Dossier: Johannes Gast, recueil d’histoires

Traduction (Français)

Traduction: Kevin Bovier (notes originales en allemand: Clemens Schlip)


1. Extraits du De virginatis custodia

p. 239-240 (dernière anecdote du livre II, de uxorum pudicitia)

Exemple remarquable d’une femme chaste, 1543

L’empereur avait fait halte à Spire avec une importante armée de soldats espagnols et, comme il est d’usage lorsqu’il y a un grand nombre d’hommes, une femme riche en avait hébergé certains à la demande du Conseil, pensant accueillir chez elle des soldats honorables et respectables. Ceux-ci, après qu’elle les eut bien nourris et bien abreuvés, songeaient à assouvir les appétits sexuels auxquels ce genre d’hommes est enclin. L’un d’eux, en effet, encore plus infâme que les autres, bien qu’elle le repoussât vivement, l’avait jetée à terre comme s’il combattait une bête et, après l’avoir dépouillée de ses vêtements, il allait satisfaire le désir insensé qu’il avait conçu. Mais la chaste femme, pour ne pas être souillée par un adultère, se battait avec plus de malice qu’un serpent: au cours de la lutte, elle transperça le soldat avec un poignard qu’il portait à la ceinture et qu’elle lui avait pris à son insu, de sorte que, son désir éteint, il gisait à terre, à demi mort, étendu dans son sang qui jaillissait dans toutes les directions. Elle l’avait blessé au cou, si bien que le soldat ne pouvait plus émettre un son et mourut une ou deux heures plus tard. Cette femme fut louée par tous pour un acte si éclatant et défendue contre les autres hommes qui se préparaient à lui faire violence. C’est ainsi que cet homme misérable subit le juste châtiment de sa débauche.

 

p. 241-242 (livre III, de meretricum dolo et perditione)

Sur la prostituée Théonis

En Égypte, un jeune homme aimait éperdument la prostituée Théonis, et alors que celle-ci exigeait un prix exorbitant, le jeune homme, finalement, rêva qu’il couchait avec elle et fut ainsi libéré de cet amour. Elle exigea d’être payée; le jeune homme ayant refusé, l’affaire fut portée devant le juge. Bocchoris rendit la sentence suivante: le jeune homme devait apporter dans un petit récipient la somme d’argent qu’elle avait réclamée. La prostituée devait être présente et jouir de l’ombre de l’argent qu’il transportait. Lamia reproche à ce jugement d’être inique. «Le jeune homme a été libéré de son amour par le rêve», dit-elle, «mais l’ombre de l’argent n’a pas ôté à Théonis son amour de l’argent.»

 

p. 242-243

La vieille femme aimée

Phryné, alors qu’elle était déjà bien vieille, disait que beaucoup achetaient de la lie parce qu’elle venait d’un vin renommé; c’est qu’elle avait remarqué que bien des hommes couchaient avec elle pour pouvoir se glorifier de l’avoir fait avec Phryné. C’est comme lorsque l’on achète la lie d’un vin de grand renom pour pouvoir se vanter d’avoir un tel vin chez soi. J’ai vu une courtisane semblable à Breslau, vieille et chargée d’ans; elle n’en était pas moins aimée de beaucoup, mais seulement pour les richesses qu’elle avait récoltées dans sa jeunesse auprès des jeunes gens.

 

p. 301-304 (du livre IV, de gentium moribus)

