Le Niesen
Übersetzung (Französisch)
Le lendemain, nous avons gravi le Niesen; mais il restait beaucoup d’efforts à fournir et de chemin à parcourir, car nous avions l’intention d’aller souper à Sigriswil le soir du même jour, en nous rendant auparavant à l’ermitage de Saint-Béat. En outre, il semblait rester passablement de chemin à parcourir, qui plus est en passant par le fond de la vallée, d’autant que nous étions fatigués, épuisés par les efforts de la veille; mais la célébrité et la beauté de la montagne voisine excitaient nos ardeurs, si bien que de mon point de vue il ne fallait pas laisser passer l’occasion que nous offrait ce voisinage. Ainsi donc, partis aux premières lueurs de l’aurore avec pour seul compagnon un serviteur afin d’éviter entraves et retards (ce qui arrive généralement quand plusieurs personnes voyagent ensemble), nous avons finalement atteint la cime de la montagne vers midi, n’ayant fait qu’une brève halte près d’une cabane de berger.
En partant d’Erlenbach, il faut traverser la torrentueuse Simme sur un pont, à un endroit où elle se précipite à grand fracas au milieu des rochers; de là, les prairies mènent progressivement à la partie la plus basse de la forêt. La montagne elle-même, jusqu’à mi-hauteur environ, est très densément recouverte d’arbres ordinaires tels que l’épicéa, le hêtre et deux espèces d’érable; je n’en ai pas vu d’autres. Puis, une fois qu’on sort de la forêt, on découvre de gras pâturages; car jusqu’au sommet la montagne est nue et dépourvue d’arbres, à mon avis à cause son altitude exceptionnelle.
Les gens qui habitent tout près de cette montagne la nomment «le Stalden», en particulier le côté occidental, par lequel on monte depuis Erlenbach. Ceux qui connaissent la montagne de plus loin l’appellent «le Niesen» d’après le nom de l’hellébore blanc qui y pousse en abondance. Cependant, il y en a qui pensent qu’il faut la nommer «le Jesen» et que c’est parce que l’article [«den»] a fusionné avec le nom [«Jesen»] qu’on a commencé à dire Niesen à la place de Jesen.
Il y a deux montagnes de ce nom: le Niesen supérieur et le Niesen inférieur. La haute cime du premier s’élève plutôt vers le sud; le second est de loin la plus belle de toutes les montagnes qui descendent depuis les plus hauts sommets valaisans; son promontoire le plus avancé se prolonge en une plaine régulière en direction du lac.
Cette région montagneuse est délimitée à l’ouest par le Simmental, qui forme un demi-cercle, comme je l’ai montré plus haut, et à l’est par la vallée d’Adelboden, dont le nom est assez connu et signifie «terre de l’aigle» ou «terre noble». Cette vallée est également incurvée, de sorte qu’avec le Simmental elle forme un cercle dont le diamètre est formé de cette région montagneuse qui sépare les deux vallées. Mais nous ne décrirons pas toute cette région, car cela exigerait plus de travail que prévu.
Pour ceux qui le contemplent de loin, le Niesen présente trois côtés ou trois angles. Un angle regarde l’est, l’autre est tourné vers nous à Berne, le troisième est dirigé vers l’ouest. Tous convergent vers son plus haut sommet, qui n’a pas de pointe. De plus, ceux qui le contemplent d’en haut remarquent aisément qu’un quatrième flanc rocailleux et moins fertile descend vers le sud. À de nombreux endroits, il est possible d’escalader ses longs flancs qui s’étendent jusqu’à la plaine située en contrebas; cependant le flanc occidental, qu’une vallée coupe en son milieu, offre une ascension aisée. Le plus haut sommet porte le nom d’«André le sauvage», Zum Wilden Andres; c’est là, parmi les rochers et les pierres, que se reposent d’ordinaire ceux qui grimpent pour le plaisir. En attestent les inscriptions, les vers et les proverbes gravés sur les pierres avec les portraits et les noms des auteurs. Entre autres on pouvait voir ce dicton d’un érudit qui a été saisi par le charme des montagnes:
«L’amour des montagnes est le plus beau».
Je ne pense pas qu’on puisse aisément trouver une montagne d’un charme égal, d’une part à cause de la vue qui donne sur une longue et large étendue, d’autre part à cause de la très grande variété de plantes qui se trouve sur cette montagne. En effet, près de trente paroisses, c’est-à-dire les villages et les villes qui disposent de leur propre curé et de leur propre église, se présentent à ceux qui s’assoient sur un rocher au «sauvage André». Il faut ajouter à cela un grand nombre d’anciennes forteresses, de domaines et de lacs, en plus des cours d’eau; voir tous ces endroits en un coup d’œil est de loin ce qu’il y a de plus agréable.