de l’identité helvétique ou se sont intéressés de près à la Suisse et à ses particularités (c’est le cas, par exemple, de Johannes Fabricius Montanus). Les humanistes suisses étaient en effet tout à fait disposés à accueillir et à intégrer des collègues étrangers.
2.7. Quelles spécificités pour l’humanisme suisse?
La question de savoir s’il existe un «humanisme suisse» ou de la définition de ce que pourrait être un «humanisme suisse» a jusqu’ici fort peu été considérée par la recherche. En 1969, Gottfried Locher faisait remarquer que durant de nombreuses années, il n’y eut pas seulement un «humanisme en Suisse» («Humanismus in der Schweiz»), mais aussi un humanisme suisse avec des particularités propres et des visées (ou un programme) bien précises. La Suisse, pour les auteurs appartenant à cette mouvance, est le berceau de la liberté, elle est le siège d’une translatio imperii aussi bien que d’une translatio studii qu’elle veut faire connaître à l’extérieur pour se distinguer des autres peuples. Avec la notion de translatio, les humanistes suisses reprenaient un concept que des humanistes allemands comme Conrad Celtis avaient déjà revendiqué pour la nation allemande dans son ensemble.
Comme le fait remarquer Locher lui-même, Hans von Greyerz, tout au début de son chapitre sur l’humaniste bernois Henricus Lupulus (Wölfli), s’était déjà posé la question: «Gibt es einen schweizerischen Humanismus?», «Existe-t-il un humanisme suisse?». Greyerz indique que, s’il ne fait pas de doute que l’on peut parler «d’humanisme bâlois», par exemple, il existait à l’époque en Suisse plusieurs cercles humanistes; et Greyerz de parler du cercle humaniste bernois et de l’un de ses représentants principaux, Lupulus, dont il présente ensuite dans le détail la vie et l’œuvre. Quelques années plus tard, Werner Näf reprend explicitement le questionnement de Greyerz et intitule un article portant sur l’Helvetiae descriptio (qui est précisément l’un des textes principaux définissant ce type particulier de patriotisme) «Schweizerischer Humanismus» («Humanisme suisse»). Après avoir défini les deux grands pôles de l’Europe centrale de l’époque: Bâle d’une part, Vienne d’autre part, et indiqué les trois grands centres humanistes suisses, Bâle, bien sûr, mais aussi Zurich et Saint-Gall, Näf montre que dans les années 1510-1520, la Confédération suisse se distinguait de l’étranger et cultivait des valeurs propres; et de donner, précisément, l’exemple de l’Helvetiae descriptio de Glaréan, le commentaire de cette œuvre par Myconius et le poème l’accompagnant de Vadian, dont les visées patriotiques sont manifestes.
Dans son article sur les caractéristiques de l’humanisme suisse, qu’elle étudie à travers les exemples de Johannes Rhellicanus et Leonhard Hospinian, Barbara Mahlmann-Bauer énumère, en conclusion, neuf caractéristiques («Eigenschaften Schweizerischer Humanisten») qui, du reste, ne sont pas nécessairement spécifiques aux humanistes suisses – elle ne se prononce d’ailleurs pas explicitement sur l’éventuelle spécificité «suisse» de l’une ou l’autre de ces caractéristiques. Elle relève: la volonté des humanistes suisses de combattre le préjugé selon lequel les Confédérés seraient des barbares, ce qui donne lieu à une littérature patriotique, qui intègre l’éloge des montagnes et des vertus des habitants (caractéristique 1); le fait que plusieurs parmi les poètes et écrivains suisses avaient des charges dans la vie civile ou religieuse (caractéristique 2); le rôle central joué par les questions religieuses, qui génèrent un nombre considérable d’écrits (caractéristiques 3-5 et 7-8), notamment autour de l’importance de cultiver l’étude des textes antiques dans leur ensemble, et non seulement de la Bible (caractéristique 6); et enfin l’importance que revêt pour ces savants le fait de cultiver, en plus des trois langues bibliques, la langue vernaculaire (caractéristique 9). Nous verrons plus loin dans quelle mesure certaines de ces caractéristiques peuvent être considérées comme spécifiques de l’humanisme suisse, ou du moins comme d’une importance majeure pour ce mouvement.
Que dire, donc?
Dans la production littéraire des humanistes suisses, est-il possible de distinguer des spécificités, des thèmes récurrents ou des accents originaux? Pour aborder cette question, nous partirons de deux caractéristiques importantes de la Suisse de l’époque: d’une part sa situation géographique particulière dans les Alpes; d’autre part sa situation politique. Ces deux éléments contribuent à développer chez les humanistes suisses un fort sentiment patriotique, qui se reflète dans leur littérature.
