Traité sur les bains de Pfäfers

Übersetzung (Französisch)

Übersetzung: David Amherdt (notes originales en allemand: Clemens Schlip)


Chapitre 3, p. 24-36

Longueur, largeur, hauteur et profondeur de la grotte

Le chemin vers les bains depuis Pfäfers descend très bas; il comporte en effet de nombreuses coudées, ces unités équivalant à sept pieds. Par unité de sept pieds ou coudée je désigne une mesure de longueur correspondant à l’écart entre les deux bras tendus d’un homme de haute taille, ce que les artisans appellent une longueur de sept pieds, en allemand un Klaffter; cette mesure correspond également à la longueur d’une perche, dont un homme de grande taille peut atteindre le sommet du bout des doigts de sa main droite tendue, debout, en prenant appui sur son pied droit. Depuis la route publique et le début de la descente depuis Pfäfers jusqu’au «Ruhbanck» («Le banc du repos»), il y a 223 unités de sept pieds; de là jusqu’au pont suspendu où les routes de Valens et de Pfäfers se rejoignent au niveau des bains thermaux, il y en a 91; ensuite, jusqu’à la chapelle, il y en a 52; enfin, jusqu’à la source thermale, il y en a 26. Ainsi, la descente depuis Pfäfers fait au total 400 unités de sept pieds. Sur le lieu de la source, la distance entre les rochers est d’environ 50 pas. Le bain des maîtres («Herrn Bad») mesure 18 pieds de long et 14 pieds de large et se trouve à deux unités de sept pieds au-dessus du bain le plus grand. Le bain inférieur, qui est le plus grand, fait quatre unités de sept pieds et deux pieds de long, et trois coudées et deux pieds de large. Les deux piscines, ou bassins, peuvent accueillir 300 personnes à la fois. Du bain inférieur à la chute d’eau, il y a trois unités de sept pieds et trois pieds. Les hôtelleries ou hospices sont distants l’un de l’autre de sept pieds et demi. Entre ces maisons, un peu vers l’est, se trouve l’auberge des bains, qui est à quatre coudées de l’hospice supérieur. Depuis la maison supérieure et sa poutre la plus basse, il y a cinq mesures et demie de sept pieds jusqu’à la chute d’eau. De la maison inférieure, située au nord, il y a cinq coudées jusqu’à la chute d’eau. Depuis les bains jusqu’à Valens, il y a en tout 492 unités de sept pieds. Depuis Ragaz, les thermes sont à près à une heure et demie de route. De l’auberge où se trouve la roue qui descend le bois nécessaire à la construction des maisons dans la grotte à l’aide d’une corde, il y a 80 unités de sept pieds; et du point le plus haut du pont, la chute d’eau est à 800 coudées. La corde utilisée pour descendre le bois depuis la roue jusque sur le pont est faite de 600 livres de chanvre; on dit qu’elle est longue de plus de 800 coudées.

Aussi bien depuis Valens que depuis Pfäfers, nous descendons par des pentes très raides, tantôt en déclin, tantôt en montée, jusqu’à l’entrée de la grotte, où les deux chemins convergent; conformément à leur tracé et à leur configuration, ils dissimulent et recouvrent la rivière et les gorges vertigineuses d’un pont de pierre. D’ailleurs, la masse rocheuse à laquelle nous accédons à l’aide d’échelles fixées et suspendues de chaque côté est tombée autrefois d’un point plus élevé, glissant jusqu’à cet endroit et écrasant le pont sur son passage. On raconte que du temps de nos grands-pères, il y avait là une surface rocheuse suffisamment large pour que l’on puisse y fendre tout le bois utilisé par les hôtes pour leurs foyers et leurs fours. Les habitants rapportent qu’un bûcheron y avait laissé son bonnet, son plastron et ses haches pour aller manger, lorsque soudain une immense masse de rochers s’effondra d’elle-même dans la cascade, très loin en contrebas; depuis ce jour, le pont est resté divisé en deux parties.

J’ajoute ici les mesures telles qu’elles ont été rapportées par l’excellent géomètre Guarinonius. Je ne les contesterai pas pas, même si je doute secrètement de certaines d’entre elles. Veille à la fiabilité des sources. Nous avons relevé presque toutes les indications de distance selon l’échelle communément utilisée par les paysans, en tenant compte de la déclivité du chemin. Guarinus a effectué ses mesures en ligne droite.

Il affirme donc: «Depuis le début de la descente qui mène de la route de Pfäfers jusqu’au Ruhbanck, situé à côté d’un hêtre très large et très haut, on mesura 42 unités de sept pieds. Depuis le Ruhbanck, en descendant par les marches d’une échelle en bois jusqu’à l’endroit où, selon une étude minutieuse menée de toutes parts, la Tamina a sans aucun doute commencé à s’écouler dès la création de la terre (avant de creuser et d’éroder de plus en plus profondément, avec le passage du temps, la vallée elle-même et les rochers), jusqu’au gouffre actuel, il y a environ 36 pieds. De là (six unités de sept pieds au-dessus du pont suspendu, là où la rivière a commencé à traverser la montagne) jusqu’à l’extrémité inférieure des escaliers venant de Pfäfers et au point de départ des marches du pont menant dans les gorges, autour d’un très large rocher placé en travers, il y a dix unités de sept pieds. Du début du pont jusqu’à la chapelle, il y a, de manière semblable, douze unités de sept pieds. De la chapelle, en empruntant tous les degrés de l’escalier, il y a six unités de sept pieds jusqu’au nymphée inférieur. De la sortie du bain inférieur jusqu’au point le plus bas de la rivière et de la grotte, il y a presque cinq unités et demie de sept pieds. Ainsi, la descente totale depuis le point le plus élevé de Pfäfers jusqu’au gouffre actuel du torrent s’élève à 112 unités de sept pieds. Mais là où la rivière, depuis le commencement du monde, s’écoule au cœur des montagnes, plus haut, dans la partie supérieure de la vallée, la distance est de 34 unités de sept pieds. Une unité de sept pieds équivaut à sept pieds, tels qu’utilisés par les artisans. Or, un pied équivaut à deux empans.