Un vif amour pour les chiens

À Bâle, j’ai vu plus d’une fois, dans la maison d’un chanoine, deux chiens dodus qui étaient plus choyés et jouissaient de plus grands délices que n’importe quel être humain. En effet, pendant l’hiver, ils dormaient sur de magnifiques coussins dans une pièce chauffée; en été, ils occupaient la partie aérée et bien décorée de la grande salle; ils étaient ainsi à l’abri des mouches et des puces. Une servante engagée spécialement pour prendre soin des chiens avait l’habitude de les laver chaque jour, de vérifier qu’ils n’avaient pas de puces, de leur essuyer les yeux, de ramasser les crottes qu’ils semaient et de préparer leur petit lit. Quand arrivait l’heure du déjeuner ou du souper et qu’on dressait la table, ils approchaient en rampant; l’un occupait la place supérieure, l’autre la place inférieure de la table, et ils touchaient le plat avec leur gueule. Nul n’osait les chasser ou les irriter d’un mot. Ce vil cureton leur servait toutes sortes de mets délicieux apportés dans une écuelle; il disait en plaisantant: «C’est un bon repas pour mes petits garçons. Voilà, c’est ta part», puis, se tournant vers l’autre chien: «Pourquoi es-tu triste? Tu ne seras pas privé d’une jolie portion. Veux-tu un morceau de cette viande? Ou de celle-là? Je sais ce que tu aimes! Veux-tu un morceau plus gras? Non? Remue la queue, fais-moi un bisou, ou tu n’auras pas ce mets délicieux! Pourquoi ne me lèches-tu pas le visage? Il est sûrement un peu gras». Plus étonnant encore: ils buvaient du vin, certes dilué, mais c’est tout de même rare chez les chiens. Dans d’autres cas, si un chien nous ennuie, on peut le faire fuir en lui tendant une coupe. Quand le cureton allait dormir, il saluait ses «petits chiens chéris» comme s’ils étaient ses enfants, les embrassait et leur disait au revoir. «Dormez bien cette nuit, disait-il, je viendrai vous voir demain, ne faites pas de bruit. S’il arrive quelque chose de fâcheux, aboyez et je viendrai vite écarter tout mal. Ah, servante, leur as-tu préparé le lit, comme je te l’avais demandé, pour qu’ils dorment confortablement? As-tu chassé les chats, pour qu’ils ne dévorent pas le repas préparé pour les chiens et que ceux-ci n’aient faim avant mon retour de la prière des matines? Les chats n’ont qu’à se nourrir des souris et des loirs; mes petits chiens doivent manger cette nourriture, car ils sont la moitié de mon âme.» Finalement, le prêtre, accablé de vieillesse, tomba mortellement malade et mourut au bout de quelques jours, laissant derrière lui ses chiens, qu’il avait confiés par testament à la servante et pour l’entretien desquels il avait laissé à disposition cent pièces d’or, afin que les chiens ne meurent pas de faim. Ce qui fut fait. Mais les chiens ne voulaient plus rien manger à cause de la mort de leur maître, même quand on leur présentait de la nourriture délicieuse, arborant un air triste sur leur gueule. On aurait pu croire qu’ils avaient des sentiments humains ou étaient de mauvais génies qui refusaient de vivre une fois leur maître enterré.

 

2. Extraits des Convivales Sermones, vol. II

p. 57-58

Sur une femme lunatique, 1545

Une femme éduquée dès son plus jeune âge dans un milieu aisé, dont le père était riche mais grossier et cupide, fut cédée à un boucher qui, après avoir contracté le mariage, avait commis je ne sais quelle ignominie, de sorte qu’il ne pouvait plus faire affaire avec le reste de ses concitoyens. Et pour cette raison, il fut contraint de déménager et de renoncer à son métier de boucher. Quant à sa femme, sans doute à cause du chagrin et de la tristesse que lui causait l’infortune de son mari, commença à perdre un peu la raison et à être tentée par Satan, qui cherche toutes les occasions pour nous abuser. En effet, la pauvre femme affirma maintes fois que Satan lui sautait aux oreilles, qu’il lui soufflait bien des mauvaises choses, qu’il la poussait au désespoir. Un serviteur de la parole divine fut appelé auprès d’elle, mais au début elle ne voulait pas lui parler, bien qu’elle y fût exhortée à plusieurs reprises par des mots doux autant que vifs. Enfin, après avoir longuement réfléchi, elle donna à toutes les questions des réponses brèves et ponctuées de soupirs. Or le 27 janvier, à la huitième heure de l’après-midi, voici ce qui arriva: elle se para de beaux vêtements, et ce alors que la femme qui s’occupait d’elle ignorait ce qui se passait exactement dans la chambre, étant occupée aux tâches ménagères. Mais la femme lunatique s’échappa discrètement de la maison et se jeta dans le Rhin, sans que personne ne le sache ou ne le voie. Des personnes habitant à proximité du Rhin l’entendirent crier, car elle disait: «Seigneur Jésus, aie pitié de moi!» Pendant ce temps, la gouvernante fouille tous les recoins de la maison, mais la malheureuse femme n’était visible nulle part. Ayant entendu ses cris et ses pleurs, tout le voisinage accourut pour demander ce qui se passait. Elle expliqua avoir perdu sa chère petite maîtresse, dont on lui avait confié la garde. Le lendemain, on apprit qu’elle s’était noyée. Voilà ce que nous fait subir Satan lorsque nous cessons de prier avec assiduité. Elle laissa derrière elle deux magnifiques enfants, qu’elle avait élevés avec beaucoup de foi et d’amour. Elle était complètement mélancolique et superstitieuse. On lui donna un mauvais mari alors qu’elle était encore une jeune fille. Je crains que ses parents ne soient responsables de sa mort funeste, car ils l’ont abandonnée alors qu’elle souffrait ces tourments.

