Lettre à Thomas Platter

Traduction (Français)

Salut. Je t’ai envoyé le 7 septembre, si je ne me trompe pas, un paquet de Matthieu Coignet, dont le père a exercé autrefois une ambassade auprès de la Suisse au nom du roi de France. Or je t’ai demandé alors, mon excellent Platter, de te charger de le faire parvenir à Paris par l’intermédiaire de libraires. Et tu m’en as fait la promesse, comme me l’a rapporté plus tard mon cocher Hotz. Je ne doute pas de ta loyauté, que j’ai très largement éprouvée depuis bien des années déjà. Or, ayant compris par une lettre du sieur Coignet datée de Paris le 3 décembre que ce paquet ne lui avait pas encore été remis, je te prie une fois encore de me faire savoir le plus vite possible par qui il a été envoyé, et à quel moment, de sorte que je puisse en informer le sieur Coignet et que lui-même puisse aller le récupérer auprès de ceux qui ont joint son paquet aux leurs. Il m’est pénible d’être contraint de te causer à nouveau de l’embarras. Mais que faire, mon cher Platter, puisque, si je fais cela, c’est parce que l’amitié pour le sieur Coignet m’y engage, en même temps que ta bienveillance m’y invite?

En ce qui me concerne, je n’ai rien à écrire, sinon ce dont tu es informé depuis longtemps déjà, je le sais: je suis dans le deuil et le chagrin en raison de la mort de ma très chère épouse. Car même si je sais bien qu’il faut supporter avec patience tout ce que Dieu nous a imposé et que je ne me plains de rien de ce qui vient de sa volonté, je ne peux cependant pas ne pas garder un douloureux souvenir de celle qui a vécu très affectueusement avec moi durant 24 ans, et dont l’image vivante se présente à moi chaque jour dans mes enfants bien-aimés. Le deuil causé par son décès a été accru par la mort des deux filles de Bullinger, qui l’ont suivie en l’espace de dix jours. À elles s’est ajouté le sieur Gessner: combien notre école et les études publiques ont perdu avec cet homme, aucun lettré ne l’ignore. Certes, ils sont assez peu nombreux, ceux que le Seigneur nous a arrachés cette année, mais on dirait qu’il a choisi des personnes que tout le monde regrette au plus haut point. À présent, la peste s’est presque entièrement apaisée, mais s’agit-il d’une paix solide et stable, ou d’une trêve de quelques jours? Nous ne le savons pas. Mais que se fasse la volonté du Seigneur, que je supplie de rendre cette année très favorable à toi et aux tiens. Salue de ma part Maître Séverin, Jean Hospinianus, le sieur Oporin et les autres amis. Porte-toi bien, mon frère, et, puisque je t’aime énormément, continue de m’aimer en retour. Zurich, le 1er janvier 1566.

Ton Rudolf Gwalther.

Adresse: À Thomas Platter, homme d’une érudition et d’une piété remarquables, son vieil ami et son très cher frère.