Conrad Gessner

Œuvres


Auteur(s): David Amherdt (deutsche Übersetzung: Clemens Schlip). Version: 03.07.2023.

Théodore de Bèze disait à propos de Gessner: «… s’il eust mieux aimé exprimer ses propres conceptions que de mettre simplement en lumière ce qu’il avoit fidelement recueilli de divers auteurs, et que la mort ne l’eust si tost ravi du monde, nostre siecle pouvoit recouvrer, en un seul Gesner, Varron et Pline tres-doctes entre tous les anciens». Oui, s’il est quelqu’un qui a su mettre ses vastes connaissances au service de l’humanisme sans chercher à briller lui-même, c’est bien Conrad Gessner, dont on mesure difficilement les mérites dans des domaines aussi variés que les sciences naturelles (animaux, botanique, montagnes), la philosophie, la théologie, la philologie, la lexicographie, la bibliographie, l’édition de textes grecs et latins, la traduction de textes grecs. Seule la poésie semble absente, et encore: grand amoureux du grec, Gessner a composé dans cette langue plusieurs poèmes de circonstance, et l’on a conservé de lui plusieurs poèmes latins, aussi de circonstance. Un géant de l’humanisme suisse et européen.

 

1. La vie de Gessner

Conrad Gessner est né le 16 mars 1516 à Zurich. Il fit ses premières classes à Zurich. Après avoir fréquenté l’école allemande, il étudie à l’école latine du Grossmünster. Parmi ses maîtres et mentors, dont plusieurs devinrent ensuite ses amis, on peut citer Oswald Myconius (1488-1552), Petrus Dasypodius (v. 1495-1559), Thomas Platter (1499-1582), Rudolf Collinus (1499-1578), Johann Jakob Ammann (1500-1573) et Théodore Bibliander (1506-1564); il se lie aussi d’amitié avec Johannes Fries (1505-1565).

En 1531, Gessner perd son père, en même temps qu’Ulrich Zwingli, son guide spirituel. Sur recommandation d’Oswald Myconius à Wolfgang Capiton (1478-1541), il se rend à Strasbourg, où il séjourne de juin à novembre 1532. De retour à Zurich, il obtient une bourse pour aller étudier à Bourges, puis à Paris (1533-1534), qu’il doit quitter, notamment en raison des persécutions contre les protestants, et sans doute aussi en raison de l’extrême modestie de ses revenus. Après un passage à Strasbourg, où il rencontre Martin Bucer (1491-1551), et à Bâle, il regagne Zurich, non sans avoir épousé soudainement Barbara Singysen, au grand dam de ses mentors.

À Zurich, il officie comme maître d’école durant environ deux ans. En 1536, on le retrouve à Bâle, où il étudie la médecine. Il enseigne ensuite le grec à l’Académie de Lausanne (1537-1540). Après un bref séjour à Montpellier, célèbre pour sa faculté de médecine, il retourne à Bâle, où il devient docteur en médecine au début de l’année 1541.

Gessner s’installe ensuite à Zurich, où il exerce comme médecin et enseigne la philosophie, les mathématiques, les sciences naturelles et l’éthique. En juillet 1545, il entreprend un voyage à Augsbourg, sur invitation du célèbre marchand et banquier allemand Antoine Fugger (1493-1560), qui voulait l’engager comme précepteur de jeunes membres de sa famille. En plus de ses activités de médecin et de professeur, Gessner se consacre à l’écriture de ses traités, éditions, traductions, dont il est question dans le chapitre suivant. Son réseau de relations, en Suisse et à l’étranger, est considérable.

Il meurt de la peste à Zurich le 13 décembre 1565.

 

2. L’œuvre de Gessner

L’œuvre poétique de Gessner

Dans la bibliographie de ses œuvres publiée en 1562 (De libris a se editis), Gessner mentionne parmi ses projets de publication un recueil de Latina quaedam et Graeca carmina, epigrammata, idyllia. On a notamment conservé quelques poèmes de circonstance de Gessner, dont un billet d’invitation adressé à Johannes Fabricius Montanus en juin 1565, un bref distique élégiaque figurant à la fin de l’avertissement au lecteur de la Bibliotheca universalis.

Gessner s’est aussi essayé à la poésie grecque. Il publie plusieurs brefs poèmes, notamment en introduction ou en épigraphe de certaines de ses œuvres ou d’œuvres d’autres auteurs, comme le distique élégiaque Ad lectorem qui figure sur le frontispice de son Libellus de lacte (1541), ou encore les vers iambiques imprimés en tête de son édition de Stobée (1543). Un manuscrit nous a aussi conservé les poèmes funèbres grecs que Gessner, âgé de 16 ans, écrivit à l’occasion de la mort de Zwingli.

