Théâtre
Auteur(s): David Amherdt/Clemens Schlip. Version: 06.09.2023.
- Introduction
- Production théâtrale des humanistes suisses
- Un saut dans l'avenir: le théâtre des jésuites
- L’édition de pièces antiques ou contemporaines par des humanistes et des imprimeurs suisses
1. Introduction
Le théâtre est l’un des genres qui se développèrent le plus tard dans la littérature néo-latine. Il prend naissance en Italie à la fin du XIVe et au début du XVIe siècle, mais c’est surtout au XVIe siècle, en Allemagne et aux Pays-Bas, qu’il se développe, en particulier à partir de 1530: des centaines de pièces, publiées ou non, sont produites. Ce théâtre sera vivant au moins jusqu’à la fin du XVIIe siècle.
Le théâtre humaniste est surtout un théâtre scolaire ou universitaire, les auteurs étant pour la plupart des professeurs, et les acteurs, des élèves ou des étudiants: un théâtre d’amateur, donc. Les théâtres fixes n’existant pas à l’époque, les pièces sont jouées dans les écoles, les académies ou les universités à l’occasion de fêtes, de visites de personnages de marque, etc.
Le but de ce théâtre est de faire pratiquer aux élèves le latin parlé, de montrer le niveau d’instruction que l’institution en question leur fournissait, mais aussi de contribuer à leur formation religieuse et morale, tout comme à celle du spectateur. À partir de la Réforme, le théâtre devient aussi un moyen privilégié pour attaquer l’adversaire religieux.
Les grands modèles sont les comédies de Térence, déjà bien connues au Moyen Âge et dont les éditions, notamment en Suisse, se multiplient au XVIe siècle; les comédies de Plaute, dont la moitié des pièces ne furent découvertes qu’au XVe siècle et dont l’influence est bien moindre que celle de Térence; les tragédies de Sénèque, qui n’eurent guère de succès avant la fin du XVIe siècle.
Tous ces textes classiques furent utilisés comme livres de classe et servirent de base à la pratique théâtrale. À mesure que l’on redécouvre et traduit le théâtre grec, il sert lui aussi de modèle, mais dans une bien moindre mesure: Aristophane pour la comédie (une partie du Ploutos est traduit au XVe siècle par Leonardo Bruni; la pièce sera beaucoup imitée à la Renaissance), et, pour la tragédie, dans l’ordre de leur redécouverte, Euripide (brillamment traduit par Érasme), Sophocle et Eschyle.
Dans les premières années de l’école humaniste, ce sont les comédies romaines classiques (principalement de Térence) que l’on déclamait ou représentait. Leur contenu suscitant des préoccupations d’ordre moral, elles furent peu à peu remplacées par des pièces composées exprès pour les écoles. Cette nouvelle production théâtrale est particulièrement abondante à partir de 1550. Sur le plan formel, ces pièces restent influencées par les modèles antiques. Les prologues qui, dans la plupart des cas, les précèdent suivent le modèle des pièces de Plaute et de Térence qui nous sont parvenues: dans ses prologues, Plaute présente le contenu de la pièce, tandis que Térence polémique contre ses adversaires. L’emploi d’argumenta (sommaires du contenu) qui précèdent des pièces ou même (comme dans le Nabal de Gwalther) des scènes, est également une conséquence des études consacrées à l’œuvre de Plaute et Térence. Les argumenta donnés par la tradition manuscrite ne proviennent pas des poètes antiques eux-mêmes, mais sont des ajouts de l’Antiquité tardive et du Moyen Âge.
Par rapport au théâtre antique, de nouveaux héros apparaissent, empruntés à l’histoire classique, à la Bible, à l’histoire médiévale et contemporaine: César, Pompée, Adam, Esther, Susanne, Judith, le Christ, Richard III, Marie Stuart et bien d’autres. Aux côtés de la comédie et de la tragédie apparaissent de nouveaux genres ou sous-genres: tragicomédies, dialogues, ludi pastorales (jeux champêtres), plausus mortis (danse de la mort), etc.
C’est surtout dans le Nord, en particulier en Allemagne et aux Pays-Bas, que se développe la comédie, avec des auteurs comme le Néerlandais Georgius Macropedius (1487-1558; Aluta, Rebelles) et l’Allemand Thomas Naogeorgus (1508-1563) et ses pièces polémiques contre les catholiques (Pammachius, Mercator). Pour ce qui est de la tragédie, on peut mentionner un précurseur, l’Italien Albertino Mussato (1261-1329) et son Ecerinis (1313); le Français Marc-Antoine Muret (1526-1585) et son Iulius Caesar; et l’Écossais George Buchanan (1506-1582) et son Iephtes, qui s’inspire notamment de l’Iphigénie à Aulis d’Euripide.
