Sur les poètes théologiens, l’interprétation des mythes et Homère

Übersetzung (Französisch)

Übersetzung: David Amherdt/Kevin Bovier (notes originales en allemand: Clemens Schlip)


1. Épître dédicatoire de la Lucubratio Procli […] de dictis adversus Homerum […] (fol. 32ro-vo)

Conrad Gessner, médecin, salue le très docte sieur Jean Ribit, professeur de grec à Lausanne.

[…]

Du reste, de tous les philosophes, les platoniciens semblent s’être le plus approchés de notre religion, à tel point que Platon et ses disciples semblent ou bien exprimer, ou bien esquisser les mystères de la divinité et presque toutes les autres croyances religieuses des chrétiens. Ainsi donc, que Platon soit d’abord entré en contact avec ces mystères en Égypte pour les laisser ensuite à la postérité; que les platoniciens aient puisé ces doctrines dans l’Écriture sainte (car ils citent comme témoin Moïse et le qualifient de prophète, ce qui permet de conclure qu’ils ont lu et approuvé ses écrits); qu’ils les aient acquises par une inspiration divine ou par la révélation des démons qu’ils avaient comme confidents (car les démons sont parfois obligés de dire la vérité même contre leur gré, comme celui du Nouveau Testament qui protestait à grands cris que le Christ était venu avant le temps); que ce soit par l’assurance donnée par des prophéties, telles qu’il en existe de nos jours; enfin, que ce soit grâce à une autre circonstance favorable, bien qu’il ne semble guère possible qu’il en existe; il n’y a pas lieu de rejeter totalement ces écrits: mieux vaut les lire dans une disposition d’esprit pleine de sagesse et de modération afin de les conserver pour en faire usage au moment voulu. Car il n’est rien de si vil ou de si désagréable qui ne puisse, lorsque les circonstances et l’occasion s’en présentent, être employé ou adapté par des esprits pieux et sobres en vue de rendre gloire à la majesté divine. Cette œuvre fera voir pleinement la raison pour laquelle les poètes furent jadis appelés théologiens, et pourquoi la poésie mérita le nom de théologie et de philosophie première, même chez ces philosophes eux-mêmes. Car dans ce livre, toutes les fables concernant les dieux sont examinées non d’après la multitude des grammairiens, à savoir selon des interprétations historiques, physiques ou morales, mais elles sont expliquées par des principes théologiques ou métaphysiques.

[…]

 

2. Épître dédicatoire de la Commentatio Porphyrii […] de Nympharum antro in XIII libro Odysseae […] (fol. 16ro-vo)

Conrad Gessner, médecin, salue le très docte sieur Béat Comte, théologien et médecin.

[…]

Il n’est pas nécessaire que je te parle des fables des poètes; car je sais qu’un érudit comme toi, comme d’ailleurs tous les savants, est de l’avis de Plutarque, qui affirme: «les fables des poètes ne sont pas dépourvues d’enseignement philosophique». En tout cas Aristote, au livre 1 de la «Philosophie première», écrit que le philosophe d’une certaine façon aime les fables, puisque la fable est composée de récits merveilleux. Or, de nos jours, l’admiration est pour les hommes une occasion de philosopher, comme elle le fut autrefois. Socrate, dans sa prison, alors qu’il était proche du terme de sa vie, mit en vers quelques fables d’Ésope, inspiré qu’il était par Apollon. Aristote, alors qu’il était déjà un vieillard, laissant de côté les disputes de la philosophie et les réfutations des Anciens, se tourna vers la poésie homérique. C’est aussi ce que fit Porphyre, comme l’atteste Lascaris dans une épigramme à propos de ces deux auteurs. Mais nous allons défendre la poésie antique et la théologie fabuleuse des anciens dans les commentaires de Proclus. En outre le nom de Porphyre ne doit pas te heurter: car bien qu’il fût l’ennemi des chrétiens, il jugea – ce qui est confirmé par des prophéties – que le Christ était sage, juste et bienheureux, comme en témoigne Marsile Ficin dans ses commentaires au livre de Plotin contre les gnostiques hérétiques.

[…]

 

3. Bibliotheca universalis, fol. 335vo

Si je voulais énumérer les titres de gloire d’Homère, le poète le plus ancien, le meilleur, le plus docte et le plus agréable à lire (qu’ils sont nombreux et grands, ceux qui lui sont attribués par tous les plus illustres personnages de toutes les nations depuis tant de siècles jusqu’à nos jours), je devrais composer une œuvre plus longue que l’Iliade et l’Odyssée ensemble!