Joachim Vadian
Œuvres
- Poème sur le lac de Constance
- L'églogue autobiographique Faustus
- Discours funèbre sur le roi Ladislas II
- Gallus pugnans
- Poème introductif à l’Helvetiae descriptio de Glaréan
- Extraits du commentaire à Pomponius Mela: la légende du Pilate et Saint-Gall
- Débat avec la mort
- Lettres à Berhardin Bentz (contre les anabaptistes) et à Heinrich Bullinger (sur le pape, qui est l'Antéchrist)
- Panégyrique des empereurs Frédéric III et Maximilien Ier
- De poetica
Auteur(s): David Amherdt (deutsche Übersetzung: Clemens Schlip). Version: 03.07.2023.
Vadian fut l’humaniste le plus important et le réformateur le plus influent de la Suisse orientale. Contrairement à nombre de ses collègues, il demeura toujours dans la même université, Vienne, et voyagea assez peu. À l’âge de 34 ans, il se retira de la vie universitaire pour se consacrer à sa ville natale, Saint-Gall, dont il devint le médecin, le réformateur et l’historien.
La vie de Vadian
Joachim von Watt (1483/1484-1551), qui prendra plus tard, lors de ses études à Vienne, le surnom humaniste de Vadianus (Vadian), est né à Saint-Gall en 1484, et c’est dans sa ville natale qu’il meurt en 1551.
Issu d’une famille de commerçants saint-gallois, il fréquente l’école latine de Saint-Gall, puis, au début de l’année 1502, s’en va étudier à Vienne, où il demeure jusqu’en 1518. L’un de ses maîtres est le poète allemand Conrad Celtis, que l’on appelle parfois l’archihumaniste de l’Allemagne; c’est Celtis qui l’introduit aux mystères de la poésie. Vadian est aussi l’élève du théologien Johannes Camers (1447-1546). Il devient maître ès art en 1508. Il demeure ensuite à Vienne pour enseigner la littérature, la géographie et les sciences naturelles. Il devient professeur de l’université en 1511/1512. En 1514, il reçoit à Linz, des mains de l’empereur Maximilien Ier, le titre de poète couronné (poeta laureatus). En 1516, il est nommé professeur de poétique au Collegium poetarum. Il est recteur de l’université en 1516-1517. Parallèlement à ses activités d’enseignant, Vadian, dès 1513, étudie la médecine et obtient son doctorat en 1517. Dès son arrivée à Vienne, il s’est aussi intéressé à la géographie; sa passion pour l’histoire se fera jour surtout dès 1518, à son retour dans sa patrie.
En 1518, Vadian met soudain fin à sa carrière universitaire et rentre à Saint-Gall. Il est nommé médecin de la ville, fait de la politique (il sera notamment à de nombreuses reprises bourgmestre à partir de 1526), et, dès 1522, soutient les idées de la Réforme, se plongeant dans l’étude de la théologie et jouant un rôle déterminant dans l’adoption de la religion nouvelle. En 1519, il épouse Martha Grebel, sœur de Konrad, qui a été son élève à Vienne.
Il poursuit ses activités savantes en focalisant son attention sur l’histoire de sa ville. Il compose la Grössere Chronik der Äbte (1529-1532), une histoire, inachevée, de la ville de Saint-Gall de 1199 à 1491. Il effectue des recherches historiques et théologiques dans le domaine de l’histoire régionale et ecclésiastique (principes du monachisme, transformation de l’Église primitive en papauté, etc.). Vadian contribue aussi à la chronique suisse de Johannes Stumpf (publiée en 1547-1548).
Les ouvrages historiques de Vadian furent publiés par Melchior Goldast en 1606, puis par Ernst Götzinger en 1875-1879. L’historiographie du XXe siècle fit de Vadian (sciemment opposé à Tschudi) le premier historien suisse capable d’objectivité; mais plus récemment on a montré qu’au contraire il est partial dans son traitement de l’histoire suisse et saint-galloise, influencé qu’il est par ses origines, ses convictions politiques et religieuses. Il fait preuve de distance critique à l’égard des mythes fondateurs de la Confédération (exploit de Guillaume Tell, etc.), mais se laisse aveugler par son inimitié envers les moines et la papauté, en montrant qu’ils se sont écroulés pour s’être éloignés de leur fondement divin. Sa chronique, quoique partisane, est un écrit très important pour l’histoire de la réforme suisse. Vadian insiste sur une périodisation de l’histoire qui ménage un Moyen Âge entre l’Antiquité et son époque. Il est l’un des premiers auteurs à utiliser le concept de «Moyen Âge»; on trouve chez lui des expressions comme media aetas, media antiquitas; il est le premier auteur chez qui l’on trouve l’expression media aetas.