Dans les pays germanophones, ce sont d’abord Jakob Wimpheling avec la comédie Stylpho (1480) et Johannes Kerckmeister avec la comédie Codrus (1485) qui se distinguèrent. Ces productions scolaires ressemblent toutefois plus à des dialogues qu’à de véritables pièces de théâtre. Johannes Reuchlin fut le premier humaniste allemand à écrire une comédie (les Scaenica Progymnasmata en 1498, également connues sous le nom de Henno) qui s’inspirait beaucoup de la tradition des palliata romaines (c’est-à-dire des pièces de Térence et de Plaute censées se dérouler en Grèce). Il en reprit la division en (cinq) actes et en scènes; son exemple fut suivi par nombre de ses successeurs. Le Néerlandais Gulielmus Gnapheus suivit étroitement le modèle de la comédie romaine avec son Acolastus en 1529; il fonda ainsi un nouveau type de comédie, la comoedia sacra, qui se met au service de l’enseignement chrétien.
2. Production théâtrale des humanistes suisses
S’il est un domaine encore peu connu de la littérature latine de la Renaissance en Suisse, c’est bien le théâtre. En attendant une étude approfondie, nous donnons ici quelques indications permettant de se faire une première idée.
Commençons cette brève introduction avec le Gallus pugnans de Vadian, publié à Vienne en 1514: farce sous forme de dialogue plus que de pièce de théâtre (le texte ne comprend ni actes, ni scènes, ni aucune indication scénique), le Gallus met en scène le procès des poules contre les coqs. C’est un texte très soigné du point de vue littéraire, dont le but est de plaire aux savants, mais aussi au lecteur ou à un éventuel public. Il s’agit en même temps d’une satire: satire des travers humains (les coqs et les poules se comportent comme des hommes); satire des stériles joutes oratoires de la scolastique.
En 1530, l’humaniste suisse originaire de Frauenfeld Peter Dasypodius (Hasenfratz) écrit une comédie en vers latin pour le théâtre scolaire: Philargyrus, c’est-à-dire l’avare (du grec φιλάργυρος/philargyros). Cette pièce, qui ne sera publiée qu’en 1565, plus moralisatrice qu’amusante, parle d’un avare qui finit par se convertir à la philanthropie et s’inspire du Ploutos (Πλοῦτος = richesse) d’Aristophane. Elle a été écrite alors que Dasypodius enseignait à Frauenfeld, quelques années avant d’être appelé à Strasbourg.
Curieux ouvrage que la Monachopornomachia de Simon Lemnius! En 1538, Lemnius avait publié des épigrammes satiriques, dédiés à l’archevêque de Mayence Albert de Brandebourg; l’ouvrage provoqua la colère de Luther, qui le fit renvoyer de l’université de Wittenberg. Quelque temps plus tard, en avril 1539, il fit paraître à Cologne, sous le pseudonyme de Lutius Pisaeus Iuvenalis, la Monachopornomachia, «La guerre des putains et des moines», titre inspiré de la Batrachomyomachia («La guerre des grenouilles et des rats») d’Homère. Cette pièce ou cette suite de scènes en distiques élégiaques met en scène des dialogues obscènes visant à couvrir de ridicule la vie privée des réformateurs Luther, Justus Jonas, Georg Palatin et de leurs femmes. L’œuvre s’achève avec une tirade du chœur des Babyloniens (Babylonidum chorus) en hendécasyllabes phaléciens (à l’imitation de Catulle). Comme l’affirme Lothar Mundt, il s’agit d’une œuvre sans précédent dans la littérature néo-latine, tant du point de vue du thème que du point de vue de la langue.
Comme Dasypodius, c’est aussi le thème de l’avare qu’exploite Heinrich Pantaleon dans sa comédie en cinq actes intitulée Philargyrus. Comoedia nova et sacra de Zachaeo (1546), qui décrit la conversion du publicain avare Zachée et dont l’un des thèmes centraux est la doctrine protestante de la justification. L’action se déroule tout entière dans la maison de Zachée. Comme l’indique un bref texte précédant le prologue, la pièce fut jouée à l’été 1546 en l’honneur du nouveau recteur de l’Université, Martin Borrhaus.
