Les rosicruciens existent vraiment

Übersetzung (Französisch)

Übersetzung: Kevin Bovier (notes originales en allemand: Clemens Schlip)


Affirmation de l’existence de la fraternité des Rose-Croix

Les frères de la Rose-Croix existent-ils? Beaucoup

En doutent et ne veulent pas croire la Fama,

La Fama qui est diffusée et lue dans le monde entier

Et qui fait connaître l’œuvre de notre organisation.

Mais celui qui ne veut pas croire aux évidences,   

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Le malheureux!, voit comme un aveugle en plein jour.

Voici que moi, l’auteur de ces vers, je suis l’un de ces frères

Et une partie, si petite soit-elle, de cette pieuse compagnie.

Notre ordre se cache au milieu du territoire allemand

Tout en étant connu à l’étranger.                                

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Alors qu’il comptait très peu de membres, il s’est récemment agrandi

De dix hommes très intelligents et compétents.

Puis il fut aussi doté de nouveaux statuts,

De sorte qu’on peut dire à juste titre qu’il a presque été réformé.

Bien des gens prétendent être en contact avec notre communauté,     

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Mais rares sont ceux qui peuvent y pénétrer.

Nous recrutons seulement des personnes que nous avons longtemps mises à l’épreuve

Et qui disposent librement de leur corps.

Notre ordre leur impose des règles strictes,

Afin qu’elles respectent en tout temps la fidélité qu’elles lui ont jurée. 

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Un allié peut devenir un ami, s’il le désire,

Pour autant qu’il soit digne de notre amitié.

Nous habitons dans un monastère, auquel notre Père, autrefois, quand il le fonda,

Donna le nom de Saint-Esprit.

Ce nom a certes changé au fil du temps,        

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Mais nos archives le conservent.

Nous vivons ici ensemble, dissimulés par un vêtement sacré,

Et le joug du pape ne nous pèse plus comme autrefois.

Nous et nos champs sommes entourés d’arbres forestiers,

Et une célèbre rivière répand ses eaux silencieuses.     

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Non loin de nous se situe une ville de grande renommée

Qui pourvoit à tous nos besoins.

Nous jouissons de cette retraite et de la très grande liberté qu’elle nous procure;

Même nos voisins ne connaissent guère notre communauté.

Pourtant, les quémandeurs qui frappent chaque jour à notre porte     

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Repartent toujours chargés d’une généreuse aumône.

Qui plus est, nous soignons souvent ceux qui sont atteints

De graves maladies physiques;

C’est pourquoi tout notre voisinage nous est favorable

Et personne ne voudrait s’en prendre à nos biens.               

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J’ai failli dévoiler l’endroit où vit notre groupe,

Mais de sérieux motifs m’empêchent d’en divulguer le nom.

Pour nous tenir informés des événements, bien souvent

Nous allons et venons dans les diverses régions du monde.

Je viens d’accomplir mon troisième voyage à l’étranger et me trouve    

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Actuellement dans la ville de Haguenau, qui n’est pas sans renom.

C’est ici que la pluie et l’air humide m’ont empêché

De poursuivre ma route.

Dans un an à peine, j’aurai achevé le parcours qui m’a été prescrit,

Au cours duquel je dois visiter beaucoup de peuples et de lieux.         

50

En attendant, j’écris plus d’une lettre à mes frères au moyen de signes secrets

Pour leur raconter ce que j’ai appris partout.

Lors de nos voyages, nous ne sommes pas un fardeau

Pour ceux qui veulent bien nous héberger pour la nuit.

Au contraire, nous récompensons d’ordinaire leurs bienfaits par de l’argent   

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Et des cadeaux; nous sommes donc une charge appréciée des hôtes honnêtes.

Des gens plus ou moins importants ont voulu se charger de ce fardeau;

On les soutient en leur versant une somme adéquate,

Jusqu’à ce qu’ils aient légitimement mérité leur retraite

Et afin qu’ils puissent passer le reste de leur vie dans le calme.  

60

Nous sommes avides d’apprendre et, pour acquérir beaucoup de connaissances,

Nous recherchons partout, discrètement, tout savoir utile.