La situation géographique d’abord. En raison de la situation de la Confédération au milieu des Alpes, de nombreux écrivains suisses s’intéressent à la montagne, à la botanique, aux beautés de la nature en général, thèmes «romantiques» avant l’heure (on oublie trop souvent que le sentiment d’exaltation devant l’imposante beauté de la montagne ne commence pas au XVIIIe siècle). Par exemple, Conrad Gessner raconte son ascension du Pilate, une montagne d’un peu plus de 2000 mètres qui domine la ville de Lucerne. Il a aussi publié un traité sur les produits laitiers et consacré plusieurs écrits à la botanique. Johannes Fabricius Montanus quant à lui fait l’éloge des randonnées en montagne (il raconte notamment la rencontre heureusement sans conséquence funeste d’un de ses amis avec une ourse et ses deux petits). Ce ne sont que des exemples, qu’on pourrait multiplier à l’envi, ou presque. Enfin, les humanistes attribuent à leurs compatriotes le courage, la ténacité, l’opiniâtreté, la persévérance, au fait qu’ils sont nés dans une nature hostile et dangereuse.
La situation politique ensuite. La petite Confédération (qui à l’époque qui nous intéresse compte treize cantons) et sa zone d’influence occupent aussi une place particulière dans l’Europe des rois et des princes de l’époque en raison de ses succès militaires contre la Bourgogne et contre les Habsbourg, de son indépendance pratique par rapport à l’Empire, ainsi que de ses indéniables traits démocratiques (qu’il faut toutefois éviter d’exagérer). L’Allemand Conrad Celtis rend déjà hommage aux Helvètes dans ses Amores (3,13,11-12) comme étant la seule tribu germanique qui vit entièrement en liberté et qui sait protéger son droit et ses lois par la force des armes. Des humanistes suisses tels Vadian, Glaréan, Montanus, Gessner, Gwalther développent un fort sentiment national spécifiquement helvétique et pratiquent beaucoup la littérature patriotique, en prose comme en vers, notamment la littérature épique au sens large, avec des textes sur les hauts faits des héros fondateurs, en particulier Guillaume Tell, le héros de la liberté par excellence; on trouve de nombreux textes sur l’histoire et les luttes des Confédérés, ou encore d’une ville ou d’une région. On cultive en outre le souvenir des hauts faits des Confédérés, comme la victoire sur les Habsbourg lors de la bataille de Näfels. Nombre de ces textes développent également une critique acerbe de la tyrannie, ce en quoi les Suisses rejoignent d’ailleurs leurs collègues européens. Ce patriotisme se retrouve aussi chez les alliés des Confédérés comme les Grisons; ainsi Lemnius, patriote grisonnais et ami des Confédérés, écrit une épopée sur la guerre de Souabe, qui opposa la Confédération et ses alliés, dont les Grisons, aux Habsbourg. Dans ce contexte, il faut aussi relever la mise en valeur de héros «religieux», tel Nicolas de Flüe, dont on se plaît à relever l’action décisive en faveur de l’unité de la Confédération.
Il faut relever enfin que l’émergence d’un fort sentiment national va souvent de pair, chez les humanistes suisses (et contrairement à maints humanistes d’autres pays), avec un engagement politique personnel: il ne s’agit pas seulement de défendre théoriquement la nouvelle vision du monde portée par l’humanisme, mais aussi d’intervenir personnellement dans le débat politique. À Zurich, par exemple, on pense en particulier à Ulrich Zwingli, présenté par son biographe Oswald Myconius comme un humaniste dont l’action, et pas seulement la réflexion, est mise au service de la cité; c’est ainsi que le réformateur s’insurge contre les pensions des puissances étrangères et s’oppose au mercenariat; il va même jusqu’à participer lui-même (comme porte-enseigne) à la seconde bataille de Kappel, où il laissera la vie. Il se situe dans la lignée, par exemple, d’un Thomas More, qui, dans son Utopie, prêche la nécessité pour l’humaniste d’intervenir dans le débat public. Dans le contexte suisse, on peut aussi citer l’exemple d’Henri Glaréan, dont la correspondance avec Aegidius Tschudi révèle une action concrète dans les affaires politiques et religieuses de son canton d’origine, Glaris. Une étude approfondie de cette thématique reste à faire.
