Raeteis
Traduction (Français)
Traduction: David Amherdt (notes originales en allemand: Florian Schafenrath)
1
Gallica gens: il s’agit de l’invasion des Gaulois en Italie, telle qu’elle est décrite par exemple dans le cinquième livre de Tite-Live. Rome subit une défaite décisive contre les Gaulois lors de la bataille de l’Allia en 387 av. J.-C.; c’est au chef des Gaulois, Brennus, que l’on attribue le célèbre Vae Victis («Malheur aux vaincus»).
2
Interrita pubes: pour sauver l’honneur des Étrusques, dont les Grisons sont issus, Lemnius souligne qu’il existait au sein de l’armée étrusque des contingents qui ne se laissèrent pas intimider par les Gaulois, mais qui furent ensuite contraints de reconnaître la défaite de leur peuple.
3
Maeoniis ... ab oris: Maeonia est un autre nom pour la Lydie, une région d’Asie Mineure que les Étrusques auraient quittée pour migrer vers l’Italie. C’est pourquoi Lemnius donne ce nom à la région des territoires italiques, où les Étrusques s’établirent, mais qu’ils durent toutefois abandonner après les invasions gauloises.
4
canaeque ... gentis: la Ligue grise, également appelée la Haute Ligue, désigne une alliance conclue en 1424 entre l’évêque de Coire, le couvent de Disentis et de nombreuses familles nobles pour maintenir la paix sur le territoire. Avec la Ligue de la Maison-Dieu et la Ligue des Dix-Juridictions, la Ligue grise formait la république libre des Trois Ligues.
5
Rex: il s’agit de Maximilien (1459-1519), le fils de l’empereur Frédéric III (1415-1493). Il fut nommé roi des Romains en 1486 à l’instigation de son père. Comme il ne porta le titre d’empereur qu’à partir de l’année 1508, il apparaît toujours comme rex dans la Raeteis.
6
Magnanimusque: l’adjectif magnanimus (généreux, courageux) est particulièrement connoté dans le contexte de Maximilien Ier et a presque les qualités d’un epitheton ornans (une épithète ornementale). Maximilien prit soin de sa propre mémoire en se célébrant dans une épopée autobiographique qu’il intitula Theurdank (imprimée à Nuremberg en 1517). Cette épopée, écrite en allemand, fut traduite en latin par Ricardo Sbruglio en 1519 et porte dans cette traduction le titre Magnanimus (édition: Schubert / Schubert 2002).
7
Nestorea: la série d’exempla mythologiques et historiques commence avec Nestor, le souverain de Pylos, qui, alors qu’il était un vieillard, participa à la guerre de Troie aux côtés des Grecs. Il se distinguait par ses talents d’orateur; son discours est qualifié de dulcis (doux) dans plusieurs sources antiques (Quint. Inst. 12,10,64; Gell. 19,7,14).
8
Mithridaten: Lemnius compare ici Mithridate, le roi du Pont, à Maximilien en raison du grand nombre de langues qu’il maîtrisait: Quintilien (Inst. 11,2,50) rapporte que Mithridate parlait 22 langues, c’est-à-dire celles de toutes les nations soumises à son empire. Voir aussi Plin. nat. 7,88.
9
Cyro: dans le passage où Quintilien parle du grand nombre de langues maîtrisées par Mithridate, il évoque aussi brièvement le roi Cyrus, dont la mémoire était si fiable qu’il retenait les noms de tous ses soldats. Voir aussi Plin. nat. 7,88.
10
Scipiadas: de la famille des Scipions sont issus de nombreux généraux très brillants qui marquèrent l’histoire romaine de manière décisive, entre autres P. Cornelius Scipio Aemilianus Africanus, qui rassembla autour de lui un cercle d’intellectuels, comme l’évoque Cicéron dans son De republica.