Si l’on considère une telle érosion de la montagne et que l’on examine avec rigueur la vitesse d’écoulement depuis la formation de la Terre, il y a 5592 ans, le calcul révèle que depuis le commencement du monde jusqu’au déluge, survenu en l’an 1656, le sol de la montagne située entre les deux rives du fleuve a été rongé et creusé par une usure constante sur une profondeur de dix unités de sept pieds, deux pieds et sept doigts, c’est-à-dire depuis le point d’origine jusqu’à la masse rocheuse qui se trouve au début du pont des bains, où se rejoignent les chemins de Valens et de Pfäfers.

Il nous plaît de penser que, depuis le déluge jusqu’à la naissance du Christ, soit une période de 2306 ans, ces roches ont été creusées à une profondeur d’environ 13 unités de sept pieds, quatre pieds, en direction de ce point, c’est-à-dire en dessous du rocher de la chapelle. Pour le Fils unique descendu du ciel à peu près à cette époque, la rivière jouait en quelque sorte à l’avance le rôle de tailleur de pierre et semblait y préparer un lieu pour le sacrifice, afin que l’on puisse, après le passage des siècles, honorer et apaiser la divinité par des sacrifices à cet endroit, dans cette immense solitude.

Il est aisé de comprendre comment, entre la naissance du Rédempteur et le déluge, une cavité aussi vaste a pu se former dans la montagne en l’espace de tant d’années, c’est-à-dire 2306. Des grottes situées à haute altitude, des rochers, des amas de terre, du bois, des avalanches tombent souvent aujourd’hui encore et sont emportés pas les assauts répétés du torrent impétueux, de sorte que la course de la rivière, par la chute et l’accumulation de ces éléments, a creusé et transpercé la montagne, pourtant d’une extrême dureté, en direction de l’ouest sur cinq ou six unités de sept pieds, plus ou moins selon les endroits et la douceur ou la dureté de la roche. Parfois, le torrent se trouve malgré lui dans une anfractuosité rocheuse, jusqu’à ce qu’il la perce soudainement avec force. Il est donc nécessaire de conclure que le torrent est demeuré dans les parties supérieures des gorges pendant toutes ces années.

On peut ainsi déduire en quelle année après la naissance du Christ la source a commencé à jaillir et à devenir visible dans le bain des Maîtres. En effet, depuis l’arrivée salvatrice du Christ jusqu’à l’année actuelle, 1631, on peut mesurer dix unités de sept pieds et six doigts de large qui se sont formées au fil du temps depuis la partie inférieure de la roche de la chapelle jusqu’au point le plus bas du torrent, et cinq unités de sept pieds et demi depuis cette chapelle jusqu’à la première source du bain des maîtres; il en résulte que tout cet espace a été creusé et érodé, en 917 ans, par le flux rapide du torrent jusqu’au bain des Maîtres. Et puisque la distance entre la source des Maître et l’autre bain, situé plus en aval et plus abondant, que l’on appelle également le bain chaud, est précisément d’une mesure de sept pieds, et que cela a pris 204 ans, il est clair que la grande source chaude est apparue en 1127 après l’incarnation de DIEU, c’est-à-dire 113 ans avant sa découverte (que l’on suppose avoir eu lieu en 1240; mais à l’époque elle était encore inconnue), et que le bain des Maîtres est apparu 223 ans plus tôt. Par ailleurs, la source chaude plus profonde (le Gumpen) qui jaillit aujourd’hui à proximité du torrent, ainsi que d’autres petites sources chaudes, sont apparues plus tard, à mesure que l’érosion des roches s’est poursuivie; il est même probable que dans les deux siècles à venir, si le torrent continue d’exercer sa force encore plus profondément (car en deux siècles seulement, il aura creusé le rocher d’une mesure de sept pieds de plus en l’érodant), plusieurs autres sources d’eau chaude jailliront encore, au bénéfice des hommes.

Que cette structure montagneuse extrêmement dure ait été, depuis les très lointaines origines du monde, peu à peu percée, fendue et creusée (ce qui nous remplit de stupeur et d’étonnement) par le passage d’un torrent énorme, impétueux et violent dévalant les hauteurs pour donner naissance à la grotte actuelle, voilà ce dont témoignent, de part et d’autre de la montagne, de haut en bas, diverses traces visibles de cette œuvre d’excavation et d’érosion; en maints endroits, ces marques portent encore l’empreinte manifeste de l’assaut des eaux, si bien que l’on peut non seulement les voir de ses propres yeux, mais aussi les toucher de ses mains; nul, à moins d’avoir perdu la raison, ne saurait en douter, et moins encore les nier.