 

p. 116

Sur un noble

Lorsque j’étais à Francfort-sur-l’Oder, j’ai entendu plus d’une fois des hommes savants et dignes de foi raconter cette histoire étonnante: aux confins de la Pologne, il y a une ville du nom de Meseritz; à environ huit milles de là se trouve un château dans lequel vivait un gentilhomme souffrant de la goutte, très affaibli par l’âge, qui entretenait douze prostituées pour pouvoir jouir sans cesse des plaisirs de l’amour et passer le temps plus agréablement lorsque la maladie le faisait souffrir. Lorsqu’elles ne voulaient plus forniquer ou qu’il ne pouvait plus les supporter parce qu’elles avaient perdu leur beauté, il les mariait à des paysans en leur donnant une riche dot, et les remplaçait par des prostituées plus jeunes, afin de ne pas devoir vivre seul. En effet, il ne voulait pas prendre d’épouse légitime, je ne sais pas pour quelle raison.

 

p. 185

Sur un lépreux, 1545

Un homme prétendant être un lépreux fut arrêté il y a quelques années à Bâle, et l’on découvrit qu’il était sain. Il fut publiquement fouetté pour sa tromperie, pour qu’il cesse à l’avenir de commettre cette imposture. On dit qu’il était très riche (car il venait de France). Et on se demande ce qui avait pu lui plaire dans la mendicité au point de délaisser ses biens paternels. Comment put-il supporter l’haleine, la puanteur et la saleté des lépreux? N’est-il pas doublement misérable, celui qui se mêle à ces hommes misérables, alors qu’il pourrait vivre chez lui dans l’aisance? Aussi faut-il imposer une règle aux mendiants pour qu’ils ne soient pas un fardeau pour les autres en raison de leur oisiveté et de leur mendicité.

 

p. 185-186

Sur le docteur Antoine de Breisach, un scotiste

Cet homme était prodigieusement savant en matière de finesse sophistique, lisant jour et nuit les écrits obscurs de Scot. Pendant le repas, il disposait à sa gauche un livre ouvert qu’il consultait sans cesse lorsqu’il était seul. Quand il se promenait soit dans le jardin, soit dans la rue, un serviteur portait le livre dans un sac, sur son dos, afin que, si tout n’était pas aussi profondément gravé dans sa mémoire qu’il le voulait, il puisse ouvrir le livre et rechercher le passage sur lequel il avait un doute. Finalement, sa vaste érudition et les disputes auxquelles il prenait plaisir le rendirent fou. Il était soigneusement surveillé par des proches, pour qu’il ne se fasse pas de mal; mais en vain. En effet, au moment du repas, s’étant saisi d’un couteau, alors que personne n’était présent, il se transperça la gorge, mettant ainsi fin à ses jours de sa propre main. Dans les disputes, il s’acharnait beaucoup contre Eck et d’autres sophistes; il était habile pour réfuter les arguments, quoique son érudition vaste et débordante le rendît obscur. J’ai voulu insérer ici cette histoire, non par haine pour cet homme, mais pour que tout le monde sache à quel point il avait été un lecteur assidu des doctrines de Scot, afin que nous ayons honte de consulter les Saintes Écritures avec tant de négligence.

 

p. 211

Sur la foudre venue du ciel, 1545

Le 20 juin, un muletier quitta Bâle très tôt le matin; son maître avait prévu de le suivre une heure plus tard avec le reste des cavaliers; le muletier fut tué en plein champ, devant une forêt, frappé par la foudre, alors qu’il portait autour du cou un petit morceau de cire béni par le pape romain, appelé «Agneau de Dieu», dont on dit qu’il est merveilleusement efficace contre la foudre et les tempêtes. Les marques de brûlure laissées par la foudre apparaissaient partout sur son corps, en particulier sur sa tête et sur son dos. Le mulet n’eut guère conscience du danger. En effet, il était seulement tombé par terre, peut-être à cause du poids, ou bien de la fumée causée par la foudre. Les voyageurs qui venaient derrière lui furent terrifiés en découvrant le serviteur (certains disaient qu’il s’agissait d’ambassadeurs savoyards en route pour aller voir l’empereur) et retournèrent tout de suite à Bâle pour annoncer la mort misérable du serviteur, auquel ils donnèrent ensuite une sépulture honorable.