 

La correspondance de Gessner

La liste des correspondants et des lettres de Gessner dressée par Leu montre assez l’ampleur ainsi que l’étendue géographique de sa correspondance. Gessner écrit à Théodore de Bèze, Heinrich Bullinger, Joachim Camerarius, Henri et Robert Estienne, Johannes Fabricius Montanus, Johann Jakob Fugger, Oswald Myconius, Felix Platter, Joachim Vadian et bien d’autres, sur les sujets les plus divers, parmi lesquels les sciences naturelles, en particulier la botanique et la médecine, occupent une place importante.

Parmi les lettres de Gessner, on mentionnera une longue épître du 1er août 1562 que le naturaliste adresse à Jacques Daléchamps (1513-1588), qui vient de passer du protestantisme au catholicisme, pour l’encourager à garder la foi réformée. Cette épître résume à merveille la foi de Gessner. Elle ne semble pas avoir été suivie d’effet…

 

Ouvrages scientifiques: sciences naturelles, botanique, montagne, philosophie…

L’œuvre naturaliste de Gessner est immense, et il ne nous appartient pas d’énumérer tous les ouvrages sur ce thème. Nous en donnerons une vie d’ensemble et présenterons plus en détail quelques ouvrages qui nous paraissent particulièrement importants ou dont nous présentons des extraits sur ce portail.

L’un des ouvrages naturalistes les plus connus est l’Historia animalium, publiée en quatre volumes de 1551 à 1558; un cinquième volume, posthume, est publié en 1587. L’ouvrage eut un grand succès et une immense influence sur ses successeurs. Gessner divise le monde de la nature selon les catégories établies par Aristote dans sa propre Historia animalium: le volume I est consacré aux quadrupèdes vivipares; le volume II aux quadrupèdes ovipares; le III aux oiseaux; le IV aux poissons. Il s’agit d’un recueil d’observations personnelles et d’informations empruntées à des dizaines d’auteurs, notamment grecs et latins. Les animaux sont classés dans l’ordre alphabétique. Pour chaque animal, Gessner propose une véritable somme qui touche tous les sujets; le matériel est organisé en huit chapitres (A-H): noms de l’animal (latin, grec, hébreu, langues vernaculaires); diffusion géographie, etc.; habitat, mode de vie, physiologie, reproduction, etc.; mœurs, instincts, etc.; usage pour l’homme; usage pour la nourriture; usage en médecine; questions «philologiques» (tradition culturelle associée à l’animal en question dans l’Antiquité, usages métaphoriques, histoires, fables, proverbes, significations symboliques).

Gessner est l’auteur de plusieurs autres ouvrages (où se mêlent généralement matériel antique et conclusions dues à des observations personnelles) sur les animaux, notamment sur les poissons et les êtres marins (1556); sur les plantes (1541, 1542, 1555, voir infra) et sur les fossiles (1565); sur des questions médicales: l’urine (1541), les bienfaits des eaux thermales (1533), la chirurgie (1555), la santé (1556), les remèdes (1552), etc. La plupart de ces ouvrages sont écrits en latin; Gessner a aussi fait paraître en allemand quelques ouvrages de vulgarisation sur les animaux.

En 1541, Gessner compose un traité sur le lait, le Libellus de lacte où, se fondant sur les textes de l’Antiquité grecque et romaine (Galien, Columelle, etc.), il parle des produits à base de lait (dont il sera aussi question dans la Descriptio montis fracti), du lait maternel et du lait animal, de l’utilité et des dangers du lait, de sa composition, etc.; ce traité doit une partie de sa notoriété à sa célèbre épître liminaire adressée à Jakob Vogel, à laquelle on a parfois donné le titre de De montium admiratione epistola car Gessner, après avoir exprimé sa résolution de gravir au moins une montagne chaque année, dit son admiration pour les beautés de la montagne, qui conduisent à la contemplation de Dieu.