Dans le domaine théologique, il publie plusieurs œuvres en latin sur des thèmes divers (le Symbole des apôtres, l’eucharistie, les termes controversés du christianisme, etc.).
Il lègue sa bibliothèque (450 volumes) à sa ville: elle constitue le noyau de la collection qui porte son nom à la bibliothèque cantonale de Saint-Gall. Un monument en son honneur est érigé en 1904 par Richard Kissling.
L’œuvre latine de Vadian
La plupart des œuvres de Vadian sont en latin, mais c’est l’allemand qu’il emploie généralement pour composer ses œuvres historiques. Nous nous concentrons ici, comme il se doit, sur ses œuvres latines.
L’œuvre poétique de Vadian
Tous les poèmes latins qui nous sont parvenus ont été écrits entre 1510 (date des brefs poèmes contenus dans les éditions de la Batrachomyomachie, de Walafrid Strabon et de Franciscus Niger) et, au plus tard, 1519 (publication de son poème sur la Descriptio Helvetiae de Glaréan).
Plusieurs des éditions d’auteurs antiques, du Moyen Âge ou de la Renaissance que l’on doit à Vadian sont accompagnées de poèmes, généralement plutôt brefs (de 2 à 42 vers), introduisant l’œuvre éditée, faisant l’éloge de l’auteur, etc. (Salluste, Pomponius Mela, Batrachomyomachie, Albert le Grand, Ulrich von Hutten, etc.). Ce sont près de 300 vers qu’on peut ainsi mettre à l’actif de notre humaniste, auxquels il faut sans doute ajouter une bonne douzaine de vers dont l’auteur n’est pas nommé, ainsi que les vers figurant dans des ouvrages publiés par ses amis. Vadian aurait également publié à Tübingen plusieurs de ses poèmes de jeunesse dans un recueil intitulé Minusculae poeticae, dont personne n’a retrouvé la trace. Certains poèmes de circonstances n’ont pas été édités du vivant de l’auteur; ainsi la pièce intitulée Ad poetices tyrones elegia («Élégies aux disciples de la poésie»), qui date probablement des années 1513-1514; deux poèmes panégyriques (un epigramma et un Hecatostichon ludicrum) à l’empereur Maximilien datant probablement de l’année 1515; l’épitaphe de quatre distiques élégiaques composée à l’occasion de la mort de l’abbé Franz von Gaisberg en 1529; un poème de cinq distiques élégiaques composé à l’occasion de la mort de l’abbé Kilian Germann en 1530; un poème de 35 distiques élégiaques composé à l’occasion de la translation des reliques de saint Otmar à Saint-Gall en 1528.
En 1511 paraît, à la suite d’un discours composé à l’occasion de la fête de Noël, une prière à la Vierge de 28 distiques élégiaques intitulée Eiusdem ad intemeratam virginem Mariam devota precatio.
En 1511, peu après la mort tragique à Vienne du jeune humaniste glaronnais Arbogast Strub (1483-1510), son compagnon d’études, Vadian édite un recueil de poèmes en l’honneur du défunt. L’ouvrage comporte six discours ou poèmes religieux de Strub lui-même (notamment sur sainte Ursule), ainsi que divers poèmes funèbres composés par ses amis. Vadian lui-même y publie, en plus d’une épître dédicatoire à Zwingli et d’une lettre à l’humaniste allemand Peter Eberbach (Petreius Aperbacchus, v. 1480-1531), divers poèmes: un poème au lecteur (trois distiques élégiaques), cinq poèmes funèbres en distiques élégiaques en l’honneur de Strub, un long poème élégiaque présentant un dialogue entre Vadian et la mort, une ode pour la fête de Pâques, ainsi que les six vers finaux, adressés aux critiques.
En 1514, dans un volume publié à Vienne chez Singrenius contenant notamment une version latine du À Nicoclès d’Isocrate (en latin: De regno gubernando ad Nicoclem liber), est publié un long poème de 21 pages en hexamètres dactyliques à la gloire des empereurs Frédéric III et Maximilien Ier. C’est ce texte qui lui valut d’être nommé poeta laureatus. À la fin de ce volume figurent en outre trois distiques élégiaques à la gloire de l’empereur intitulés Ioachimi Vadiani hexastichon.