 

p. 281

Autre histoire à propos Faust

J’ai dîné avec lui à Bâle, au Grand collège; il avait offert au cuisinier des oiseaux de différentes espèces à faire cuire; je ne sais où il les avait achetés ou qui les lui avait donnés, car on n’en vendait pas à cette époque; pour ma part, je n’en avais même jamais vu dans nos régions. Il avait avec lui un chien et un cheval qui, à mon avis, étaient des démons prêts à tout faire pour lui. Certains m’ont dit que le chien prenait parfois l’apparence d’un serviteur et apportait à manger. Pourtant, le malheureux connut une fin déplorable, car il fut étranglé par Satan; son corps étendu sur le brancard regardait toujours vers le bas, bien qu’on l’eût retourné cinq fois sur le dos; puisse le Seigneur nous empêcher de devenir les esclaves de Satan!

 

p. 292, 266, 300-301 (pagination erronée dans l’exemplaire consulté)

Histoire terrible d’un prêtre infidèle, 1544

Il y a cinq ans, un dénommé Johannes, diacre dans la région de Berne, s’écarta de la vérité de l’Évangile qu’il avait professée quelque temps. La cause fut une malice innée et surtout le vice d’ivrognerie, qui est une habitude chez les papistes. En effet, lors d’un synode tenu à Berne, il fut sévèrement réprimandé, et à juste titre, car il avait besoin de recevoir un blâme extraordinaire pour ses fautes manifestes, qu’il avait commises en grand nombre et qui causaient un tort considérable à l’Église. Supportant mal cette réprimande, même si elle n’avait rien de faux ou de fantaisiste, au point de partir le cœur amer, ruminant des pensées plus mauvaises encore, il rencontra le bourreau public (car entre-temps il avait quitté ses confrères réunis en synode, qui délibéraient sur la peine canonique qu’ils devaient infliger à cet homme); en sa compagnie, il but beaucoup et s’enivra, lui disant qu’il n’était plus digne de manger et de boire avec les serviteurs de la parole divine, mais seulement de prendre du bon temps avec le bourreau. Car il ne s’attendait pas à ce que de si sévères censeurs rendent un verdict qui défende sa cause. Ayant beaucoup bu, l’homme commença à se quereller avec le bourreau et, comme il ne voulait pas mettre fin à la dispute malgré des avertissements répétés, il fut précipité dans les escaliers. Quand le misérable, confus, eut quelque peu cuvé son vin, il ne sut pas à quels saints se vouer. S’étant ressaisi, il alla chez ses frères évangéliques pour s’enquérir de la sentence qu’ils avaient prononcée à son égard. On le priva de son bénéfice et de sa fonction ecclésiastiques pendant un an (comme c’est l’usage chez eux) et on lui demanda de faire pénitence et d’améliorer sa vie durant cette période. Il promit de vivre saintement et remercia [ses frères] pour cette correction chrétienne. Mais que se passa-t-il? Il céda aux suggestions de Satan et, poussé par un désespoir excessif, se rendit en toute hâte à Radolfzell, petite ville de l’évêque de Constance, et demanda à être absous de l’excommunication dont il se croyait frappé pour s’être éloigné du papisme; il déclara qu’il avait délibérément et sans contrainte péché contre le pape, la messe, et enfin qu’il avait méprisé les cérémonies instituées par les papes et s’était joint aux évangéliques, ce dont il se repentait, et qu’il serait à l’avenir un excellent défenseur du siège romain. Il fut absous après avoir abjuré l’Évangile de Jésus Christ. On lui fit don d’un bénéfice ecclésiastique à Breisach, où pendant quelques mois il fut actif en tant que pasteur ami du vin. Puis les paysans ne voulurent plus le supporter à cause de son mauvais caractère et de sa vie corrompue. Finalement, il se rendit en Alsace et bientôt, en raison du manque de prêtres, on lui confia une charge de curé dans le village de Hausen, près de la ville impériale de Colmar. Alors que les paysans célébraient la kermesse, il se comporta de manière si honteuse, non seulement en buvant, mais aussi en mangeant et en chantant des chansons obscènes, et cela dans une auberge publique, que les paysans, parce qu’il avait chié dans son pantalon, le traitèrent de la pire des façons et lui enlevèrent sa chemise pleine de merde puante, qu’ils lui lancèrent ensuite au visage. Puis il fit les mêmes choses, à dire vrai des choses plus honteuses encore, dans le village de Bennweiher, pendant le repas même, quelques jours plus tard. Là, il s’était enivré à en perdre la raison: on aurait dit une bête, non un homme. Les paysans s’en donnaient à cœur joie, chantant «youhou» pour montrer leur mépris au prêtre, et ils lui disaient: «Quel pasteur, comme il est sobre, comme il prend bien soin des âmes de son Église! Tous ceux qu’il préparera à mourir iront-ils désormais au paradis des ivrognes? Quel genre de Dieu créera-t-il demain à la messe avec cette haleine d’ivrogne?» Un autre, plus obstiné que les autres, dit: «Allez, nous allons dépouiller le prêtre impie de ses cheveux, donne-moi le couteau, moi je vais faire le barbier.» Aussi le prêtre fut-il tondu sans même résister. Ils lui enfoncèrent ses cheveux dans la bouche et déchirèrent ses vêtements comme des chiens. Et c’est ainsi que le misérable fut ramené chez lui, comme un animal fou. La même année, le 15 août, dans l’auberge publique de Ribeauvillé (petite ville en Alsace), il s’enivra au point de perdre toute humanité. Un huissier public l’exhorta à ne pas vider les coupes de la sorte: il montrait le mauvais exemple et portait atteinte à la dignité du sacerdoce. Il lui asséna un coup de poing dans la mâchoire en disant: «Ce n’est pas à toi de réprimander un prêtre de Dieu!». Un tumulte s’éleva, mais fut aussitôt apaisé. On se rassit et on se remit à boire à tour de bras. Finalement, le prêtre appela l’aubergiste et lui demanda d’ouvrir une chambre, car il voulait aller dormir un peu. Il partit en titubant, son corps se balançant dans un sens puis dans l’autre, et tomba dans les escaliers sans que personne ne l’ait bousculé. Certains disent qu’il a été légèrement touché par quelqu’un et que c’est pour cela qu’il est tombé. Le misérable mourut le lendemain sans avoir bu ou mangé, et même sans avoir prononcé un mot ou imploré la miséricorde de Dieu: un châtiment digne d’un apostat. Les gens du peuple aiment ce genre de prêtres, et ils sont aussi les conseillers des notables.

