Histoire des Grisons en deux livres et Traité sur la providence et la prédestination
Übersetzung (Französisch)
Übersetzung: David Amherdt (notes originales en allemand: Gian Andrea Caduff)
1. Histoire des Grisons en deux livres: interpretatio Christiana des coutumes
Du reste, les gens de cette région «au-dessus de la forêt» (pour rapporter moi aussi ici, avant d’aller plus loin, ce que Monsieur Tschudi et, à sa suite, Monsieur Stumpf racontent à ce sujet, et dont j’ai moi-même été témoin oculaire) observent partout la coutume suivante, fondée sur une superstition – qui leur a sans aucun doute été transmise par les païens et à laquelle ils sont désormais attachés comme à un héritage: à certaines périodes de l’année, surtout à l’époque qu’ils appellent les «saintes Bacchanales», un certain nombre d’entre eux se réunissent, recouvrent leurs visages de masques, pour ne pas être reconnus, et, vêtus de cuirasses ou d’autres genres d’armures, et armés de bâtons, de perches et de gourdins, à quoi s’ajoutent de grands grelots suspendus derrière le dos, traversent ainsi à la course les villages, par bandes, à grand fracas, et, surtout à l’aide de bâtons, font de grands sauts dans l’air et d’étonnants mouvements du corps. Par un serment sacré, ils attestent que, aussi longtemps qu’ils sont accablés par ce pesant harnachement païen, ils ne ressentent jamais la moindre fatigue, alors que, aussitôt qu’ils l’ont ôté, ils tombent subitement de fatigue, au point de ne presque plus pouvoir bouger; de même, lorsque, à d’autres moments, en dehors de cette assemblée fondée sur la superstition, ils se débarrassent de leur armure ou sont dépouillés de ce harnachement, ils ne peuvent plus sauter aussi haut et aussi loin que lorsqu’ils pratiquent ce rite, au cours duquel ils entrent mutuellement en collision dans un choc violent, de toutes leurs forces, et se heurtent de telle sorte qu’un fracas tonitruant se fait entendre et retentit. Comme ces gens se frappent et se piquent avec leurs perches, ils sont communément appelés par le peuple «ils Punchiadurs», c’est-à-dire les «piqueurs», en allemand «die Stopfer».
Du reste, bien qu’ils aient jusqu’à nos jours (par une résolution superstitieuse et païenne) observé cette superstition, qui sent encore tout à fait le paganisme, dans le but d’augmenter ainsi la production de blé, maintenant cependant ils continuent d’imiter ces sottises païennes, parfois plus par effronterie et par impertinence que par quelque superstition; c’est sans aucun doute pour cette raison – et il n’y en a pas d’autre – que maintenant encore, dans presque l’ensemble du monde chrétien, ceux qui désirent être appelés chrétiens ou qui se font passer pour chrétiens, même si rien ne leur convient moins, s’attachent si obstinément à ces fêtes dionysiaques ou à ces bacchanales abominables, vestiges tout à fait évidents de l’impiété païenne.
En outre, des témoins tout à fait dignes de foi racontent le fait suivant, qui a souvent été vérifié: après une soigneuse observation du nombre de ces piqueurs, plus enlaidis qu’ornés par ce déguisement impudent, il a toujours été constaté que, une fois leur accoutrement ôté, l’un d’entre eux manquait à l’appel. C’est pourquoi, bien qu’autrefois les païens fussent sans aucun doute convaincus, en raison de leur superstition, que celui qui était de trop ou en surnombre dans le groupe de ceux qui étaient déguisés était ce Bacchus qu’ils prenaient erronément pour un dieu, néanmoins, on doit assurément considérer comme plus certain qu’il n’était rien d’autre qu’un démon – c’était assurément, recouvert de costume, pour ne pas être reconnu, et caché sous ce harnachement impudent, le prince des ténèbres dont parle Paul, qui prend plaisir aux ténèbres et est le metteur en scène manifeste de ce drame.
