Gallus pugnans
Übersetzung (Französisch)
Übersetzung: David Amherdt/Kevin Bovier (notes originales en allemand: Clemens Schlip)
[...]
En somme, spectateurs, car il faut bien mettre un terme à notre discours, les coqs, très vigilants, très diligents, très prévoyants, servent la Cité (il n’y a rien de plus excellent qu’elle parmi les mortels), et ont l’empire total sur l’empire des terres, et, connaisseurs des étoiles, ils devinent le temps, je ne dis pas par la raison mais par un don remarquable de la nature, et ils ne tolèrent pas que le lever du soleil surprenne ceux qui sont inattentifs, et ils annoncent par leur chant la venue du jour. Et c’est pour cela qu’un grand poète, décrivant la quatrième veille, introduit ses vers ainsi: «Et l’oiseau veilleur avait annoncé le jour par son chant». À propos des coqs, l’Antiquité peut aussi se montrer odieuse: elle avait coutume d’immoler un coq à la déesse Nuit, comme le chante un poète savant entre tous: «C’est de nuit qu’on immole à la déesse de la nuit l’oiseau muni d’une crête, parce que par son chant vigilant il fait venir la chaleur du jour».
Elle est risible, assurément, l’audace, manifeste!, de Philonicus, qui prétend que le chant du coq est dû à sa lascivité: on dirait que la seule chose qu’il a apprise, c’est que le chant des jeunes coqs et celui des vieux sont dissemblables! Or, les coqs sont semblables dans la veille et ne sont pas dissemblables dans leur message, c’est ce qu’affirme une expérience universelle, alors que les sciences naturelles ont établi qu’il y a plus de lascivité chez les jeunes coqs que chez les vieux. En outre, il y en a qui prétendent que les coqs vaincus ne chantent plus, mais qu’ils s’en abstiennent (qu’ils ne soient pas lascifs, personne, à mon avis, ne l’a prétendu jusqu’à ce jour); à ces gens il semble évident que ce n’est pas par lascivité, mais par un instinct de la nature et par l’influence du ciel que les coqs mâles chantent et, tout en chantant, sont capables de jugement. Mais cela, comme d’autres choses, nous le pardonnons à Philonicus. Et de même qu’il croit lui-même que ce coq, d’être humain adolescent qu’il était, est devenu coq, de même vous, spectateurs, pensez que vous serez un jour transformés en poule par la palingénésie pythagoricienne! Ce n’est pas en vain, par Hercule, que les illustres professeurs des divers arts et les philosophes considèrent que les coqs sont sous la protection de Mercure, en raison de leur admirable rapidité naturelle à observer et à juger. L’auteur des Histoires vraies a écrit que les coqs ont reçu de ce même Mercure ce don remarquable: quiconque à qui ils ont donné à porter la plus longue plume de leur queue, pour peu que ce soit la plume de droite, s’il est accompagné d’un coq, est capable d’ouvrir toutes les portes et d’être lui-même invisible.
[...]