Il est en outre frappant de voir à quel point les humanistes suisses s’intéressent aux questions religieuses. Pour nombre d’entre eux, les intérêts humanistes vont de pair avec un engagement théologique et pastoral; il s’agit certainement là d’une caractéristique significative (bien que non exclusive) de l’humanisme suisse. Deux humanistes majeurs de la suisse alémanique, Ulrich Zwingli et Joachim Vadian, font partie des grands protagonistes du mouvement réformé (et il ne fait pas de doute que Zwingli laissa également des traces au niveau international par le biais du zwinglianisme).
Du point de vue linguistique (langue et style), rien ne semble distinguer les écrivains suisses de leurs collègues allemands, par exemple. Comme eux, ils s’inspirent avant tout des écrivains classiques. Comme eux, leur latin est parfois influencé par certaines structures grammaticales ou syntaxiques de la langue vernaculaire, ou du latin scolastique ou médiéval. Les textes étudiés sur ce Portail permettent de mieux cerner leur ars scribendi et de relever les éventuelles particularités de leur langue ou de leur style. Nous examinons aussi les différents genres littéraires que les humanistes suisses empruntent également à l’Antiquité. Nous nous demandons enfin aussi si les écrivains suisses ont certaines prédilections pour un genre ou pour un autre.
Notre Portail développe toutes les questions mentionnées ci-dessus à travers l’étude de thèmes et de genres littéraires, et à travers celles de divers auteurs, en particulier de six personnages emblématiques ou représentatifs de l’humanisme suisse: Glaréan, Vadian, Lemnius, Gessner, Fabricius Montanus et Gwalther.
Bibliographie
Béné, C., «Les Pères de l’Église et la réception des auteurs classiques», dans Die Rezeption der Antike. Zum Problem der Kontinuität zwischen Mittelalter und Renaissance, éd. A. Buck, Hambourg, Hauswedell & Co, 1981, p. 41-53.
Buck, A., Humanismus. Seine europäische Entwicklung in Dokumenten und Darstellungen, Fribourg-en-Brisgau et Munich, Karl Alber, 1987 (sur l’humanisme de la Renaissance, voir p. 123-287).
Ford, P., Bloemendal, J, Fantazzi, J. (éd.), Brill’s Encyclopaedia of the Neo-Latin World, 2 vol., Leyde et Boston, Brill, 2014.
IJsewijn, J., «Mittelalterliches Latein und Humanistenlatein», dans Die Rezeption der Antike. Zum Problem der Kontinuität zwischen Mittelalter und Renaissance, éd. A. Buck, Hambourg, Hauswedell & Co, 1981, p. 71-83.
IJsewijn, J. (éd.), Companion to Neo-Latin Studies, Part I, History and Diffusion of Neo-Latin Literature, Louvain, Leuven University Press, 1990, p. 206-213 (chap. «Switzerland»).
IJsewijn, J., et Sacré, D. (éd.), Companion to Neo-Latin Studies, Part II, Literary, Linguistic, Philological and Editorial Questions, Louvain, Leuven University Press, 21998.
Korenjak, M., Geschichte der neulateinischen Literatur, Munich, Beck, 2016.
Maissen, Th., «Humanisme», Dictionnaire historique de la Suisse, version online du 18.03.2015, https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/017432/2015-03-18/.
Maissen, Th., «Literaturbericht Schweizer Humanismus», Revue suisse d’histoire 50 (2000), p. 515-544.
Margolin, J.-C., «Humanisme», dans Érasme, Éloge de la folie. Adages […], éd. C. Blum et al., Paris, Robert Laffont, 1992, «Dictionnaire d’Érasme», p. CXXXIII-CXXXVI.
Moul, V. (éd.), A Guide to Neo-Latin Literature, Cambridge, Cambridge University Press, 2017.
Pognon, E., chap. «Littérature latine de la Renaissance. L’Antiquité retrouvée», dans Histoire des littératures, vol. 2, Littératures occidentales, éd. R. Queneau, Paris, Gallimard, 1968 (Encyclopédie de la Pléiade), p. 276-289.
Potter, R., «The Renaissance in Switzerland», Journal of Medieval History 2 (1976), p. 365-382.
Rüegg, W., «Humanistische Elitenbildung in der Eidgenossenschaft zur Zeit der Renaissance», dans Die Renaissance im Blick der Nationen Europas, éd. G. Kaufmann, Wiesbaden, Harrassowitz, 1991, p. 95-133.
Van Tieghem, P., La littérature latine de la Renaissance. Étude d’histoire littéraire européenne, Genève, Slatkine, 1966.
Margolin (1992), p. CXXXIV.
Sur les rapports entre la Réforme suisse et l’humanisme, voir aussi le chapitre 2.3.3 de cette introduction («Humanisme et Réforme»).