Dans son journal, le médecin bâlois Félix Platter parle de cette représentation; il ajoute que deux autres pièces furent jouées à cette occasion: l’une portait sur la résurrection du Christ et ne peut être identifiée avec certitude; la seconde, intitulée Hamanus, est sans doute la tragoedia nova du même nom de Thomas Naogeorgus (1508-1563), qui fut publiée à Leipzig en 1543 et qui figurera dans le recueil de tragédies paru en 1547 chez Oporin. Même si nous disposons encore de peu d’études approfondies sur le théâtre en Suisse à l’époque, cet exemple bâlois montre bien l’importance que pouvait avoir la représentation de pièces dans le cadre scolaire. Les notes de Platter sont également révélatrices des pratiques théâtrales dans la Bâle de son enfance: il mentionne également deux représentations en allemand organisées à grands frais en 1546 au Kornmarkt et au Fischmarkt; les pièces Pauli Bekehrung («La conversion de Paul») de Valentin Boltz (1515-1560) et Susanna de Sixtus Birck (1501-1554) furent jouées à cette occasion; dans le cas de la Pauli Bekehrung, le futur maire Bonaventura von Brunn, alors âgé de 26 ans, tint le rôle principal et cent citoyens bâlois furent engagés comme figurants pour jouer le rôle de soldats. Platter mentionne également sa propre participation au théâtre scolaire; ainsi, dans la tragi-comédie Hypocrisis de Wilhelm Gnaphaeus (1493-1568), il endossa le rôle de Gratia (la grâce) et dut revêtir des vêtements de jeune fille trop grands pour lui. La grande représentation de la Pauli Bekehrung mentionnée plus haut fut tellement impressionnante que lui et ses camarades rejouèrent la pièce dans la cour de la maison de son père, en se fiant à leur mémoire! Platter précise qu’il joua le rôle du Seigneur (Jésus). Dans le pensionnat dirigé par son père Thomas Platter l’Ancien, on jouait également du théâtre devant les invités de la maison; Platter mentionne notamment une représentation en latin du premier acte du Phormio de Térence; ses souvenirs montrent clairement que le défi était sans doute trop élevé pour de jeunes élèves: l’un des acteurs ne devait prononcer que deux courtes phrases, mais échoua lamentablement lors de la représentation (peut-être en raison du trac), bien qu’il se fût entraîné pendant des jours.
Le représentant le plus remarquable du théâtre suisse est sans doute Rudolf Gwalther, qui publie en 1549 son Nabal, une comoedia sacra, pièce scolaire dont le thème est tiré de l’épisode biblique de Nabal, un personnage intervenant dans la geste de David (I Sam 25). Dans cette pièce, Gwalther révèle son intérêt pour les personnages exemplaires ou typologiques; ainsi, les deux principaux protagonistes (David et Abigaïl, la femme de Nabal, dont la forte personnalité est particulièrement mise en évidence), par leur comportement irréprochable, sont présentés comme des modèles pour les chrétiens. Gwalther est aussi l’auteur d’une pièce de théâtre miniature en quatre actes (hexamètres), sur le premier livre de l’Iliade; ce texte, resté sous forme de manuscrit, n’est en fait guère plus qu’une compilation d’extraits de la traduction de l’Iliade par Eoban Hesse, publiée quelques années auparavant. Sandro Giovanoli, dans son étude sur Nabal et les fonctions du théâtre scolaire, a dénombré vingt tragédies composées par des Zurichois entre 1529 et 1575, toutes en allemand, sauf Nabal. Neuf sont tirées de l’Ancien Testament (Job, Joseph, Absalon, etc.), six du Nouveau (Lazare, la Résurrection, etc.) et cinq sont des tragédies politiques ou patriotiques (Tell, Lucrèce et Brutus, etc.). Les auteurs, en plus de Gwalther, sont Heinrich Bullinger, Jakob Ruf (1505-1558), Jos Murer (1530-1580) et Georg Binder (1460-1538) – les auteurs de certaines de ces pièces sont restés anonymes. Des documents des archives zurichoises des années 1540 et 1550 montrent qu’il était fréquent que l’on jouât des pièces de théâtre dans le cadre scolaire. Un seul exemple célèbre: le 1er janvier 1531, on joua, en langue originale, le Ploutos d’Aristophane; parmi les acteurs figuraient Conrad Gessner et Johannes Fries; une musique avait même été composée pour l’occasion par Ulrich Zwingli, qui devait mourir quelques mois plus tard lors de la bataille de Kappel. Le sixième livre de l’Odyssée fut également représenté à cette occasion, sans doute dans une version adaptée pour le théâtre, comparable à l’Iliade de Gwalther mentionnée plus haut; il en va probablement de même pour la représentation d’un livre des Fastes d’Ovide, attestée la même année.