On peut donc conclure qu’il convient non seulement de contempler avec une profonde révérence et une très grande admiration le prodige étonnant accompli par Dieu et la nature dans l’acte authentique et originel de la création du monde à partir du néant, mais aussi de reconnaître que la secte impie et redoutable des athées – hélas, aujourd’hui largement répandue –, se trouve démasquée, réfutée et réduite à rien; car ces gens nient sans vergogne, pour s’assurer une vie pleine de plaisirs, que DIEU ait créé le ciel et la terre. Ô Toi qui vois tout, pourquoi détournes-tu les yeux devant cela? Pourquoi tardes-Tu à envoyer le feu, le tonnerre et la foudre, différant si longtemps ta vengeance? Ton jugement est insondable et inaccessible à la logique humaine. Et pourtant, ils n’hésitent pas à proclamer l’éternité du monde, révélant ainsi leur folie au monde entier. Comme si l’éternité ne convenait pas infiniment mieux au DIEU vivant qu’à la masse terrestre inerte, boueuse et se dégradant chaque jour davantage. Et pourtant, même si les signes qui sont partout sous nos yeux sur les rochers, gravés sur la pierre depuis le commencement du monde par les violents assauts de la Tamina, ne suffisaient pas à en témoigner, elle le prouverait plus que suffisamment, cette grotte admirable par sa forme circulaire et remarquable par son ampleur, que l’on a appelée grotte de la bienheureuse Marie Madeleine et dont l’existence mérite d’être révélée; située près du conduit qui mène aux nouveaux bains, je la décris plus bas.» Voilà ce que ce géomètre nous a transmis et raconté. Il est certain qu’au fil du temps, la grotte thermale a été creusée chaque année plus profondément par la force de la rivière.

 

Chapitre 10, p. 114-123

Les merveilleuses propriétés des sources thermales

La nature de l’eau n’est pas avare en prodiges, comme le montrent diverses sources situées à divers endroits. Le ravin de Pfäfers est considéré comme si étonnant et si admirable qu’il est agréable et bénéfique à tout être humain sous le soleil, et ne nuit à personne. Selon Guillaume Fabri, les bains de Pfäfers ont également cette propriété unique de libérer du désir et des pulsions sexuels dès que l’on s’y installe. Le chanoine zurichois Felix Hemmerli et le médecin zougois Paul Wickart sont d’accord avec lui. Quant à moi, je suis d’avis que ceux qui boivent à cette source abandonnent plus efficacement leur vie amoureuse. Mais après la cure thermale, la nature revient rapidement à son état antérieur, et avec les intérêts! Et je crois que cela n’arrive pas sans la providence singulière de DIEU. En effet, il arrive très fréquemment que les personnes se trouvant dans d’autres bains thermaux soient très violemment stimulées dans leur désir sexuel en raison l’intensité de la chaleur; il s’ensuit que les effets du bain sont grandement entravés par cette excitation. De plus, comme l’expérience nous l’a montré, les eaux de Pfäfers apaisent durablement la soif, même si elle est intense: il suffit de s’y asseoir; c’est ainsi qu’aux bains de Pfäfers, les baigneurs ne mangent ni ne boivent en dehors des heures fixées pour les repas, à moins qu’ils ne se soient honteusement habitués à l’intempérance avant leur visite ou, que par faiblesse, il se laissent contraindre à agir ainsi, comme cela se produit aussi dans d’autres bains. Pline rapporte que des plantes vertes ont poussé dans les sources chaudes de Padoue et que des grenouilles sont nées dans celles de Pise. La croyance populaire veut également que la source chaude de Pfäfers ait parfois donné naissance à des canards vivants. Nous avons nous-mêmes vu de nos propres yeux (même si ce n’est que très rarement) des grenouilles sortir de la grotte où la source prend naissance. Une dame de Zurich, décédée il y a trois ans, a vu un canard vivant sauter à ses pieds à l’endroit où les bains prennent leur source, comme me l’ont rapporté des hommes très vénérables – et ils ne voulaient pas plaisanter.

