Le martyre des saints Félix, Regula et Exuperantius

Traduction (Français)

Traduction: David Amherdt (notes originales en allemand: Clemens Schlip)


Ici nous avertissons le lecteur: à cet endroit l’histoire a plusieurs versions. En effet, les uns écrivent que du plomb fondu a été introduit dans la bouche des saints, d’autres qu’ils ont été placés sur des roues après qu’on leur eut brisé les membres, quelques-uns qu’ils ont été déchirés par des crochets brûlants. Quant à moi, je pencherais plutôt pour ce dernier procédé, car torturer ainsi sur des roues – c’est la manière dont de nos jours les Allemands et les Suisses exécutent les bandits –, était tout à fait contraire aux habitudes des Romains, bien que l’habitude de les attacher à des roues et de les entraîner dans leur rotation demeure encore en France, sans que l’on sache si elle a été introduite par les Romains ou par les barbares.

Or (il faut maintenant se hâter d’arriver au terme de ce récit), comme Decius voyait qu’il ne pouvait les contraindre à sacrifier aux dieux ni par les menaces ni par les tortures, il finit par ordonner de les condamner à mort; il savait en effet que c’était là la pratique des chefs d’armée. Il y avait, presque au milieu de la Limmat, un endroit où s’élève aujourd’hui, dans la ville de Zurich, un illustre sanctuaire, qui se présente aux regards depuis les deux rives; un rocher y avait aussi été placé, sur lequel le condamné montait avec le bourreau. On peut le voir aujourd’hui encore à cet endroit.

Une fois qu’ils y furent parvenus, les bienheureux, pleins de courage, après avoir adressé à Dieu une prière, présentèrent leur nuque au bourreau pour qu’il la tranchât. Or, dit-on, on entendit une voix venue du ciel: «Venez, les bénis de mon père, recevez le royaume qui vous a été préparé depuis l’origine du monde».

Mais, ô prodige (car telle est, dans ses saints, la puissance du Dieu très haut et très grand), voici qu’après avoir été décapités ils se lèvent et, prenant leur tête, ils descendent sur l’autre rive. Il y avait une colline, sur laquelle maintenant s’élève leur temple, à Zurich, à quarante pas du rivage; ils la gravissent aussitôt, se couchent, sont ensevelis, et il y en avait qui disaient qu’un certain Denis avait fait la même chose autrefois à Paris, et, en effet, plusieurs siècles n’ont pu effacer cet extraordinaire miracle de la mémoire des hommes. Un grand nombre de ceux qui avaient vu le miracle devinrent croyants, et ainsi, peu de temps après, lorsque le christianisme eut commencé à mieux se porter, toute la ville adopta le culte du Christ. Ensuite, Charlemagne mit ces trois martyrs au nombre des saints, en faisant édifier, comme nous l’avons dit auparavant, un temple magnifique. Ils souffrirent de la tyrannie le troisième jour des ides de septembre de l’année 290 à partir la naissance du Christ, si l’on en croit la Chronique d’Eusèbe.