En 1555, Gessner publie, chez les frères Gessner à Zurich, un volume où sont unis son intérêt pour la botanique et celui pour la montagne. Il contient d’une part un traité sur les plantes appelées lunaires (ou fleurs de lune, dont les fruits circulaires ont une forme de lune); d’autre part sa célèbre Descriptio Montis Fracti, «L’ascension du Fracmont», c’est-à-dire du Pilate. Gessner décrit l’ascension de la montagne, qu’il a effectuée avec des amis, les divers lieux parcourus, les nourritures à base de lait qu’ils ont goûtées, les plantes qu’ils ont rencontrées, etc. Il y exprime son admiration pour la montagne, où les quatre sens, le toucher, la vue, l’ouïe et l’odorat sont fortement mis à contribution et pleinement satisfaits. Lorsqu’il est question du fameux Pilatussee (Lac du Pilate) et des légendes qui l’entourent, Gessner intègre à sa description le passage des Scholies de Vadian sur Pomponius Mela (1522) où l’humaniste Saint-Gallois décrit sa propre excursion sur le Pilate et sa visite du Lac du Pilate. À la suite de la Descriptio, Gessner a fait imprimer la description du Pilate par le naturaliste lyonnais Jean Duchoul, ainsi que le poème de Johannes Rhellicanus sur le Stockhorn (1537).

Un volume posthume (Zurich, Froschauer, 1586), les cinq livres de Méditations, annotations et scholies physiques (Physicarum meditationum, annotationum et scholiorum libri V) abordent des questions physiques, mais aussi philosophiques et religieuses. Les «méditations» traitent des principes et des causes, de la Nature, du mouvement, de la nécessité, du ciel, des planètes, de la génération et de la corruption, des quatre éléments, des météores, des vents, de l’âme, de l’âme qui se sépare du corps pour vivre la vie bienheureuse ou être condamnée, etc. Les «scolies et les annotations» contiennent des commentaires sur les traités aristotéliciens sur la météorologie, l’âme, la mémoire et la réminiscence, le sommeil et la veille, les rêves, la divination par le sommeil, le mouvement des animaux, la brièveté et la longévité de la vie, la jeunesse et la vieillesse, la respiration. Tout à la fin du volume, Gessner présente une «Méditation sur la trinité de notre âme et la Trinité divine; nous nous y demandons comment l’homme a été créé à la ressemblance de Dieu. Le 4 avril 1565». Cette espèce de testament spirituel montre bien que Gessner ne conçoit pas la vie sans Dieu et que pour lui toute la création conduit l’homme à son créateur.

Toujours dans le domaine philosophique paraît en 1563 un De anima; Gessner s’y montre fondamentalement aristotélicien, bien qu’il soit aussi influencé par le néo-platonisme de la Renaissance.

 

Éditions de textes latins et grecs, traductions du grec au latin

À insister sur les travaux de sciences naturelles de Gessner, on risque de ne pas suffisamment relever ses mérites dans le domaine de la philologie. En véritable humaniste, Gessner a édité des textes grecs et latins, et traduit des textes grecs en latin.

Pour ce qui est des éditions, on lui doit en particulier l’editio princeps des Pensées (Meditationes) de Marc-Aurèle (1559), publiée avec une traduction de l’humaniste allemand Wilhelm Xylander (1532-1576). En 1543 et 1544, il publie deux éditions dont il sera particulièrement fier: en 1543, l’édition de l’Anthologie de Stobée, dont il donne aussi la première traduction latine, et en 1544, l’édition expurgée des Épigrammes de Martial, également organisée en lieux communs. Dans sa Bibliotheca universalis (1545), Gessner affirme d’ailleurs que l’édition de Martial et la traduction de Stobée sont ce qu’il a publié de plus utile jusque-là. En 1546, Gessner publie l’editio princeps d’un célèbre florilège de sentences à la fois sacrées et profanes intitulé Loci Communes, traditionnellement attribué à saint Maxime le Confesseur (VIIIe siècle), ainsi que de la Melissa, attribuée au moine Antoine, une recension manipulée et augmentée du texte du Pseudo-Maxime. La même année est publiée à part une tradition latine de ces textes, que l’on doit en partie à Gessner lui-même. En 1556, il fait paraître l’editio princeps des œuvres d’Élien accompagnées de traductions latines en regard, dont celle du De natura animalium (Περὶ Ζῴων ἰδιότητος), due au naturaliste français Pierre Gilles, a été retouchée par Gessner lui-même. Enfin, en 1557, paraît à Genève, chez Henri Estienne, l’édition (princeps) grecque accompagnée d’une traduction latine de l’Apologia pro christianis et du De resurrectione mortuorum d’Athénagoras d’Athènes (IIe s. ap. J.-C.); Gessner a participé au travail d’édition et est l’auteur de la traduction latine de l’Apologie; il a également fourni quelques annotations sur cette dernière.