Ceux qui sont rendus fous par la source de Pfäfers, ou plutôt par le torrent qui coule à côté d’eux, croient entendre de la musique de lyres, de syrinx, de cithares, de harpes et de flûtes et une harmonie de ces deux derniers instruments; d’autres croient (ce qui est plus rare) entendre le bruit de trompettes, de tambours, de cloches et de meules. Les oreilles des premiers sont comblées d’une grande douceur. Les seconds sont en proie à un terrible supplice et rêvent, tout éveillés, qu’ils doivent se jeter sur le torrent, le combattre à coup de glaive ou le mettre aux fers. Mais les deux groupes reviennent à la raison dès qu’ils s’éloignent un peu de la grotte des thermes, sans que leur santé en pâtisse, et ils retournent ensuite au bain et en font usage non sans profit. De nos jours, deux personnes se sont endormies et sont tombées dans le courant de la Tamina. L’un était un homme qui est tombé du bain, l’autre était un garçon qui est tombé du rocher sur lequel s’appuie l’échelle la plus basse, et il est tombé très bas, mais par la providence de Dieu, aucun des deux ne s’est fait le moindre mal, pas un seul de leurs cheveux n’a été touché. En effet, tous deux ont été sortis de l’eau indemnes par les employés des bains au moyen de cordes. Le plus grand miracle de l’architecte qu’est la nature est que la source de Pfäfers semble se reposer en hiver, s’asséchant presque complètement; jusqu’à présent, on ne sait expliquer à quel moment elle augmente ou diminue, tant sa disparition et son retour sont variables. Nos ancêtres ont écrit que cette eau s’assèche en automne, en octobre, et qu’elle réapparaît en grande quantité en mai. Les gens du voisinage et les habitants des lieux disent toutefois qu’il faut prendre cette affirmation avec discernement. En effet, si l’hiver est très froid et très sec, l’eau se retire complètement et ne revient pas avant la mi-mai ou la fin mai, alors que si l’hiver est pluvieux, l’eau coule, affirment-ils, mais en moindre quantité et de manière irrégulière. On a souvent observé que plus l’eau disparaissait tard, plus elle revenait lentement. Du temps des anciens, la source thermale disparut à deux reprises jusqu’au solstice d’été et, en l’an 1596 depuis la rédemption du monde, comme me l’a raconté le père Joachim Malegg, maître ès arts et philosophie et sous-prieur de Pfäfers, l’eau disparut soudain, alors qu’elle était chaude et dans toute sa vigueur; elle revint finalement, au début du mois de juillet suivant, à la grande joie de tous: cela faisait longtemps que l’on espérait son retour! En 1628, la source ne se tarit presque jamais complètement; en 1629, elle ne cessa de couler que pendant huit jours, du dimanche que l’Église appelle Laetare au dimanche de la Passion. En cette année 1631, la source s’était tarie pendant près de trois mois, et lorsque le très vénérable abbé Jodok descendit dans la grotte pour visiter le nouveau bâtiment des sources, le 14 avril, il mit par hasard sa main dans le bassin d’eau chaude et sentit que de l’eau froide s’y accumulait. Et voilà! Sur le chemin du retour, en remontant du nouveau bain, il vit l’eau chaude refluer dans un doux murmure et jaillir en une charmante fontaine qui exhalait une fine vapeur. Il plongea donc une nouvelle fois la main dans le bassin et, tout joyeux à cet heureux présage, salua le retour de la nymphe, puis adressa une brève action de grâce à DIEU et à la Mère de Dieu. Mais le tourbillon d’eau chaude situé à côté du torrent a toujours coulé toute l’année et de manière régulière durant la vie des personnes âgées comme des jeunes d’aujourd’hui. Au cours des sept dernières années, le bain des Maîtres n’a jamais été alimenté en eau pendant l’été, même s’il est toujours revenu en son état normal, chaque année, plus tard que les sources thermales inférieures. Au-dessus du bâtiment des bains et dans la maison du haut, les sources chaudes ne jaillissent qu’en de rares années, lorsque l’été est bien avancé, ce qui, à mon avis, annonce un prix des céréales élevé. De même, il existe ailleurs en Allemagne une source (appelée Hungerbrunn [puits de la faim]) qui, si elle diminue, annonce un prix élevé des céréales; si elle se tarit, une dure famine, comme l’affirme Delrio. Chaque année, à la Saint-Martin ou durant la période où l’on célèbre l’Avent, la chaleur de la source thermale et son débit diminuent.

Paracelse de Hohenheim était d’avis que cette eau disparaissait de la même manière en automne, lorsque les plantes se fanent, et qu’elle réapparaissait au printemps en même temps que celles-ci; récemment, Guillaume Fabri a interprété ce phénomène en particulier en considérant les propriétés de l’eau. Il dit: «Même si cette eau coule en hiver, elle ne produit alors presque aucun effet, si l’on en croit les habitants. Il en va de même pour les plantes d’été que l’on trouve en hiver dans les forêts. De même que nous observons en hiver que les racines des plantes acquièrent une vigueur nouvelle grâce à la chaleur de la terre, alors qu’elles sont enfermées et retenues dans ses entrailles en raison de l’air ambiant, qui est très froid, de même, en hiver, la source de ces bains thermaux est retenue dans les entrailles de la terre et y acquière des forces nouvelles». Mais l’expérience enseigne le contraire, puisque nous savons que la source est tout à fait salutaire et efficace même en hiver et que nous avons observé qu’elle coule parfois pendant deux années entières sans interruption et sans que ses forces ne soient modifiées ou renouvelées. Mais pourquoi les eaux thermales de Pfäfers s’arrêtent-elles et s’assèchent-elles chaque année durant l’hiver? Pourquoi coulent-elles à nouveau au printemps ou en été? Peut-être parce qu’en hiver, sa course sinueuse, dans les interstices de la roche, est entravée quelque part par le gel et la glace, ce qui empêche l’eau chaude de faire son chemin et de s’écouler? Ou parce qu’en hiver, les rochers tout autour étant gelés, l’eau s’écoule de manière insuffisante et trop faible dans le bassin des thermes, et que, par conséquent, ni les eaux thermales des maîtres ni celles des bains inférieurs ne peuvent s’écouler? Ou parce qu’en hiver, les influences célestes, comme le pense saint Thomas, sont dans l’incapacité de faire monter les eaux, ou parce que, comme d’autres l’affirment, la terre possède une force lui permettant d’attirer l’eau, et que, de même que les veines aspirent le sang du foie, cette force tire l’eau de la mer, et que cette force est plus faible en hiver? Ou bien assistons-nous à un phénomène semblable à celui que l’on observe dans les conduites d’eau, où l’eau de mer (d’où naissent presque toutes les sources de ce monde) est d’abord poussée en avant par l’eau qui la suit, avant d’être entraînée, au terme de multiples détours, jusqu’à ce qu’elle soit arrêtée quelque part, en hiver, par le gel, selon un mécanisme bien mystérieux? Si ces explications sur l’assèchement des bains de Pfäfers ne te convainquent pas, retiens avec moi que cette disparition des eaux fait partie, tout comme le flux et le reflux de la mer, de ces phénomènes naturels que le Créateur de la nature a voulu nous donner à admirer, sans pour autant permettre que nous les comprenions. Et que proclament tous ces étonnants prodiges des bains thermaux, sinon les merveilles du créateur? Paracelse n’a rien écrit de sensé à propos du tarissement, de la disparition et du retour de la source, à moins que l’on ne retienne son idée selon laquelle une force secrète du soleil et des étoiles serait à l’origine du tarissement, de l’arrêt et de l’assèchement de la source de Pfäfers en hiver, laquelle reparaît, grossie et régénérée au retour du printemps, lorsque le soleil renaît et brille de tous ses feux.