Ainsi, sur le continent européen, il ne se passe presque rien

Sans que nos yeux ne le relèvent avec précision.

Notre libraire veille à mettre dans nos mains                

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Tous les nouveaux livres, où qu’ils aient paru.

Nous pratiquons constamment des arts variés, mais honorables;

Nous évitons l’inactivité en faisant travailler notre esprit, notre bouche et nos mains.

Nous consacrons souvent beaucoup de temps à l’étude des langues,

Car il est utile de savoir s’exprimer aussi dans des langues étrangères.      

70

Nous parlons avec des Français, des Italiens, des Espagnols et des Polonais,

Ainsi que d’autres peuples, dans leur propre langue.

La contemplation de la nature nous attire tout particulièrement;

Elle nous apprend beaucoup par l’expérience.

Ce que chacun découvre au moyen de réflexions ingénieuses,    

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Il le soumet à l’examen critique de ses frères.

Grâce au travail de nos prédécesseurs, nous sommes en possession de nombreuses découvertes

Dont on penserait qu’elles dépassent nos capacités intellectuelles.

Parfois, mon vieux penchant pour les Muses me reprend

Et, pour tromper l’ennui, j’écris des poèmes.           

80

Nous vivons ensemble selon des règles bien établies, une douce

Paix nous unit dans un amour fraternel.

Nous avons tous le même état d’esprit et la même volonté,

Nos cœurs sont unis par une pieuse alliance.

Nul ne sait quelque chose que l’autre ne sache bientôt,          

85

À tel point que personne ne garde rien pour lui-même.

Chaque jour, notre chef nous convoque à des heures fixes

Et ordonne à chacun de partager ses connaissances.

Puis on examine le pour et le contre à ce sujet,

Tous approuvent ce qui est vrai et rejettent ce qui est faux.       

90

Ensuite, chacun rapporte à son tour

Ce qu’il a vu, lu, pensé ou entendu.

Les détails sont par la suite consignés dans un livre particulier

Pour être transmis aux générations futures.

Si cela s’avère nécessaire, le Père confie certaines tâches en particulier      

95

À ceux qu’il sait suffisamment instruits dans un domaine.

Ceux-ci se mettent rapidement à l’œuvre avec beaucoup d’application,

Comme on le leur a ordonné, pour accomplir la tâche qui leur a été confiée.

Mais les autres font tout leur possible pour les assister;

Les frères compétents les aident par des conseils et des actes.  

100

Qui plus est, une grande bibliothèque est à leur disposition,

Qui contient plusieurs milliers de livres.

Nous ne sommes pas accablés de soucis,

Chacun s’acquitte de la tâche qui lui a été confiée.

Nous ne manquons de rien, nous avons tout en abondance,  

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Car nous vivons en nous contentant de peu.

Nous prenons soin de nos corps conformément à la nature,

De sorte que nous jouissons d’une bonne santé et d’une longue vie.

Cependant, quand une affaire exige des dépenses et des frais à des fins honorables,

Tu peux constater une certaine richesse, qui ne dépasse toutefois pas la mesure.

110

Ah, si seulement tout le monde recherchait les bienfaits de la vie

En commun et adoptait un comportement similaire!

Cette résolution favoriserait les études et la piété

Et découragerait les erreurs et l’infamie.

Nous sommes aussi injustement accablés de critiques imméritées,  

115

Et ce que nous disons de bien fait l’objet de méchantes attaques.

Beaucoup de fausses rumeurs sont répandues partout à notre sujet;

Nous le savons et le supportons en silence.

Celui qui nous a récemment accusés à tort de pratiquer la magie

Se trompe et ne connaît pas notre mode de vie.         

120

Je ne le nie pas: nous accomplissons souvent des choses stupéfiantes,

Mais toutes selon les voies secrètes de la nature.

Nos expériences dans le domaine de la chimie

Occupent nos foyers quotidiennement.

Mais si quelqu’un croit que cela se fait sur base d’un pacte avec Satan,

125

Malheur à moi, il se trompe sur toute la ligne!