 

3. Extrait des Convivales Sermones, vol. III

p. 1-2

Une idole qui parle, Mosc., p. 77

Autrefois, les habitants de Novgorod vénéraient principalement une idole du nom de Perun, à l’endroit où se trouve maintenant le monastère. Après qu’ils eurent été baptisés, on la déplaça; lorsqu’ils l’eurent jetée dans la rivière, on dit qu’elle remonta le courant; et à la hauteur du pont, on entendit une voix dire: «Que ceci, habitants de Novgorod, vous fasse penser à moi». Et en même temps que ces paroles, un bâton fut lancé sur le pont. Aujourd’hui encore cette voix de Perun se fait entendre certains jours de l’année; lorsqu’ils l’entendent, les habitants du lieu accourent aussitôt et se frappent mutuellement avec des bâtons. Il en résulte un tel tumulte que le préfet a du mal à l’apaiser.

Ajout

Le jour de carnaval, les enfants bâlois observaient autrefois, et encore de mon temps, la même coutume. En effet, le soir du premier dimanche du carême, une grande foule de jeunes gens se réunissait avec des torches allumées près de la tour située sur la colline près de la Steinentor, appelée (dans ce faubourg habitent la plus grande partie des tisserands) «observatoire de la région» en raison de sa hauteur. De là, en effet, on aperçoit presque tout le Sundgau et on voit clairement tous les champs qui entourent les montagnes, ainsi que des prés très charmants. Les jeunes gens, dis-je, s’affrontaient en se donnant des coups de torche jusqu’au sang et se blessaient souvent sérieusement, au point que le Conseil fut contraint d’abroger cette vieille coutume, même si aujourd’hui encore on renonce difficilement à une vieille habitude que l’on a prise. Et chaque année, on envoie sur place des huissiers publics qui s’efforcent autant que possible d’empêcher les jeunes gens de s’y réunir; ils éloignent même avec des bâtons ceux qui accourent, si les menaces ne suffisent pas. On ne sait pas d’où vient cette coutume. Certains pensent que les anciens célébraient des «bacchanales» à cet endroit parce que l’endroit est surélevé et qu’ils y allumaient un feu que l’on pouvait voir très clairement depuis les régions voisines, tout comme aujourd’hui encore la foule des paysans se rassemble partout, cette nuit-là, dans les villages environnants, montent sur les hauteurs avec des torches allumées et mettent le feu à un tas de bois rassemblé et restent presque une demi-heure près du feu; puis ils rentrent chez eux en chantant «Io» pour le bois qui flambe avec tant d’éclat. À cela s’ajoute qu’ils passent toute la nuit à boire. Cette tour très haute fut détruite en 1550 et transformée en rempart très solide contre les attaques ennemies.