Et le rouge sang de la rose

Se teint de pourpre, et l’ivoire odoriférant du lis

Devient blanc comme neige, et la vigne bien garnie gémit

Sous le poids des feuilles de pampre,

Et tout disparaît à nouveau au changement de la saison.

 

Chapitre 11, p. 123-143

L’usage des sources thermales

Plus encore que pour d’autres établissements thermaux, il est étonnant de voir l’usage que l’on fait des sources de Pfäfers, tant chez les visiteurs distingués que parmi les gens du peuple. Le 1er mai (autrefois les calendes de mai), à la tombée de la nuit, une foule innombrable afflue des campagnes environnantes, des Alpes et des vallées, et toute cette populace descend en grand nombre dans les sources thermales, attirée à la fois par des raisons de santé et par le plaisir, et veille toute la nuit dans l’eau: ils considèrent ce bain comme une cure thermale adéquate et complète. Au matin, au moment du départ, ils enfilent des sous-vêtements de chanvre assez rêches, qu’ils ont à dessein trempé dans l’eau, car ils estiment que cela leur confère une force curative. De même, certains hôtes de haute naissance prennent soin, à leur départ, de mouiller leurs vêtements de dessus et leurs linges avec cette eau. Et ce que l’on a l’habitude de faire ailleurs avec un soin scrupuleux et à grands frais, sur le conseil des médecins, à savoir que l’on commence et termine chaque jour les heures de bain par une montée et une descente progressives, à Pfäfers on n’observe pas cette règle, mais la plupart, à dessein, prenant leurs aises, et sans s’inquiéter des incidents fâcheux qui ont pu se produire, dès leurs premiers jours, restent assis dans les thermes durant un grand nombre d’heures. Et c’est ainsi que beaucoup ne sortent jamais des bains, de jour comme de nuit, et même y mangent et y dorment. Les plus riches agissent ainsi pour le plaisir qu’ils éprouvent à fréquenter les bains thermaux, les pauvres en raison de leur manque de moyens ou pour se libérer et se débarrasser plus rapidement de leur séjour aux bains. La plupart des notables se font également un titre de gloire d’être capables de supporter la chaleur des bains des journées entières durant plusieurs heures, et même pendant la nuit; certains se vantent en outre de pouvoir boire de très grandes quantités d’eau thermale. Mais même si l’endroit en lui-même est désagréable, laid et sale, beaucoup éprouvent dans les bains thermaux un tel plaisir – un plaisir vraiment unique – qu’ils ne les quittent pas pendant huit jours. C’est ce que font certaines personnes de haute naissance, en en tirant un grand bénéfice; mais ce genre de baignade ininterrompue dans les thermes n’est pas toujours bénéfique pour tous. Ceux qui se séjournent ainsi dans les thermes ainsi sans discontinuer liquident l’affaire en neuf, dix ou douze jours. Mais beaucoup n’approuvent cette façon de se baigner de façon ininterrompue, car ils disent que la chaleur naturelle et les parties nobles du corps sont affaiblies de manière extraordinaire par cette baignade incessante. L’expérience et cette enseignante qu’est la pratique prouvent le contraire dans la plupart des cas; voici ce que dit Guarinonius au sujet de cette expérience: «L’expérience permet de prouver cette erreur: beaucoup traitent une maladie très légère en soumettant la nature à une terrible pression et raccourcissent ainsi nécessairement leur vie de plusieurs années; ils détruisent la chaleur naturelle et détériorent l’humidité naturelle. Tout excès cause un tort certain à la nature, même si celui-ci n’apparaît pas immédiatement en raison de la force de résistance de la nature; de même, ceux qui s’oignent avec du mercure toxique échappent certes à l’épidémie, mais perdent peu après toutes leurs forces. Il n’est donc aucun principe médical qui ne soit pas en contradiction avec cette violence, et ma conscience m’a obligé à l’indiquer en passant. Or un petit nombre de gens très aisés se baignent durant trois semaines environ, et ce d’autant plus que la maladie ou leur condition corporelle l’exigent. La plupart, surtout lorsque des éruptions cutanées font leur apparition sur leur corps, ne veulent ou ne peuvent rester même un tout petit peu à l’extérieur ou sur un lit bien moelleux. Les bains attirent en effet les malades comme un aimant. Certains à force de se baigner et en raison des insomnies, deviennent fous, et il arrive que des gens se noient dans le bain thermal alors que ceux qui sont assis juste à côté sont assoupis.

Il arrive souvent que des personnes repartent prématurément et imprudemment, sans avoir terminé leur cure, parce qu’elles ont soudainement le mal du pays; elles sont ensuite contraintes, au prix de très grandes fatigues, de refaire une route de trois jours ou plus pour revenir aux thermes, ou du moins de recommencer leur cure thermale l’année suivante. La fréquentation des bains de Pfäfers ne fait pas bon ménage avec les plaisirs de la gourmandise, les tables bien garnies, les excès de nourriture, l’ivresse et la consommation généreuse de vin. Je ne dis pas cela pour me moquer de toi ou te faire peur. Mais, même si on y apporte des vins tout à fait exquis, la nature très mystérieuse de ce lieu les corrompt et les modifie en peu de temps de manière étonnante. C’est pourquoi nous n’en apportons que tous les deux jours, pour une courte durée, afin qu’il ne s’aigrisse pas ou ne se gâte pas immédiatement. Et cela n’arrive pas sans la singulière providence de Dieu. Qu’est-ce qui, je le demande, entrave donc davantage les effets du bain que tant de faste et d’excès dans la nourriture et la boisson?

