À Petrus Lotichius

Traduction (Français)

Peter, sous la conduite de qui j’ai pour la première fois découvert les mystères

De Phébus et les eaux des neuf sœurs,

Lorsque l’amitié nous a réunis tous deux

Dans une ville en guerre,

 

Toi que j’aurais voulu suivre au-delà des Alpes

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Qui se dressent devant moi et du tumulte aveugle de la mer,

Pourquoi y a-t-il entre nous tant de lieux

Et de routes?

 

Car toi, loin de nos contrées, tu habites

Le fin fond de la Gaule reculée,

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Tandis que moi, c’est la bienfaisante Zurich qui m’entoure de ses prévenances au milieu de

Mes élèves bien-aimés.

 

Peut-être, tandis que la furieuse et opiniâtre

Bellone brandit son long fouet sanglant,

Te demandes-tu si notre région est en paix, si

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Les guerres s’y poursuivent.

 

Des destins favorables nous assurent la tranquillité.

La paix nourricière et Cérès habitent nos campagnes,

Mais à part la nôtre, toutes

Les contrées sont en conflit. 

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Déjà la cavalerie turque défile en nombre sur l’Ister,

Les flèches thraces volent en tous sens,

Vienne entend le fracas des armes,

Elle entend celui des chevaux.

 

Hélas, crime qu’on ne finira jamais d’expier,

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L’ennemi accumule les triomphes barbares,

Elle sème l’inimitié dans les cités conquises de l’Empire,

La colère de César.

 

Pendant combien de temps les feux des ennemis seront-ils éteints

Par le sang des citoyens? Le malheureux paysan

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Se cachera-t-il toujours dans les hautes forêts,

Délaissant les campagnes?

 

Dès lors, là où il y avait une muraille et où la cité

A vu le sénat donner des droits à la plèbe,

Y aura-t-il bientôt dans la forêt une caverne qui cachera des bêtes sauvages

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Dans ses ombres épaisses?

 

Là où, travaillant sur des champs féconds,

Un bœuf robuste placé sous le joug tirait la charrue,

Verra-t-on surgir une haute moisson d’épines sauvages

Et une forêt de ronces?

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Assurément, toi, pour ne pas voir sous tes yeux

La ruine de ta patrie, tu erres au loin, exilé,

Là où le soleil couchant enfouit le jour

Dans des eaux tièdes.

 

Ô, que Dieu ne m’ajoute de vie

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Que ce qui est nécessaire pour voir

Les épées de fer et les casques retournés

Par le dur soc.

 

Si de l’extrémité de la terre tu m’étais rendu,

Désormais à l’abri des dangers de la mer et des chemins,

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Tu parlerais des coutumes des peuples et des villes

Que tu as visitées successivement,

 

Ainsi que des terres que le soleil, au milieu de l’abîme,

Regarde, que l’Océan nous rend lointaines,

À l’autre bout de la mer, les tenant à distance

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Par ses flots furieux.

 

Ce jour, Phébus, sur son char rapide, le fera

Se lever: jamais plus je ne craindrai,

Puisque mon tourment sera moindre, de rendre aux destins

La vie que je leur dois.

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