Vadian a aussi composé un poème en hexamètres sur le lac de Constance, dont un extrait de 29 vers est publié dans une lettre à Rudolf Agricola figurant dans un volume édité à Vienne chez Singrenius en 1515. Ce volume contient une lettre dans laquelle Rudolf Agricola demande à Vadian des éclaircissements à propos de questions concernant les Pygmées, les Antipodes et le lac de Constance, ainsi que la longue réponse de Vadian, qui date du 22 juin 1515. La lettre d’Agricola et celle de Vadian sont réimprimées en 1522 dans le commentaire à Pomponius Mela par Vadian. Vadian ne semble pas avoir publié l’ensemble du poème, malgré ce qu’il affirme dans sa lettre.
En 1517, Vadian publie l’églogue autobiographique Faustus, en compagnie d’une élégie sur les armoiries de sa famille, ce dernier texte ayant déjà été publié une première fois en 1515. Long de 300 hexamètres dactyliques et composé une année avant le retour de Vadian à Saint-Gall, le Faustus est une allégorie de ses années passées à Vienne par l’intermédiaire de laquelle il remercie l’empereur Maximilien de l’avoir appelé à la chaire des Bonae litterae, malgré l’opposition de ses ennemis, en remplacement d’Angelus Cospus, un Bolonais.
Vadian écrit en outre une élégie sur les noces du roi Sigismond de Pologne avec Bona Sforza en 1518, ainsi qu’une élégie sur l’entrée de ce même roi dans l’ordre de la Toison d’or en 1519. Ces deux œuvres sont perdues.
Enfin, dans l’édition de 1519 de la Descriptio Helvetiae de Glaréan, qui comporte aussi le commentaire de Myconius, est imprimé un poème de 18 distiques élégiaques de Vadian Ad Helvetiam, intitulé plus précisément Vadianus medicus, orator et poeta laureatus Helvetiam alloquitur (Vadian, médecin, orateur et poète couronné, s’adresse à l’Helvétie), où Vadian fait l’éloge du poème de Glaréan.
Une œuvre de théâtre: le Gallus pugnans
Durant son voyage en Hongrie en 1513, Vadian avait entendu parler des combats de coqs. À son retour, il écrivit, à l’attention de ses étudiants, une sorte de pièce de théâtre, ou plutôt de dialogue intitulé Gallus pugnans («Le coq combattant»), publié à Vienne en 1514.
Il s’agit d’une farce dont le thème est le combat des poules contre les coqs dans le cadre d’un procès. Le texte ne comporte aucune indication scénique, mais la farce a tout d’une pièce de théâtre. On ne sait pas si elle a été jouée, ce qui n’est pas impossible, Vadian ayant par ailleurs organisé des représentations d’autres pièces ou saynètes avec ses étudiants.
La trame est simple. Les poules, par l’intermédiaire de leur avocat, un homme, Philonicus («celui qui aime la victoire»), font un procès aux coqs, défendus quant à eux par Euthymus (l’euthymia désigne les qualités du cœur et le courage). Les chapons jouent le rôle d’arbitres et désirent une issue raisonnable. La solution proposée tout à la fin par le parasite Lichenor (celui qui «lèche les hommes», le «lèche-bottes») est d’envoyer tout ce petit monde ailé à la casserole.
Il s’agit d’un texte burlesque, plein de plaisanteries, de jeux de mots et de sonorités, d’allusions savantes, avec un grand nombre de références à des auteurs antérieurs – une bonne cinquantaine: Platon, Lucien, Pline l’Ancien, jusqu’à Pic de la Mirandole, en passant par les plus grands noms de la littérature grecque et latine et par les Pères de l’Église, Albert le Grand, et même les médecins arabes. La plupart des récits et interprétations majeurs du coq y sont mentionnés.
Le but premier de Vadian est sans aucun doute d’amuser le lecteur ou le public. Mais la pièce est aussi satirique: les animaux se comportent comme des hommes, et ce sont des travers humains que fustige Vadian: conflits pour des raisons stupides, faiblesses humaines (orgueil, jalousie, problèmes conjugaux); il est aussi question du comportement typique ou stéréotypé des deux sexes (femmes soumises et exploitées, mari absent). Vadian se moque en outre des disputes stériles de la scolastique, qui portent sur des sujets absurdes, avec de véritables combats à coups de citations savantes.
La correspondance
On a conservé plus de 250 lettres de Vadian, mais leur nombre était bien plus élevé. Il écrit à ses compagnons de l’Université de Vienne: Johannes Camers (1447-1546); Johannes Cuspinianus (1473-1529); Georg Tannstetter (Collimitius, 1482-1535), qui fut son maître. Il correspond en outre avec toute une série de personnages ayant marqué la vie intellectuelle des pays germanophones: Jakob Wimpfeling (1450-1528), Johannes Reuchlin (1455-1522), Johannes Eck (1485-1543), Eoban Hesse (1488-1540), Rudolf Agricola (1490-1521), Kaspar Ursinus Velius (1493-1539), ainsi qu’avec ses compatriotes Johannes Comander (1485-1557; partisan de la Réforme dès 1523), Oswald Myconius (partisan de la Réforme dès 1522), Heinrich Bullinger (1504-75), Heinrich Glareanus (1488-1563).