Entendez, mortels! Dussions-nous nous taire, l’expérience crie haut et fort qu’aucun gourmand ni ivrogne ne se baigne impunément pendant longtemps dans cette source thermale précieuse et cristalline. Les gens intelligents connaissent la réalité, pour les buveurs de vin, nous devons le répéter brièvement, par compassion pour eux, même s’ils ne le méritent pas. On sait que ceux qui s’échauffent trop fortement (peut-être à cause d’un mouvement trop violent), s’ils étanchent leur soif en buvant sans faire de pause une trop grande quantité de vin alors qu’ils ont encore trop chaud, sont ensuite, presque tout de suite après avoir bu ce funeste breuvage, (ô malheur!) inévitablement atteints de fièvre hectique ou d’une autre fièvre néfaste, ou, dans le meilleur des cas, d’un fort et puissant rhume de cerveau ou d’une pleurésie ou de quelque chose de similaire, et que beaucoup en meurent. La raison en est qu’au moment où un homme est échauffé, les pores et les orifices internes et externes de son corps sont tous grands ouverts et qu’il est extrêmement avide de liquides, et c’est ainsi que le vin qu’il boit trop généreusement et copieusement passe rapidement et immédiatement, avant même d’avoir pu être absorbé par l’estomac, sans digestion, à travers le foie dans les veines et de là dans tout le corps. De tout ce liquide absorbé trop vite et sans avoir été digéré, particulièrement nocif pour la nature humaine, en raison des désagréments qu’elle provoque, résulte infailliblement, je crois, une détérioration de la santé, qui donne naissance à des maladies mortelles. Si cela arrive à un corps qui est enflammé une fois ou seulement pendant une demi-heure, qu’arrive-t-il à celui qui passe toute une journée dans un bain chaud? Là où le sang s’enfuit de l’intérieur à travers l’éruption vers la surface de la peau, et où toutes les parties du corps sont découvertes? Dans ce cas, le vin bu pénètre plus rapidement et plus largement de partout et sans obstacle dans un corps chétif non protégé, et le bain attire le vin avalé, seulement à moitié digéré, et gâté, dans la circulation sanguine. Permets-moi de laisser de côté un instant notre question et d’exprimer en quelques mots ma colère et de blâmer l’ivresse. Lorsqu’ils boivent à l’auberge, ils ne se contentent pas de leur gosier, de leur ventre, de leur bouche et de leur langue, ils s’enivrent aussi avec leurs yeux. On boit dans de l’or, des pierres précieuses et du cristal, ils placent sur la table de grandes coupes, et si le vin dans le récipient ne brille pas, s’il n’a pas des reflets rougeâtres, des reflets jaunes ou des reflets clairs, ils sont aigris, et celui qui est sobre est contraint, poussé, défié à boire, et on se moque d’eux. C’est ainsi qu’ils ont soif, c’est ainsi qu’ils boivent, c’est ainsi qu’ils trinquent, c’est ainsi qu’ils périssent. Il faut sourire à ses funérailles! Que Dieu les en préserve!» Mais revenons à notre sujet.

Nous apprenons maintenant qu’avec cette façon de vivre, ou plutôt de boire!, les bains les plus sains ont très souvent nui aux malades? Certes, non par eux-mêmes, mais parce que les malades buvaient à des heures indues. Mais comme la situation défavorable des bains de Pfäfers ne permet pas de s’adonner à des excès en matière de nourriture et de boisson, il arrive que les effets des bains thermaux ne soient pas réduits à néant, et que l’on puisse se baigner sans entrave. De même, certains jours, les bains thermaux coupent l’envie de manger, c’est-à-dire lorsqu’ils produisent leurs plus grands effets; ceux qui ont très soif prennent comme boisson du pain trempé dans de l’eau, ou de la laitue, ou un juteux morceau de citron, d’orange ou de grenade ou des fraises recouvertes de sucre. Chez ceux pour qui les eaux thermales sont, de l’avis général, les plus bénéfiques, elles sont en quelque sorte aspirées dans leur corps, et pour que leur morsure soit visible, elles passent aussi dans leur ventre et leurs intestins et agissent aussi de quelque façon sur les contractions de la colonne vertébrale; tout cela se passe sans difficulté et en douceur. Elles éveillent en eux un puissant besoin de manger, elles les rendent gais et détendus. Mais ceux pour qui les eaux thermales sont néfastes et mortelles (si tant est qu’elles l’aient été pour quelqu’un) souffrent d’abord de nausées et sont tourmentés par des éructations fréquentes, leurs côtes font entendre des bruits et se dilatent, leur ventre se gonfle, leurs forces s’affaiblissent, ils éprouvent du dégoût pour la nourriture. Si cela arrive à quelqu’un au début de son séjour au bain et qu’il se rend hors de la grotte à Valens ou à Pfäfers, dès son arrivée il se sent immédiatement mieux et les symptômes s’atténuent. Je me souviens cependant que cela est arrivé à certaines personnes et qu’elles ont néanmoins fréquenté les bains thermaux plus souvent, et ce avec profit, notamment le sérénissime prince Radziwiłł, duc de Birsen, Dubinski et Sluzk, que j’ai voulu nommer très souvent ici pour lui faire honneur. Chez ceux qui se baignent consciencieusement et avec persévérance, les éruptions cutanées apparaissent généralement le troisième ou le quatrième jour, voire, chez certains, dans les vingt-quatre heures.»

