De Helvetiae origine (1538): la profanation du cadavre de Zwingli

Traduction (Français)

Or, le lendemain, s’étant mis en quête du cadavre de Zwingli, ils le découvrirent: il avait les mains croisées sur la poitrine. Lorsqu’ils l’eurent trouvé, après lui avoir fait subir de grands outrages, ils le condamnèrent à être livré aux flammes. Alors ils envoyèrent à Zoug et à Baar des hérauts qui convoquèrent tous ceux qui désiraient brûler l’archihérétique (en effet, c’est ainsi qu’ils le nommaient), le destructeur de l’Helvétie. Finalement, après l’avoir découpé en quatre, ils le brûlèrent, et son cadavre, avec ses os, fut réduit en cendres; mais son cœur fut trouvé intact parmi les cendres.

C’est aussi lors de cette guerre qu’eut lieu cette fameuse bataille, qu’il ne semble toutefois pas valoir la peine d’évoquer, puisque tout le monde pourra ensuite facilement juger de quelle terrible impiété il s’agit là. En effet, que peut-on qualifier de plus cruel et de plus étranger à toute humanité que de couvrir d’insultes ceux qui recherchent le Verbe de Dieu et y aspirent, que de persécuter ceux qui promeuvent la vraie piété, que d’exterminer ceux qui veulent conserver la patrie saine et sauve? Oh, extraordinaire malice, ô rage obstinée pour se battre! Par pitié, dites-moi quel peuple pourra vous être comparé en cruauté, quelle nation connaît tant de guerres intestines pour de telles raisons? Les prières de vos ancêtres, leurs œuvres et leur zèle, les bienfaits divins, les échecs subis en Italie, le zèle pour la piété, le respect des alliances, le désir de concorde, l’ardeur de la charité, tant de dangers endurés ensemble, la joie des ennemis ne vous ont pas poussés à chercher l’apaisement, laissant de côté la haine pour préférer échanger entre vous paroles et propositions de paix? D’où vient, je vous le demande, que cette sombre folie a occupé vos esprits, vous qui êtes les fils, les élèves et les disciples des meilleurs et des plus cléments des hommes? Pensez-vous que Dieu va tolérer cela? Bien au contraire, il punira rapidement ces rebelles que sont les persécuteurs de sa parole.

Mais ils sont nombreux maintenant ceux qui, estimant que c’est par suite d’un succès humain qu’est née la vraie religion, nous font de sottes objections: ils pensent que notre religion est vaine et fausse, parce que le résultat de notre entreprise n’a pas été favorable. Mais en cela ils se trompent très lourdement; en effet, si nous scrutons les écrits aussi bien païens qu’ecclésiastiques, nous découvrirons que c’est une mort funeste qui finit par être réservée à tous les hommes les plus éminents. En effet, Socrate but la ciguë en prison. Diogène mourut en mangeant un poulpe cru. Une tortue tomba sur Eschyle tandis qu’il écrivait. Sophocle quitta cette vie étouffé par un grain de raisin. Des chiens thraces mirent en pièces le bon Euripide. C’est la faim qui vient à bout du divin Homère. Mais laissons les exemples païens de côté: Isaïe périt découpé par une scie. Jérémie fut écrasé par des pierres, Zacharie massacré dans le temple. Jean fut décapité en prison. Plus encore, le sauveur du monde lui-même, notre Seigneur Jésus Christ, quitta son corps de chair par la mort la plus honteuse, cloué à la croix.