Parmi ces lettres, on trouve l’édition ou la mention d’une trentaine d’épîtres dédicatoires composées par Vadian en introduction à des ouvrages divers (œuvres de Vadian, éditions, par Vadian ou d’autres, de textes antiques ou de la Renaissance, etc.).
Ces lettres, où Vadian fait montre de sa culture humaniste, constituent une source essentielle sur la vie et les activités de Vadian le professeur, l’ami, l’orateur, le poète, l’éducateur, le conseiller… Elles offrent aussi de nombreuses informations sur la vie intellectuelle, politique, etc., de l’époque, en particulier à Vienne. Ces lettres ont tantôt la spontanéité d’un billet envoyé à la hâte, tantôt le sérieux d’une épître destinée à alimenter la réflexion humaniste.
Les discours
De 1510 à 1517, Vadian a écrit sept discours dont deux sont perdus. En 1510, il prononce deux discours religieux officiels au nom de l’université: le premier le 21 octobre, fête de sainte Ursule, lors d’une messe dans l’église des dominicains, sur le martyre de la sainte; le second, sur la naissance de Jésus-Christ, à l’occasion de la messe Noël de l’université dans la cathédrale Saint-Étienne – le discours toutefois tourne avant tout autour du sujet de l’érudition humaniste.
En 1515, Vadian reçoit de l’université la charge de la représenter lors de deux discours officiels à l’occasion du premier congrès de Vienne. Dans un premier discours (dont il n’a pu réciter qu’un résumé), il s’adresse à l’empereur Maximilien, dans un second au roi de Pologne Sigismond Ier (il n’est pas certain qu’il ait pu le prononcer en sa présence). En 1516, il compose encore l’oraison funèbre du roi de Hongrie Ladislas II Jagellon.
Éditions et commentaires
Entre 1510 et 1517, Vadian, souvent à l’occasion d’un cours sur tel ou tel auteur ou telle ou telle œuvre, édite un grand nombre de textes latins, se limitant dans la plupart des cas à reprendre des éditions antérieures. Il fait par exemple imprimer l’épithalame de Pélée et de Thétis de Catulle (Catulle 64), le De officiis de Cicéron, la Conjuration de Catilina et la Guerre de Jugurtha de Salluste, le septième livre de Pline l’Ancien, les Mirabilium divinorum libri de Coelius Sedulius. Il édite également la traduction latine d’Hécube et d’Iphigénie à Aulis par Érasme, celle de la Batrachomyomachie (qu’il attribue par erreur à Johannes Reuchlin/Capnio), celle du Voyage autour du monde de Denys le Périégète par Rufus Festus Avienus. Il a également édité des œuvres d’Albert le Grand (Philosophiae naturalis isagoge), de Bède le Vénérable (poèmes), de Lorenzo Valla (Dialogus de libero arbitrio), de Giovanni Pontano (Meteorum liber), d’Ulrich von Hutten (poèmes).
L’éducation est l’un des thèmes favoris des humanistes. En 1511, Vadian publie trois traités en rapport avec l’éducation. Le premier est une édition du De ingenuis moribus et liberalibus studiis, sur les mœurs et l’instruction de la jeunesse, composé en latin au début du XVe siècle par Pier Paolo Vergerio l’Ancien (intitulé ici De ingenuis moribus opus). Le deuxième est la traduction par Leonardo Bruni du traité grec Aux jeunes gens sur la manière de tirer profit des lettres helléniques de Basile de Césarée, où le Père de l’Église propose un florilège des textes que peuvent lire les jeunes chrétiens (le traité est intitulé ici De gentilium poetarum et oratorum legendis libris liber unus). Le troisième est la traduction par Rudolph Agricola (1444-1485) du À Démonicus d’Isocrate sur l’éducation des jeunes gens (ici traduit par Paraenesis ad Demonicum). Dans l’épître dédicatoire, adressée à trois jeunes Autrichiens, Sigismond von Puchheim, Ulrich von Eytzing et Wofhart Strein, Vadian explique l’utilité de ces traités pour grandir en vertu.