Certaines personnes qui, par obligation, lors d’une visite à des amis, s’immergent un peu trop longtemps dans le bain, en raison de l’agréable température de l’eau, sont recouvertes sans le savoir, en l’espace de quelques heures, par des plaies et des blessures rouges; et contre leur gré, elles sont ensuite obligées d’entreprendre une cure thermale. Certains souffrent tellement d’éruptions cutanées que, lorsqu’ils se mettent en sous-vêtements ou vont se coucher après le bain, ils doivent être portés au bain avec leur drap et leur maillot de corps. Certains souffrent d’éruptions cutanées à plusieurs reprises durant leur séjour, d’autres pas même une seule fois, quelle que soit la fréquence de leurs bains; mais on a remarqué que le bain leur est aussi bénéfique qu’aux autres. Rien que de cela, pour exclure le reste, les médecins tireront des leçons valables, irréfutables, très utiles et absolument nécessaires à la santé publique, et verront facilement ce qui distingue une bonne d’une mauvaise façon de se baigner. Les habitants racontent que les eaux thermales de Pfäfers sont bénéfiques tant qu’elles coulent, même si presque personne ne peut en profiter en hiver à cause du froid mordant. La rumeur veut que deux lépreux s’y soient baignés tout un hiver sans avoir été complètement guéris. Mais même notre ami Guarinonius ne doute pas que l’on aurait pu guérir complètement ces hommes aussi, «si seulement ils avaient ajouté aux bains des traitements internes, selon les instructions du médecin». Il dit en outre: «Je ne tiendrais pas non plus les lépreux (en dehors des cas avérés depuis déjà bien longtemps et qui se sont transformés en éléphantiasis) à l’écart de ces bains thermaux; je crois au contraire qu’ils seront complètement guéris par la purification plus fréquente décrite précédemment et adaptée aux humeurs corrompues, et ce en vertu de certaines considérations que je tiens pour sûres; il suffit de les nettoyer et de les purifier de la gale (sœur de la lèpre) ancienne et tenace. Que cela serve de preuve aux autres lépreux qui sont désireux de se rendre aux bains de Pfäfers». Puisse-t-on construire pour ces pauvres gens, dans un nouvel édifice, une maison séparée, ainsi qu’un bain qui serait alimenté par son propre ruisseau: assurément, ils bénéficieraient de ses vertus curatives! Les bains deviendraient, à ce seul titre, plus célèbres que les plus célèbres. Il serait sage de prévoir quelque chose pour les pauvres: on pourrait facilement créer une petite piscine séparée en se servant de l’eau qui s’écoute des thermes supérieurs. Comment le prince de Pfäfers pourrait-il faire preuve d’une plus grande miséricorde envers les pauvres? C’est ce que je souhaite, et j’y insiste. Mais il satisfera mon désir et celui du sieur Guarinonius, que nous exprimons avec tant d’insistance dans l’intérêt des lépreux: ceux-ci auront un petit bain séparé, conformément à la promesse du très révérend Père abbé de ce lieu. Certains prétendent que le bain ne fait pas de mal aux femmes enceintes, mais leur est bénéfique. Cette affaire concerne la mère et l’enfant à naître, et il y a un triple risque: deux corps et une âme sont en jeu. Ensuite notre pieux Guarinonius s’exclame, exhorte et proteste pour qu’aucun mal ne soit fait. Il dit: «Les femmes enceintes ne doivent en aucun cas se baigner jour et nuit sans interruption comme les autres personnes; c’est à peine si je le permets une petite heure, et encore, pas plus de deux fois par jour, et cela ne vaut que pour les plus fortes d’entre elles, pas pour les plus délicates et les plus faibles; en effet, celles-ci devraient, à mon avis, être sérieusement et sévèrement éloignées des bains thermaux et ne pas y être tolérées. En effet, cela ne pourrait se faire sans leur faire courir le danger évident d’un accouchement prématuré, à moins qu’elles ne se baignent avec beaucoup de précautions, de la manière indiquée, en évitant toute éruption cutanée; pour celles qui souffrent d’hémorragies, la règle est différente. Si une femme enceinte plus robuste, plus vigoureuse et venant de la campagne échappe au danger, on ne peut en aucun cas la prendre comme un exemple à suivre, car cela n’arrive qu’à elle seule, mais pas à cent autres». Voilà pour ce qui est de Guarinonius.

Certains pensent que les personnes souffrant de la syphilis peuvent être affectées par l’usage des bains de Pfäfers. En effet, ce remède important et sacré ne tolère pas, dit-on, ceux qui souffrent de cette maladie sinistre et honteuse, il ne supporte même pas ceux qui ont recours au mercure. Pourtant, l’expérience prouve que c’est faux. Guillaume Fabri, lors de sa visite aux bains en 1610, prépara un onguent de mercure non traité, séché avec du saindoux, et en enduisit presque tout le corps d’un jeune homme, un apprenti, sauf la tête et la poitrine; il le fit ensuite entrer dans le bain pour voir si quelque changement fâcheux se produirait chez lui, mais il n’en fut rien, et le jeune homme continua à fréquenter les bains avec succès, après avoir été oint comme auparavant; pour arriver à une conclusion certaine, il fit même une expérience sur lui-même; mais il ne remarqua pas non plus de changement. Enfin, une question surgit en moi, digne d’une discussion attentive et honnête; elle a récemment été soulevée depuis la Pologne par Croquerus, médecin du très illustre duc Radziwill, à l’attention de Guillaume Fabri, qui réside en Suisse, et que de très nombreux nobles aussi bien que des gens du peuple ont déjà posée à maintes reprises depuis 1629. Pendant tout l’été, ils se sont livrés à une savante dispute intellectuelle pour examiner si l’eau des bains thermaux de Pfäfers pouvait être conduite depuis la grotte (que surplombent deux maisons en bois), dans un lieu plat et plus accessible, avec le même profit et sans aucune perte de ses effets et de sa force, et une fois conduite à l’extérieur, si elle pouvait encore apporter bienfaits et guérison.