2. Histoire des Grisons en deux livres: déconstruction de l’image traditionnelle du héros
Ainsi les Rhétiens combattirent certes avec succès aux sources de l’Adige, mais non cependant par leur propre mérite ou par leur propre vertu, mais uniquement en raison de la faveur ou et de la bienveillance de la divinité d’en haut, source unique éternelle de tout bienfait (ce qu’ils reconnurent eux-mêmes à l’époque, si l’on en croit le témoignage de cet auteur allemand ou vindélicien très souvent cité, mais inconnu, et ils lui en étaient reconnaissants); nous avons rapporté les événements tels qu’ils se sont déroulés, en partie à partir de certains documents littéraires que nous avons trouvés ou reçus, en partie (et même en grande partie) des témoignages oraux ou écrits de ceux qui prirent part aux événements racontés – leur nombre ne fut pas négligeable; et même si, parmi les Rhètes qui prirent part aux événements, la plupart le firent très activement et sans relâche, tout comme s’ils étaient tous de vaillants héros (c’est la même chose que racontent les historiens à propos des soldats argyraspides d’Alexandre le Grand), cependant même entre eux on peut voir apparaître une différence. Car chez eux, en plus de tous les autres, comme ceux qui, illustres en raison de la noblesse de leurs ancêtres, se distinguèrent aussi remarquablement lors du combat par leur vertu, on célèbre particulièrement les chefs de guerre mentionnés plus haut, à savoir Guillaume Ringk et Hans von Lombris; ceux-ci, dit-on, engageant le combat à l’extérieur du barrage et imitant la bravoure et la tactique de Heinrich Wolleb et de son compagnon à Frastanz, terrassèrent facilement dès le commencement deux chefs – c’était presque des géants – de la première ligne des ennemis, qui, de la même manière, précédant la ligne de bataille des leurs, avaient pour seul but de les exciter au combat; de même Benedikt Fontana, de l’Oberhalbstein, chef ou commandant des soldats de l’évêché, qui tomba au combat, à l’intérieur du barrage, lors de l’assaut de celle-ci; dans un discours bref, certes, mais en même temps extraordinairement énergique et efficace, il exhorta les soldats et les excita contre l’ennemi, et les stimula en leur parlant de la sorte: «Allez, jeunes gens, je ne suis qu’un homme, ne faites pas attention à moi; aujourd’hui encore, les Grisons et les Ligues - ou jamais». Le sens de ces paroles est le suivant: courage, et ne faites pas cas de ma mort (je ne suis qu’un individu isolé) – ou alors c’est la dernière fois aujourd’hui que l’on entend le nom des Grisons ou des Ligues grises! De même, les sieurs Conradin Grallator de Marmels, appelé aussi Pied-de-bois, et ses deux fils, Johannes et Rudolph, et finalement Thomas Planta de Zuoz, le grand-père de Thomas, l’évêque de Coire, ainsi que des chefs et des officiers et un grand nombre d’autres hommes du petit peuple.
3. Traité sur la providence et la prédestination: Distances par rapport à la doctrine de la grâce d’Augustin
D’ailleurs, pour finir, nous nous disposons maintenant à exposer la cause pour laquelle ceux qui sont prédestinés seront réprouvés ou rejetés dans la mort éternelle. Mais avant d’entreprendre d’en indiquer la cause, je montrerai avec un peu plus de soin, ce qui, dans le premier passage de cette discussion, a peut-être laissé à désirer, parce que je l’ai abordé plus brièvement qu’il n’aurait fallu. À cet endroit, en effet, par un raisonnement sur la providence allant du général au particulier, j’ai montré que la prédestination est générale, s’appliquant aussi bien à ceux qui sont choisis en vue du salut qu’à ceux qui sont réprouvés en vue de la damnation de la mort. Mais si l’on a dit à cet endroit quelque chose de spécifique à propos de l’une ou l’autre de ces possibilités, nous avons prouvé davantage la prédestination des élus à la vie éternelle, en citant à l’occasion l’un ou l’autre passage de l’Écriture. Mais maintenant, ce qui à cet endroit laissait à désirer, nous l’examinerons et l’évaluerons ici expressément.
Ils ne manquent pas, ici, ceux qui nient absolument qu’un être humain puisse être considéré de toute éternité comme condamné à mort en vertu de la prédestination, et ils assurent que nulle part aucun homme n’est destiné depuis l’éternité par la divinité à être livré à la mort éternelle, mais que tous, de manière semblable, ont été choisis depuis l’éternité pour le salut, mais que cette élection ne reste valable que pour ceux qui croient; ceux qui ne croient pas sont retranchés du nombre des élus par leur propre faute. Je ne cache absolument pas que je ne suis pas d’accord avec l’opinion de ces gens, mais c’est ouvertement et avec courage que j’affirme que je n’approuve absolument pas cette opinion (même si elle paraît plus plausible au peuple), parce qu’elle n’est pas approuvée par l’Écriture Sainte, mais s’écarte doublement de la vérité en tout point. En revanche, voici quelle est ma conviction:
Certes, comme nous l’avons montré plus haut, seuls les croyants ont part au salut; mais ce n’est que dans la mesure où Dieu savait de toute éternité qu’ils voulaient, au moyen de sa grâce, recevoir la foi et ainsi croire véritablement au Christ; c’est ainsi qu’il les a choisis depuis toute éternité pour obtenir le salut en même temps que la foi, par laquelle ils ont part au salut. Ainsi, il faut défendre l’idée que seuls les impies et les infidèles sont condamnés à subir les tourments éternels de la mort, mais, de même que Dieu de toute éternité savait parfaitement et avait la prescience que tous ceux qui, s’étant rendus coupables d’impiété, resteraient impies jusqu’à la fin et seraient ainsi, par conséquent éloignés du Christ, de même, par un très juste jugement, il les a condamnés, tous jusqu’au dernier, à la mort éternelle, parce qu’ils sont indignes du salut et de la vraie foi et incapables de la recevoir.