Lettre De constantia in fide à Jacques Daléchamps
Übersetzung (Französisch)
Übersetzung: David Amherdt/Kevin Bovier (notes originales en allemand: Clemens Schlip)
Conrad Gessner salue l’éminent médecin Jacques Dalechamps.
Salut et paix de la part du Seigneur. Je suis content que tu sois vivant et que tu aies survécu à tant de troubles, très noble Jacques. Fasse Dieu que tu vives aussi dans l’Esprit cette vie mortelle, d’une part, et d’autre part, ensuite, la vie meilleure qu’est la vie éternelle. Je déplore le fait que tes biens aient été atteints et diminués, mais tu le supporteras avec résignation, jusqu’à ce que Dieu améliore ta situation, lui qui, à travers cette circonstance et ces malheurs veut peut-être te châtier paternellement, et aussi te pousser à t’améliorer. J’ai assurément vivement souffert, de tout mon cœur, en apprenant que toi, un homme d’une grande science et d’une grande influence, tu as quitté les rangs de notre religion. L’irréflexion et la malhonnêteté de certains, dont tu te plains, t’y ont peut-être poussé, mais il fallait que tu sois fixé et attaché à la Parole de Dieu au point de ne pouvoir en être séparé par aucune force, aucun préjudice. Pardonne-moi, mon très cher Dalechamps. En raison de mon amitié envers toi, de tes vertus et de tes bienfaits à mon égard, je te traite familièrement comme si je t’avais été très uni depuis l’enfance ou comme si j’étais ton frère germain. Tu t’es excessivement laissé troubler, et tu n’as pas médité cette phrase: «Cherchez d’abord le royaume de Dieu, et le reste vous sera donné par surcroît». Chez les adversaires de notre religion, tu as vu plus de faste et de puissance que chez les nôtres, et tu as aussi vu chez eux plus de richesses et d’honneurs; et tu as vu certains des péchés des nôtres, qui, je n’en doute pas, sont grands également; cependant, ils ne sont pas de telle nature et de telle importance qu’à cause d’eux tu aies pu te sentir contraint à t’attacher à l’Antéchrist et à ses membres et à leur confier ton salut. Mais peut-être te demandes-tu si le Pontife romain est bien cet Antéchrist annoncé par tant d’oracles sacrés, ou peut-être même soutiens-tu qu’il ne l’est pas.
[…]
Reconnais, reconnais que tu es un grand pécheur: elle ne te manquera pas, la grande grâce qui vient de cette unique et infinie source de grâces. Accueille la simplicité de la vérité; tout le reste, rejette-le. Je ne te renvoie pas, Dalechamps mon frère, aux nouveaux livres de nos coreligionnaires, Calvin, Luther, Viret, d’autres, bien que je les considère comme des instruments de Dieu, eux et la plupart des choses qui ont été écrites saintement et pieusement dans leurs écrits. Je vois que ce sont des hommes et qu’ils peuvent se tromper. Je te renvoie au seul Ancient Testament: il n’y a rien de plus ancien dans toute la tradition littéraire, et de même rien de plus vrai depuis la création du monde n’existe dans les cieux et sur la terre, alors que subsiste une seule et même vérité, une seule voie de salut très simple. Je te renvoie à cette source, dis-je, à cette source éternelle de vraie doctrine et de vraie piété, et, comme à un fleuve d’eau vive qui jaillit de cette source, au Nouveau Testament et à l’interprétation de celui-ci. Et si seulement je pouvais aussi te contraindre, si tu ne le voulais pas, par quelque force. Mais je demande à Dieu qu’il te contraigne et te pousse. Que les patriarches, les prophètes, les apôtres, le Christ lui-même t’instruisent. Montre que tu es leur disciple et leur élève. Prie, jeûne, lis, contemple, confronte, compare avec d’autres les passages douteux, obscurs et qui donnent l’impression d’être contradictoires, lis-les encore et encore. Sans aucun doute, si tu l’invoques, l’Esprit Saint, soit tout de suite soit très bientôt (même si l’on ne peut ni ne doit lui en donner l’ordre), t’assistera, pour t’instruire dans la vérité tout entière et te protéger dans tous les malheurs et les dangers, pour te consoler, te fortifier; lorsque cela se sera produit, une immense admiration, ainsi qu’une sorte de stupeur t’envahiront, celle d’un homme établi dans un autre monde et engendré une deuxième fois en vue d’une autre vie.
[…]
Vis heureux dans le Seigneur et réponds-moi. Tu pourras confier ta lettre soit à Genève à Henri Estienne ou à qui d’autre tu voudras, soit à Lyon à Gryphe. Je remets mes réponses à ta lettre précédente à un moment de plus grande tranquillité. Cette tranquillité, je souhaite de tout cœur que le Dieu très bon et très grand la rétablisse pour vous dès que possible, et qu’elle aille de pair avec la diffusion de sa gloire.
Zurich en Suisse, Conrad Gessner à Jacques.
Je n’ai pas eu le loisir de relire ce que j’ai écrit; tu compléteras ce qui peut laisser à désirer.