Nul ne doute qu’il soit possible d’extraire de la grotte des thermes une quantité d’eau thermale suffisante pour y plonger un ou plusieurs corps. Mais il faudrait l’amener depuis cette grotte incroyablement profonde, d’abord à dos d’hommes, puis à l’aide de chevaux, jusqu’au sommet de la montagne. C’est pourquoi cette eau, dont la chaleur à la source est si agréablement tempérée qu’on peut dire qu’elle convient parfaitement à tous, se refroidit au cours du trajet d’une heure jusqu’au hameau le plus proche de Valens ou jusqu’à la ferme de Ragaz; et si l’on tente de la réchauffer là-bas, elle perd alors la majeure partie de ses vertus; en effet, ses propriétés ne reposent pas sur une matière grossière et terrestre, mais subtile et vaporeuse; il convient d’ajouter que, dans les profondeurs de la grotte, l’eau chaude jaillit des rochers avec une telle abondance qu’elle pourrait aisément faire tourner plusieurs roues de moulin; si l’on se tient à proximité de la source, surtout dans le bain supérieur, on est continuellement et sans interruption arrosé d’une eau fraîche, et cette eau est pure, c’est-à-dire qu’elle conserve encore toutes ses forces; cela ne serait pas le cas si on la transportait de la grotte à une ferme ou à une habitation voisines; par ailleurs, j’ai affirmé que la vapeur qui émane du bain est particulièrement salutaire; or, si quelqu’un utilisait cette eau thermale en dehors de la grotte, il serait privé de cette vapeur bienfaisante. Cependant, il s’avéra plus commode et plus avantageux de transporter l’eau thermale vers les hospices situés à proximité immédiate de la source et à l’intérieur de la grotte: on pouvait s’y baigner non sans un réel bénéfice pour la santé. On ne s’est pas non plus baigné dans cette eau à Valens et à Ragaz sans en retirer quelque profit. Et en l’an 1596, sur le conseil de médecins, douze bouteilles remplies d’eau thermale furent transportées jusqu’à Lucerne, afin qu’une dame distinguée puisse s’y baigner; et j’ai appris par le noble colonel et chevalier de l’Ordre de Jérusalem Rudolf Pfyffer, résident à Lucerne, en Suisse, qu’elle avait utilisé cette eau non sans profit. Par ailleurs, il serait également possible de faire remonter l’eau de la source jusqu’au sommet de la montagne, en direction de Pfäfers et de Valens, à l’aide de tuyaux de terre, de métal ou de bois, avec l’aide de roues hydrauliques et du torrent de la Tamina, et la transporter vers le haut, mais il faudrait pour cela un labeur immense et des efforts considérables, pour un résultat vain, car tout s’effondrerait avec l’arrivée de l’hiver.

Enfin, il y a six ans, des hommes au jugement simple eurent l’idée qu’il serait possible de détourner et de conduire l’eau thermale sans en altérer ni les effets ni la chaleur, pour le plus grand profit des baigneurs étrangers, et même toute la source chaude à l’air libre, vers un lieu ouvert et dégagé situé le long de la rivière Tamina, dans la région de Valens, ou au pied du Vasanachopf dans la vallée du Zanuz, au moyen de conduites encastrées dans la roche, à environ deux cents unités de sept pieds, soit la portée d’un puissant canon, depuis sa source; l’abbé en charge, après avoir fait soigneusement examiner les lieux par des hommes qu’il avait mandatés et après mûre réflexion sur la faisabilité du transport de l’eau vers le haut, leur expliqua publiquement et en privé, puis à un grand nombre d’hommes instruits – médecins, philosophes, architectes (qui furent d’accord avec lui), que l’eau thermale, avec sa chaleur, sa force vitale et sa vapeur, pouvait aisément, sur une distance aussi modeste, être conduite à l’air libre par une simple impulsion, car la courbure du jet aide le mouvement d’écoulement.

Cette question du transfert des thermes, les médecins de l’époque (à l’image d’un chien qui parfois flaire une caille qui se cache craintivement sous des bottes de blé sans pouvoir l’attraper) commençaient à la méditer et à l’étudier, en la reniflant lentement et en silence, sans jamais passer à l’action; il s’agissait d’une affaire digne des esprits les plus vifs qu’ils renvoyaient à leurs successeurs. Et le sort tomba sur notre ami Guarinonius, un médecin très célèbre pour sa piété et son érudition. Nous avons placé à la fin de cet ouvrage son rapport sur cette affaire, rédigé avec précision, efficacité et une grande dignité, dans une traduction latine que nous avons réalisée.

Jusqu’à présent, nous avons évoqué l’ancien emplacement, la situation d’origine, la nature et les vertus des thermes de Pfäfers, mais c’est avec une immense joie que nous allons maintenant raconter la dérivation extrêmement bien réussie de la source vers un endroit plus approprié. Lis ces lignes, lecteur attentif, et rends grâce avec allégresse au Dieu trois fois excellent dans le ciel, pour ce bienfait d’une excellence et d’une importance incomparables.