Lettre à Zwingli
Traduction (Français)
Traduction: David Amherdt (notes originales en allemand: Clemens Schlip)
Gerold Meyer salue bien vivement Ulrich Zwingli, pasteur à Zurich et chanoine désigné, son maître, qu’il doit honorer et aimer à plus d’un titre.
Je suis gras et bien nourri, Ulrich, et ma peau est bien soignée (comme dit Horace): c’est ce que tu verrais, si tu venais ici pour me voir. Pourquoi suis-je gras et ma peau est-elle bien soignée, apprends-le en peu de mots (pour ne pas te déranger plus qu’il ne convient, toi, un homme occupé par des questions plus sérieuses). Premièrement, la nature a doté mon corps encore plein d’énergie et de vigueur d’un naturel très joyeux et d’une certaine vivacité héroïque; ensuite, parce que j’habite une ville telle que, si Jupiter daignait y habiter, il ne pourrait guère en trouver ailleurs une qui soit plus agréable et plus bénéfique pour la santé. Que d’autres à l’envi portent aux nues les Champs-Élysées; oui, il me semble que Bâle, ville unique en son genre, ne peut être comparée aux Champs-Élysées et à Tempé, ou à d’autres lieux célèbres par leur charme qu’il pourrait y avoir ailleurs: elle doit même être estimée bien davantage qu’eux. En outre, dans cette ville très charmante, on trouve des hommes très savants dans les deux langues; l’un d’entre eux est cet inimitable défenseur de la littérature très raffinée, Beatus Rhenanus de Sélestat, un homme très digne d’une mémoire éternelle, un homme digne, également, de louer de nombreux savants et d’être loué en retour par beaucoup d’entre eux. Il y a ensuite Jacob Nepos, mon professeur, qui est très digne de toutes les louanges. Il y a aussi d’autres hommes très savants, mais il serait trop long de les énumérer tous d’après leur dignité à chacun. Je dirais seulement, à la gloire de cette ville, qu’il n’y a, où que l’on regarde, aucune ville plus célèbre que Bâle par le charme de sa situation et par le grand nombre de savants qui y vivent. Je ferais le serment sacré qu’Athènes elle-même y a déménagé avec tout son bagage d’érudition. En ce qui me concerne, Ulrich, sache qu’on s’occupe aussi bien de ma bouche que de mon esprit; c’est pourquoi j’ai écrit plus haut que je suis gras et bien nourri et que ma peau est bien soignée.
Porte-toi bien.
Bâle, en l’an 1521 après la naissance du Christ.
Ton Gerold Meyer. À l’éminent docteur et magister Ulrich Zwingli, son maître, à Zurich.