Le projet de Gwalther de composer un Ludus foeminarum, où devaient être représentées douze figures féminines de la Bible (onze de l’Ancien Testament ainsi que la Vierge Marie), ne vit pas le jour, bien qu’il en reste quelques fragments sous forme manuscrite. Dans ce Ludus, chacune des douze héroïnes devait se présenter au public et l’instruire sur l’un ou l’autre aspect de l’histoire du salut. Il est très probable que Gwalther lui-même considéra cette forme littéraire aux visées didactiques comme inadaptée et abandonna l’entreprise.
3. Un saut dans l'avenir: le théâtre des jésuites
Terminons ce rapide survol du théâtre latin de la Renaissance en disant deux mots du théâtre des jésuites. La Ratio studiorum des jésuites (dont la rédaction définitive remonte à 1599) accordait une grande importance à l’expression orale, et prévoyait notamment la récitation en classe d’une scène ou d’un dialogue, sans apparat théâtral. Mais le théâtre en tant que tel ne fait pas partie du programme officiel et n’est pas mentionné par la Ratio studiorum. En fait, les divers textes pédagogiques des jésuites révèlent plutôt une opposition vis-à-vis du théâtre, dont on préconise un usage modéré. Mais il semble que ce n’est pas la modération qui prédomine en la matière, puisque les pièces écrites et jouées dans les collèges jésuites sont, sinon innombrables, du moins très nombreuses, au point que l’on a pu dire que le théâtre fait en réalité partie intégrante de la définition que l’école jésuite donne d’elle-même. Il constitue en tout cas un moyen de formation important, tant pour ce qui est de l’éducation religieuse que de l’éducation à l’expression latine.
Dans les tout premiers temps du théâtre jésuite, l’Antiquité joue un rôle prédominant. Fidèles à l’esprit des humanistes et négligeant presque totalement la littérature grecque, les maîtres jésuites commencèrent par faire jouer à leurs élèves, en latin, des œuvres de Plaute (l’Aulularia, le Curculio, etc.) surtout, mais aussi de Térence (les Adelphes), délivrées de leurs éléments profanes et de leurs grossièretés. Mais très vite, ce répertoire finalement étriqué ne satisfit plus les humanistes jésuites, qui composèrent leurs propres pièces, la plupart du temps des drames sacrés, dont il n’y a pas lieu de faire ici l’histoire. Cet intérêt pour le théâtre et ce passage de l’Antiquité au drame sacré se retrouvent au collège de Fribourg, qui fut l’un des berceaux de l’expansion du théâtre jésuite, puisque de 1584 à 1590 il mit en scène un grand nombre de pièces dont les thèmes étaient inspirés des auteurs antiques, de l’Écriture Sainte et de la vie des saints. La toute première pièce jouée en ville, sur la place Notre-Dame, était intimement liée à l’Antiquité, puisqu’il s’agit d’une imitation du Timon de Lucien (qui inspira plus tard le fameux Timon d’Athènes de Shakespeare) intitulée Philoplutus (l’Avare), œuvre du jeune professeur d’humanités Jacob Gretser (1562-1625), qui enseigna à Fribourg de 1584 à 1586; pétri des principes humanistes, grand admirateur de l’Antiquité, il ne voyait pas d’incompatibilité majeure entre monde antique et christianisme. Toutefois, Gretser se détourna par la suite des sujets antiques pour se limiter à des thèmes religieux; cette décision fut peut-être influencée par le fait que son adaptation du Timon de Lucien ne rencontra qu’une approbation modérée de la part du public fribourgeois. Gretser fut l’auteur de vingt-trois pièces, dont neuf composées à Fribourg et cinq jouées sur place. Parmi ses œuvres théâtrales à caractère religieux ou spirituel, nous mentionnerons tout spécialement sa pièce sur le très populaire saint suisse Nicolas de Flüe. En raison de la centralité du thème de l’Eucharistie dans cette pièce ainsi que des circonstances de sa création (en 1586, peu de temps avant que les envoyés des cantons restés catholiques ne se réunissent à Lucerne pour y conclure une alliance), elle peut être considérée comme représentative de l’esprit de la Réforme catholique (ou Contre-Réforme). Cette inflexion vers les sujets religieux est générale à Fribourg, comme partout ailleurs, puisque dès 1590, ce sont les thèmes religieux qui prédominent, en particulier l’hagiographie.
