La chasteté de Pellican

Traduction (Français)

Or, afin que personne ne dise calomnieusement que c’est parce qu’il était incapable de maîtriser sa sensualité et son désir amoureux qu’il s’est rapproché de notre religion, qui ne fuit guère le commerce avec les femmes, je dirai ici ce qui m’a été rapporté et confirmé par des témoins tout à fait dignes de foi. Notre Pellican avait déjà achevé quarante années de vie (âge qui, en raison des chiffres qui le composent, est considéré comme l’âge parfait, achevé, complet), lorsque, par une décision unanime de ses frères moines, qui s’étaient alors réunis en nombre à Mayence, on lui confia une charge, agréable, ma foi, et qu’il se serait bien gardé de mépriser si son esprit avait été incliné vers les plaisirs plutôt que vers la piété. Il s’agissait de la tâche d’aller visiter les sœurs (on les appelle vulgairement moniales et nonnes) consacrées à la religion, qui, dans les deux Souabes, je veux dire l’inférieure et la supérieure, étaient réparties, sur tout le territoire, dans la soixantaine de maisons où elles vivaient. Cette charge lui échut sans qu’il s’y attendît ou qu’il le souhaitât, alors que bien d’autres l’ambitionnaient ardemment – ce qui est sûr, c’est que la pudeur de ces jeunes filles ne leur était pas inconnue. Mais lui répugnait à ce point à cette charge qu’aucune prière, qu’aucun argument des siens ne put l’inciter ou le pousser à l’accepter. Ainsi, lui qui, alors qu’il était encore dans la force de l’âge, avait volontairement entrepris une guerre contre les plaisirs, il n’est pas probable qu’au déclin de l’âge il ait voulu de lui-même passer dans leur camp. Quant au fait qu’il passa ensuite le reste de sa vie chastement et paisiblement avec sa légitime épouse, je veux dire Anna Fries, une femme très honorable et très distinguée, il le fit sur vos conseils, Pères: vous prévoyiez aisément que s’il venait à engendrer des enfants, il aurait quelqu’un sur les épaules de qui déposer une partie du poids de sa vieillesse. Cette prévoyance qui est la vôtre ne s’est nullement trompée. En effet, il engendra ce fils, je veux dire Samuel, dans la piété et les services duquel, déjà vieux, il put agréablement se reposer, grâce à qui, devenu grand-père, il put compter, de son vivant, des petits-fils et des petites-filles.