En 1544, Gessner procure donc une édition expurgée des Épigrammes de Martial à l’usage des élèves de la Zurich protestante. Après avoir éliminé quelque 350 pièces et expurgé quelques dizaines d’autres (en peu plus de 70), il a distribué les épigrammes par thèmes et les a pourvues de quelques notes de critique textuelle; à la suite du texte, il a fait imprimer de brèves annotations dues à Jacob Micyllus. Dans l’épître dédicatoire, ainsi que dans les trois dialogues inspirés des Adelphes de Térence imprimés en fin de volume, véritable dispute sur la question de savoir s’il est moral de lire les vers scabreux des poètes et de Martial en particulier, Gessner décrit son travail de philologue et justifie la censure. Le succès de cette édition fut probablement limité, puisqu’elle ne bénéficia d’aucune réédition.

En 1542-1543, Gessner publie la traduction de quatre textes grecs sur l’interprétation d’Homère. Les trois premières traductions paraissent en un volume en 1542 chez Froschauer à Zurich. Le premier texte est la Moralis interpretatio errorum Ulyssis Homerici (Interprétation morale des errances de l’Ulysse d’Homère), ouvrage grec anonyme du XIVe siècle, qui avait été publié en 1531 à Haguenau; il s’agit d’une interprétation à tendance chrétienne, mais pénétrée d’éléments stoïciens. Le deuxième est intitulé Commentatio Porphyrii philosophi de Nympharum antro in XIII libro Odysseae Homericae (Commentaire du philosophe Porphyre au sujet de l’antre des nymphes au livre XIII de l’Odyssée d’Homère), interprétation néo-platonicienne que l’on doit au philosophe Porphyre de Tyr (234-v. 310, ou 233-305), connu pour avoir été disciple de Plotin et pour avoir édité ses œuvres. Le troisième a pour titre Ex commentariis Procli Lycii, philosophi Platonici in libros Platonis de Repub. Apologiae quaedam pro Homero et fabularum aliquot enarrationes (Apologies en faveur d’Homère et explications de quelques fables, tirées des commentaires de Proclus de Lycie à la République de Platon); ces Apologiae sont tirées de la sixième dissertation des commentaires du néo-platonicien Proclus sur la République, dont l’édition princeps parut à Bâle en 1534 chez Simon Grynaeus.

Le dernier texte est publié à Bâle en 1544 chez Jean Oporin. Il est intitulé Heraclidis Pontici, qui Aristotelis aetate vixit, Allegoriae in Homeri fabulas de diis (Allégories à propos de fables d’Homère sur les dieux d’Héraclite du Pont, qui a vécu à l’époque d’Homère), texte dont l’editio princeps date de 1505 (Alde, Venise) et dont l’auteur n’est pas le philosophe platonicien Héraclide du Pont (390-322 av. J.-C.), comme le pense Gessner, mais sans doute un rhéteur du même nom de l’époque augustéenne.

À la lecture des paratextes de ces ouvrages sur Homère, on constate que Gessner s’associe à l’opinion générale des humanistes selon laquelle les poètes anciens cachaient dans leurs œuvres des vérités philosophiques. Il identifie diverses traditions d’allégories homériques: historique, physique, éthique, théologique et métaphysique, sa préférence allant aux deux dernières. L’intérêt de Gessner pour ces textes met en relief le statut du poète inspiré dont jouit Homère aux yeux de bien des humanistes, qui intègrent sa pensée dans la tradition judéo-chrétienne, souvent au moyen d’une forte dose de néo-platonisme.

En 1559, Gessner traduit en latin le ῞Αννωνος περίπλους (Hannonis navigatio), Le Périple d’Hannon, qui remonte à 400 av. J.-C. environ et dont l’editio princeps a été publiée à Bâle en 1533. L’ouvrage, très court (cinq pages dans la traduction de Gessner) raconte le voyage sur mer d’un Carthaginois, Hanno, le long de la côte ouest de l’Afrique. Enfin, Gessner a traduit en latin les treize premières Idylles de Théocrite; cette traduction est restée sous forme manuscrite.

 

Autres travaux philologiques et bibliographiques

Le Mithridate

Dans cet ouvrage (Froschauer, 1555), qui inaugure la grammaire comparée, Gessner étudie la parenté entre les langues et les ordonne en différentes familles. Son titre complet est: Mithridates. De differentiis linguarum tum veterum tum quae hodie apud diversas nationes in toto orbe terrarum in usu sunt: «Mithridate. Différences entre les langues anciennes et celles qui sont en usage aujourd’hui chez les diverses nations de la terre entière». Gessner offre un «inventaire des différentes langues du monde, classées par ordre alphabétique des peuples qui les parlent, et échantillonnées autant que possible par le texte du Notre Père ou par quelque autre liste de mots dans les cas les plus exotiques ou les moins documentés par l’auteur».

