Commentaire de Myconius sur Guillaume Tell

Traduction (Français)

Apostrophe à Guillaume. Il me paraît nécessaire de parler ici de la tyrannie de celui qui exerçait alors le pouvoir sur les Uranais et les Schwytzois. Il en était arrivé à un tel degré de démence qu’il ordonna que l’on vénère à Uri un chapeau dressé au bord d’une voie publique comme si c’était lui-même qui se tenait là en personne. Ce Guillaume, considérant l’ordre comme injuste, l’enfreignit à plusieurs reprises, raison pour laquelle il fut arrêté et déféré devant le tyran. Interrogé sur le motif de sa témérité, il la mit sur le compte de l’étourderie et demanda grâce. Le tyran, ne faisant aucun cas de sa réponse, ordonna discrètement de faire venir les enfants de Guillaume, et le contraignit à faire tomber d’un coup de flèche une pomme placée sur la tête de son fils préféré, non sans invoquer le prétexte qu’il voulait faire l’expérience de son habileté d’archer, dont il avait remarqué que l’on faisait si souvent d’admirables éloges.

Alors que l’épreuve avait eu une heureuse issue, une flèche glissée par Guillaume dans le dos de son gilet éveilla les soupçons du tyran. L’ayant menacé de mort, il parvint à lui arracher la raison de la présence de cette flèche. Guillaume expliqua qu’il l’avait mise de côté pour tuer le tyran au cas où il aurait transpercé son petit enfant. Rempli d’indignation, le tyran ordonna aussitôt de le lier, de le jeter dans un bateau et de l’emmener à Schwytz pour qu’il y soit emprisonné à jamais. Et déjà ils avaient atteint le milieu du lac que l’on appelle lac de Lucerne. C’est alors que soudain se leva une tempête si violente que tous désespéraient de leur salut et criaient d’une seule voix à l’adresse de leur maître pour lui demander de libérer Guillaume, afin qu’il puisse leur sauver la vie. Il fut donc libéré sur l’ordre du tyran et se saisit du gouvernail; on pensait que le bateau était désormais hors de danger. Or, peu de temps après, Guillaume aperçut un rocher qui se dressait non loin du rivage et en conçut des espoirs de salut, raison pour laquelle il exhorta les serviteurs du tyran à faire force de rames; c’était ainsi, disait-il, qu’il fallait agir. Ils obéissent, on frôle le rocher; Guillaume prend son petit enfant, son arc et ses flèches (qui avaient tous été jetés dans le bateau en même temps que lui), et soudain s’élance d’un bond sur le rocher, puis repousse d’un coup de pied l’embarcation au large, de toutes ses forces.

Il se hâta de traverser Schwytz au pas de course jusqu’au chemin appelé «chemin Creux», qui conduit du village de Küssnacht jusqu’au lac d’Arth, qu’on appelle aussi lac de Zoug. A cet endroit il prépare une embuscade. Entre-temps le tyran aborde au port. Il doit passer par l’endroit où Guillaume se cachait. Une fois le tyran parvenu sur les lieux de l’embuscade, il tire une flèche et le transperce, puis retourne auprès des siens, en racontant toute l’affaire exactement comme elle s’était passée. Peu de temps après, une poignée d’hommes conclut le premier pacte d’alliance.