Vadian est surtout connu pour son édition commentée de Pomponius Mela (auteur au Ier siècle apr. J.-C. d’une œuvre géographique, le De situ orbis libri III = De chorographia, une description du monde connu des Grecs et des Romains). La première édition de ce texte par Vadian remonte à 1518, mais c’est de l’édition de 1522, la plus complète, dont on se sert généralement. Les scholies commentent l’œuvre de Mela, certes, mais elles sont aussi pour Vadian l’occasion d’excursus sur les sujets les plus divers: le sommeil, les rêves, la mort et la vie future, les mythes, sa patrie, la Suisse, le Pilate, etc. Vadian s’appuie sur l’autorité des anciens géographes, mais aussi sur ses propres connaissances et sur celles de ses contemporains. Le texte de Mela et les scholies sont précédés, sur une vingtaine de pages, d’une rudimentaria in geographiam catechesis, où Vadian définit la géographie, propose des réflexions sur son utilité et définit sa méthode (importance des cartes, etc.). On peut également mentionner un commentaire autographe des chapitres 1-21 de l’Apologeticum de Tertullien, composé probablement vers 1530. Notons enfin que Vadian a participé à un commentaire du deuxième livre de l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien (où le naturaliste romain traite de cosmologie, d’astronomie et de géologie).
La poétique: le De poetica et carminis ratione
Dans le De poetica et carminis ratione, issu d’un cours donné en 1513 et publié en 1518, Vadian s’occupe des problèmes en rapport avec la poésie. Il décrit la nature de l’art poétique depuis l’Antiquité jusqu’à son époque et propose un catalogue de poètes antiques et contemporains. Il s’agit d’un des premiers essais d’histoire de la littérature; c’est «le premier traité poétique de la Renaissance édité en langue latine qui nous soit parvenu complet». L’ouvrage est divisé en trois grands chapitres: l’histoire de la poésie (définition et origine de la poésie, catalogue de poètes, les genres poétiques); la formation (Vadian se pose notamment la question de savoir si c’est la nature (natura) ou l’art (ars) qui fait le poète; il s’interroge aussi sur l’inspiration, le furor poeticus, identifiée avec la grâce de l’Esprit Saint); le rôle du poète et de l’art poétique dans les arts (il y est notamment question des premiers poètes, qui étaient des théologiens; la poésie ne s’oppose pas à la foi; nécessité et légitimité de lire les Anciens pour un chrétien). Le De poetica est en fait «une méthode d’éducation (studii ratione), dans la lignée du traité De ratione studii, publié par Érasme en 1512».
En ce qui concerne la poétique de Vadian, il convient de mentionner également une lettre de vieillesse de notre humaniste (alors bourgmestre et réformateur de la ville de Saint-Gall) adressée au jeune Rudolf Gwalther, dans laquelle il fait l’éloge de son drame biblique Nabal et affirme clairement que l’Ancien Testament convient mieux que le Nouveau à une adaptation poétique, désapprouvant par conséquent les grands auteurs épiques de l’Antiquité (comme Juvencus) et de la Renaissance (comme Marco Girolamo Vida), qui s’étaient inspirés du Nouveau Testament. Il révise ainsi de facto ses propres jugements esthétiques antérieurs, qu’il avait encore soutenus dans sa Poétique.
La géographie
Nous avons déjà évoqué ci-dessus le commentaire de Pomponius Mela. Ajoutons qu’en 1534, alors qu’il se trouve à Saint-Gall depuis plus de quinze ans déjà, Vadian publie son Epitome trium terrae partium, un ouvrage de géographie générale, où il s’intéresse en particulier aux lieux mentionnés dans le Nouveau Testament.
L’histoire
Dans les années 1530, Vadian publie, en latin, une étude des sources médiévales relatives aux couvents et monastères d’Allemagne, intitulée Farrago de collegiis et monasteriis Germania («Mélange sur les couvents et les monastères d’Allemagne»), qui ne sera publiée qu’en 1606 par Melchior Goldast. Dans le même volume est publiée une partie de son étude historique sur les quatre âges du christianisme.
La théologie
En 1522, Vadian compose la Brevis indicatura symbolorum, qui consiste essentiellement en une explication du symbole des Apôtres; Vadian n’a pas publié ce texte. En 1536, il publie, à l’adresse de Conrad Pellican, une œuvre d’histoire de la théologie sur l’eucharistie, les Aphorismorum libri sex de consideratio eucharistiae. En 1542, c’est le tour de son Pro veritate carnis triumphantis Christi […], Zurich, Froschauer, 1542. Toujours dans les années 1540, il compose le Aequivoca nomina christiana ad religionem pertinentia, resté sous forme manuscrite, catalogue et étude des termes théologiques sujets à controverse (Église, Église romaine, pape, foi, sacrements, etc.).
Bibliographie
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