C’est en effet notre principale occupation, Dieu

Se consacrant à juste titre aux esprits et aux mains purs.

Nous menons une vie remplie de la crainte de Dieu

Tout en nous montrant serviables envers tous les hommes.   

130

Que veux-tu? Notre collège est une sorte d’académie

Vouée aux études savantes et à la piété.

Le temps viendra où l’on comprendra l’utilité de notre ordre,

Partout dans le monde où le peuple de Dieu est dispersé.

Nous réalisons de grandes choses qui seront admirées en leur temps   

135

Et qui s’approuveront elles-mêmes en raison de leur utilité.

Nous ne sommes pas des ventres ou des mottes de terre improductives,

Mais nous passons nos moments de loisir à travailler avec énergie.

Et notre travail vise à l’utilité commune

Et est entièrement au service de ta gloire, Christ.      

140

Je ne cache pas que, sous le nom des frères, ont été publiés

Quelques écrits que nous approuvons moins.

Quiconque les lit attentivement s’en apercevra facilement,

Car ils ne concordent pas avec notre réputation.

Il se peut aussi que quelqu’un se fasse passer pour un frère,  

145

Alors qu’il est loin d’appartenir à notre groupe.

Il y a quelque temps, dans la région bavaroise, un imposteur de ce genre

Avait colporté beaucoup de racontars parmi le peuple illettré,

Jusqu’à ce qu’il soit convaincu de vol et de larcin

Et finisse pendu à la potence, comme un triste fardeau.     

150

De même, un fureteur arrêté à Augsbourg

A été roué de coups et a perdu ses oreilles.

Ajoute à cela que la population dit aussi du mal de la Rose-Croix,

Nous qui sommes une secte qui devrait être nommée d’après son Père fondateur.

Mais ce premier Père, que nous appelons notre Père,             

155

Nous n’avons pas voulu révéler son nom secret.

Tous ceux qui répandent des mensonges en notre nom

Nous causent du tort.

Cessez de perturber nos petites ruches, frelons

Qu’il faut livrer à un jugement sommaire qui les couvre de déshonneur.       

160

Celui qui ne veut pas être trompé et dupé doit donc considérer

Avec prudence ce qu’on raconte à notre sujet.

Et d’ailleurs, qui ne le sait pas? Tout est plein de mensonges,

Et partout l’imposteur bavard ourdit ses ruses.

La clique jésuite tend aussi ses pièges

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Et convoite jour et nuit nos demeures.

Pour échapper à leurs gueules et à celles des loups,

Nous devons nous dissimuler en plein jour.

Dieu saint, conserve et protège notre communauté,

Si elle t’honore comme il se doit, si elle te rend grâce. 

170

Et empêche nos cruels ennemis au cœur enragé

De nuire en quelque manière aux honnêtes gens.

Nous désirons nous faire connaître partout dans le monde,

Et souhaitons pouvoir le faire rapidement.

Or de grands obstacles s’opposent à notre désir,   

175

Et pour l’instant nous avons décidé de vivre incognito,

Mais de manière à nous faire beaucoup d’amis ici et là

Qui connaissent notre vertu et notre foi.

C’est pourquoi nous contactons des hommes savants à l’abri des regards,

Souvent même nous écrivons à des gens de bien:    

180

Sont au courant des philosophes, des médecins, des spécialistes de l’Écriture

Sainte et des gardiens des trésors chimiques.

Si je voulais divulguer leurs noms,

Malheur à moi, comme ce livre deviendrait épais!

Va donc renier aussi les compagnons de la Rose-Croix,    

185

Si tu ne veux pas être convaincu d’une accusation plus grave.

Mais pourquoi est-ce que je dis cela? Pour qu’on ne dise pas que je fais quelque chose d’interdit,

Je pose ici ma plume et retire ma main de la tablette.

B. M. I. le plus insignifiant des frères de la Rose-Croix a écrit ces vers lors de son troisième voyage à Haguenau, où il a dû s’arrêter plusieurs jours à cause des pluies ininterrompues. Le 22 septembre de l’an du Christ 1614.