11
equitum ludos: Maximilien Ier n’était pas seulement un chasseur enthousiaste, mais aussi un combattant passionné de tournois, ce qui lui valut entre autres le titre de «dernier chevalier». Lemnius fait ici allusion à cette particularité de Maximilien.
12
Il s’agit du père du poète Simon Lemnius. On sait qu’il quitta la Ligue des Dix-Juridictions pour la Ligue de la Maison-Dieu, qu’il épousa une femme de la famille Jenal et qu’il s’installa avec elle à Santa Maria dans le Val Müstair. En 1499, il fit partie des troupes du Val Müstair, dirigées par Kaspar Putatsch, qui participèrent à la bataille de Calven; cf. Plattner (1874), p. III-IV; Merker (1908), p. 2-5.
13
faber divum: l’expression «forgeron des dieux» est l’un des surnoms du dieu Vulcain, qui fabriqua également le bouclier d’Énée. Le père de Lemnius est ici glorifié, puisqu’il reçoit lui aussi un bouclier du dieu qui fabriqua les armes de l’ancêtre des Romains.
14
prolem: dans l’épopée, il existe plusieurs techniques littéraires permettant d’anticiper des événements qui ne peuvent pas encore être mentionnés dans l’intrigue proprement dite. Parmi elles, la «description du bouclier», au moins depuis la description du bouclier d’Énée chez Virgile (Aen. 8,608-731), sur lequel on peut voir des événements historiques jusqu’au temps d’Auguste. Ici, dans la Raeteis, on observe sur le bouclier le fils de Lemnius, le poète même de la Raeteis, qui n’était pas encore né à l’époque de la bataille de Calven et qui, grâce à cet artifice, se crée néanmoins une place dans son propre poème.
15
caneret: Lemnius mentionne ici un certain nombre de ses autres œuvres, mais pas toutes, loin de là: il est frappant de constater que les œuvres qui s’inscrivent dans le contexte de sa confrontation avec Martin Luther, c’est-à-dire les Epigrammata et la Monachopornomachia, ne sont pas mentionnées. Il mentionne néanmoins, symbolisés par l’expression Cypridis ignes, les Amorum libri quattuor (Bâle 1542; édition moderne: Mundt (1988)), qui ne furent pas non plus sans poser problème pour lui, puisqu’elles entraînèrent la perte de son poste d’enseignant à Coire. L’œuvre à laquelle Lemnius fait allusion au vers 6,268 ne peut pas être identifiée avec certitude; il s’agit probablement des Bucolicorum eglogae quinque (Bâle 1542; édition moderne: Mundt (1996)); la célébration et la louange des réalisations littéraires de ses amis et de ses connaissances sont un trait important de ces poèmes. Peut-être l’expression heroumque virum laudes fait-elle aussi allusion à sa traduction de l’Odyssée d’Homère en latin, publiée à Bâle en 1549.
16
lauro cinctum: durant son séjour en Italie, Lemnius fut couronné poète en 1543. Depuis cet événement, il se qualifie toujours de poeta laureatus sur les pages de titre de ses œuvres ultérieures; cf. Merker (1908), p. 84.
17
Latium: le séjour de Lemnius en Italie est dans l’ensemble très mal documenté. Outre son séjour à Bologne, qui est un peu mieux connu, il a probablement aussi séjourné à Mantoue, Vérone et Florence; cf. Merker (1908), p. 88. On ne sait rien de ses activités dans le Latium ou à Rome, auxquelles il est probablement fait allusion ici.
18
parvique… Rheni: en 1543, Lemnius se trouvait à Bologne, où il fut admis à l’Academia Ermatena. L’idée selon laquelle Bologne est située sur le petit Rhin (Reno) est empruntée par Lemnius de Sil. Pun. 8,598.
19
Teutonis ora: Lemnius se rendit en Allemagne pour ses études: en 1532, il était à Munich, en 1533 à Ingolstadt, d’où il partit finalement pour Wittenberg, où la publication de ses Epigrammata (1538) provoqua une brouille lourde de conséquences avec Martin Luther.