 

Lexicographie

Dès 1537, Gessner participe à l’édition d’un Lexicon Graecolatinum, version révisée d’un célèbre dictionnaire grec-latin compilé par divers auteurs sur la base du Dictionarium de Guarino de Favera. Une deuxième édition paraît en 1541. Dans la préface de la troisième édition du Lexicon Graecolatinum, publiée en 1543 à Bâle par Jérôme Curion, Gessner affirme l’importance que le grec revêt à ses yeux. Dans ce texte, l’humaniste propose, sur douze pages, une réflexion De utilitate et praestantia Graecae linguae («Sur l’utilité et la supériorité de la langue grecque») où il énumère les qualités du grec (le soleil) et ses avantages sur le latin (la lune). S’adressant à la fois à ceux qui jugent la connaissance du grec inutile et à ceux qui l’étudient, il souligne le rôle indispensable qu’il joue dans tous les domaines du savoir, fait l’éloge de sa souplesse et de sa douceur, et va jusqu’à affirmer qu’il est capable de ramener à plus d’humanitas les esprits trop rigides. Gessner aborde aussi la question de la traduction, en montrant que, s’il est utile de traduire les ouvrages grecs en latin, rien ne remplace le recours à l’original. En 1545, il dédie la quatrième édition de son Lexicon à Diego Hurtado de Mendoza, accompagnée d’une épître dédicatoire datée du mois d’août; cette édition ne comporte pas la préface De utilitate, qui ne semble pas avoir été réimprimée par la suite.

Gessner s’intéresse aussi à la lexicographie latine, puisqu’en 1544 il publie une version augmentée du Dictionarium Latinum d’Ambrogio Calepino, où il indique, pour chaque entrée, la quantité des voyelles.

Enfin, dans son Onomasticon (1559), il rassemble les noms propres de divers dictionnaires et en donne une explication; le grand nombre d’éditions de ce texte témoignent de son succès.

 

La Bibliotheca universalis, les Pandectes et les Partitiones theologicae

En 1545, Gessner publie sa célèbre Bibliotheca universalis, bibliographie de toutes les œuvres (manuscrits ou éditions) hébraïques, grecques et latines connues à l’époque. L’ouvrage comporte 5031 entrées d’auteurs classés par ordre alphabétique.

En 1548, paraît à Zurich, chez Froschauer, le deuxième tome de la Bibliotheca, les Pandectarum sive partitionum universalium libri XXI, qui classe par thèmes (loci) tous les ouvrages du premier volume, auxquels s’ajoutent 2000 auteurs et leurs œuvres. Le système de classement de Gessner se répartit en 21 domaines: grammaire, dialectique, rhétorique (trivium élargi); arithmétique, géométrie, musique, astronomie/astrologie (quadrivium); histoire, géographie, divination et magie, métiers (artes illiterati); physique, métaphysique et théologie des païens, éthique, économie, politique; droit, médecine, théologie chrétienne. Les Pandectes ne considèrent pas les deux derniers domaines: la théologie est l’objet des Partitiones theologicae, qui paraissent à Zurich, chez Froschauer, en 1549; quant à la médecine, Gessner ne parviendra jamais à en établir la bibliographie.

 

Bibliographie

Cochetti, M., «Gesner (Conrad)», dans Centuriae Latinae: cent une figures humanistes de la Renaissance aux Lumières offertes à Jacques Chomarat, éd. C. Nativel, Genève, Droz, 1997, p. 391-397.

Freudenberg, M., «Gessner, Conrad», Biographisch-Bibliographisches Kirchenlexikon 15 (1999), col. 635-650.

Fueter, E. K., «Gesner, Konrad», Neue Deutsche Biographie 6 (1964), col. 342-345, version en ligne, https://www.deutsche-biographie.de/pnd118694413.html#ndbcontent

Leu, U. B., Conrad Gessner (1516-1565). Universalgelehrter und Naturforscher der Renaissance, Zurich, Verlag Neue Zürcher Zeitung, 2016.

Leu, U. B., «Gessner, Konrad», Dictionnaire historique de la Suisse, version en ligne du 08.05.2020, https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/014376/2020-05-08/.

Leu, U. B., Ruoss, M. (éd.), Facetten eines Universums. Conrad Gessner 1516-2016, Zurich, Verlag Neue Zürcher Zeitung, 2016.

Serrai, A., Conrad Gesner, éd. M. Cochetti, Rome, Bulzoni, 1990.

Wellisch, H. H., Conrad Gessner - A Bio-Bibliography, Zoug, IDC, 1984.