4. L’édition de pièces antiques ou contemporaines par des humanistes et des imprimeurs suisses
Les imprimeurs suisses du XVIe siècle, surtout bâlois et zurichois, sont très actifs dans l’édition des grands auteurs de théâtre de l’Antiquité imités à la Renaissance, mais aussi de pièces d’auteurs contemporains. Il n’y a pas lieu de donner ici une liste exhaustive des éditions parues en Suisse; nous nous en tiendrons à quelques exemples.
Térence, bien sûr, bénéficie d’un traitement de faveur. C’est ainsi que l’imprimeur bâlois Nicolas Brylinger publie dès 1540 une dizaine d’éditions des comédies de Térence, aussi édité à Zurich chez Christoph Froschauer (1552, 1561) et chez Andreas Gessner (1555). Plaute est édité à Bâle en 1523 par Andreas Cratander et par Johannes Herwagen en 1535 (1538, 1552, 1558, 1568). Les tragédies de Sénèque sont elles aussi éditées à Bâle, par Heinrich Petri, en 1529 (1541, 1550, 1563).
Aristophane est édité par Andreas Cratander en 1532, 1542 et 1552; en 1539 (puis 1542 et 1552), l’imprimerie bâloise de Cratander publie également la traduction latine d’Aristophane par Andreas Divus, qui avait déjà paru à Venise chez Giacomo Pocatela en 1538. Cette première traduction complète d’Aristophane joua un rôle très important dans la connaissance de l’œuvre du comique.
Une édition des tragédies d’Euripide paraît à Bâle chez Johannes Herwagen en 1537 (1544, 1551). La traduction latine par Érasme de l’Hécube et de l’Iphigénie à Aulis paraît à Bâle chez Johannes Froben en 1518, 1524 et 1530, chez Thomas Wolf en 1522. Une traduction latine complète d’Euripide, par le Zurichois Rudolf Ambühl, paraît chez Robert Winter en 1541; elle est réimprimée à Berne chez Mathias Apiarius pour Oporin en 1550. En 1558 paraît chez Oporin une nouvelle traduction latine, dont l’origine serait un cours donné par Philippe Melanchthon. Enfin, en 1562 paraît à Bâle, chez Oporin, la première édition bilingue de l’ensemble des tragédies d’Euripide. Quant à Sophocle, en 1558, paraît à Bâle chez Oporin une traduction de ses tragédies par Thomas Naogeorgus; en 1556, avait paru, aussi chez Oporin, un commentaire de son œuvre par Joachim Camerarius. Enfin, c’est à Bâle, toujours chez Oporin, que paraît, en 1555, la première traduction complète des tragédies d’Eschyle; en 1559, chez Oporin, paraît le Prométhée enchaîné, avec un commentaire de Mathias Garbitius.
Plusieurs pièces contemporaines néo-latines d’auteurs étrangers sont aussi publiées par les éditeurs suisses, principalement bâlois. On publie certes des pièces isolées à des dates diverses, à Zurich ou à Bâle surtout, p. ex. la Susanna de l’Allemand Sixt Birck (1501-1554) chez Froschauer à Zurich en 1538; l’Acolastus de filio prodigo du Néerlandais Wilhelm de Volder (1493-1568), dit Gnapheus, chez Johannes Herwagen à Bâle en 1539; la tragédie Hieremias de Thomas Naogeorgus (1508-1563) chez Oporin à Bâle en 1551; le Christus triumphans de John Foxe (1516-1587) chez Jean Oporin à Bâle en 1556.
Mais on mentionnera surtout deux recueils issus des officines bâloises. En 1540, l’imprimeur bâlois Nicolas Brylinger publie un recueil de 10 comédies et tragédies bibliques composées par des auteurs contemporains, parmi lesquelles la Susanna de Sixt Birck et l’Acolastus de Volder, déjà mentionnés, le Pammachius de l’Allemand Thomas Naogeorgus, ainsi que trois pièces du Néerlandais Georgius Macropedius (1487-1558): Hecastus, Bassarus et Andrisca. En 1547, c’est Johannes Oporin qui publie, en deux volumes, un recueil de 16 pièces bibliques, parmi lesquelles deux se trouvaient déjà dans le volume de 1540: Susanna de Sixt Birck et Ioseph du Néerlandais Cornelius Crocus (v. 1500-1550). Parmi les nouvelles pièces, on trouve Isaaci immolatio de l’Allemand Hieronymus Ziegler (1514-1562) et Hamanus de Thomas Naogeorgus.
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