Plan dʼétudes

Traduction (Français)

Traduction: David Amherdt/Kevin Bovier (notes originales en allemand: Clemens Schlip)


12. Les auteurs qu’il faut lire en priorité dans toutes ces disciplines

Nous avons montré comment il faut lire les philosophes, les poètes, les orateurs, les historiens, combien toutes ces lectures sont nécessaires à un homme libre, et qu’on ne doit pas négliger les mathématiques, la médecine et le droit. Voyons donc quels auteurs enseignant ces matières doivent être lus en priorité:

Ainsi donc, celui à qui la variété tient tellement à cœur qu’il préfère goûter tous les sujets à la fois dans un seul livre et un seul auteur, qu’il lise l’Histoire du monde exposée par Pline en 37 livres; chez cet auteur il trouvera en effet la théorie des éléments, de l’astronomie, de la géographie, la nature des choses (animaux, arbres, fruits, plantes, herbes, racines, métaux, gemmes), la tradition médicale et l’instruction morale, les débats philosophiques, etc. Qu’il lise Ludovicus Coelius, auteur des Lectures antiques. Lui aussi touche à presque toutes les disciplines et éclaircit, chez les auteurs, un grand nombre de passages particulièrement difficiles, sur lesquels le lettré ne doit pas négligemment passer, mais qu’il doit comparer avec d’autres passages de ces auteurs et dont il doit parfois imputer la difficulté aux copistes. Qu’il lise aussi les Adages d’Érasme, œuvre digne d’Apollon et bouquet très précieux formé de tous les nobles arts. Qu’il lise les Nuits Attiques d’Aulu-Gelle, remplies d’une érudition éclectique. Il y trouvera des débats philosophiques, des allégories poétiques, de l’histoire et de l’éloquence. En résumé, ces livres concis contiennent tout ce qui relève des belles-lettres. Qu’il lise le Songe de Scipion, où Macrobe fait beaucoup de philosophie et s’intéresse aux mathématiques, qu’il lise les Saturnales du même auteur, qui sont des commentaires de poètes, surtout Virgile (et tout le septième livre explore la philosophie naturelle). Qu’il lise la Philologie de Raffaello Volaterranus qui touche à tout à la fois, à l’imitation de Pline, à partir de tous les auteurs. On peut y joindre les Miscellanées de Politien.

Parmi les philosophes je crois qu’il faut surtout lire Sénèque qui philosophe sur les choses divines, puis les Limites, les Questions tusculanes, les Devoirs, les Questions académiques, la Divination et la Nature des dieux de Cicéron. Et en tout cas, à mon avis, il n’y a dans tous les livres des philosophes rien qui vaille la peine d’être connu, qui ne se trouve pas déjà chez eux.

Parmi les poètes, avant tout, il faut lire Virgile. Car si c’est à l’agriculture que tu t’intéresses, tu as les Géorgiques, si c’est à l’histoire, à l’éloquence, aux mythes et à la philosophie la plus accomplie, tu as l’Énéide. Après lui il faut lire Horace. Car il enseigne la morale dans ses Épîtres, critique les vices dans les Satires, célèbre la poésie dans les Odes, enseigne la poésie dans l’Art. Il faut aussi lire Ovide, et au début, bien sûr, si tu veux connaître les mythes et les secrets des philosophes, tu as les Métamorphoses, si tu veux connaître les lois des pontifes et la chronologie, tu as les livres des Fastes. Ensuite, si tu veux une éloquence très efficace, tu as les lettres des Héroïdes. Pour ma part je ne ferais pas grand cas de ses autres livres sur l’amour.

Les poètes historiens sont Lucain qui décrit les guerres civiles, Stace et sa Thébaïde et Silius Italicus et ses Guerre puniques. Pour les satires, nous avons mentionné auparavant Juvénal, Perse et Flaccus [Horace]. Parmi les auteurs comiques, nous avons proposé Térence et Plaute, parmi les tragiques Sénèque. Et si tu veux, considère Horace comme un poète lyrique. Martial et Ausone ont écrit des épigrammes. Il y a aussi d’autres poètes que nous n’avons pas encore mentionnés: Tibulle, Catulle, Properce, tout à fait élégants mais impudiques. Je préférerais qu’on lise le poème très chrétien de Prudence au lieu de ces poètes.

Les plus grands de tous les orateurs sont Fabius Quintilien et, le prince de l’éloquence, M. Cicéron, qui, je pense, devrait toujours être entre les mains des étudiants. Quant aux historiens, si tu désires la brièveté et une incroyable maîtrise du style, lis Salluste, si tu veux l’abondance et une éloquence remarquable, Tite-Live. À ceux-ci tu peux joindre Justin, Suétone, César et, si tu veux lire beaucoup de brefs récits, Valère-Maxime ou, si tu préfères qu’ils parlent tous, et un par un, chez un seul auteur dans un récit continu, lis Antonio Sabellico. En géographie il vaut mieux s’habituer à Pomponius Mela, à qui il faut joindre les tables de Ptolémée et ajouter Strabon et Solin.

Parmi les médecins, les principaux sont Hippocrate et Galien, mais Pline est d’une très grande aide. Les plus vils font leurs délices d’Avicenne. En droit civil, personne n’a écrit de manière plus érudite que Guillaume Budé dans son ouvrage les Pandectes, et Zazius de Fribourg; quant à ceux qui portent aux nues Bartole et Balde, ils sont stupides.

Jusqu’à présent nous avons mentionné les auteurs latins, si ce n’est que nous avons nommé pour la géographie et la médecine les auteurs grecs Ptolémée, Strabon, Hippocrate et Galien. Passons maintenant en revue les principaux auteurs grecs: chez les Grecs donc, Lucien et Plutarque, très érudits à tout point de vue, ont écrit sur des sujets variés et savants. Parmi les philosophes, Platon occupe le premier rang, puis vient Aristote, même si pour ma part je voudrais que parmi les livres de ce dernier on fasse un choix. Les meilleurs poètes sont Homère, Hésiode et Euripide; il y a aussi des auteurs d’épigrammes. Les orateurs étaient Démosthène, Isocrate, Aristide et Philostrate. Parmi les historiens, le plus renommé est Thucydide, puis [Flavius] Josèphe; il y a aussi Pausanias, Hérodien et Diogène Laërce.

 

14. Ce qu’apporte l’étude de la littérature profane

Or ces études sont très utiles pour l’interprétation des textes sacrés, comme le savent tous ceux qui traitent des Saintes Écritures, et l’on s’en convaincra par les preuves que j’ajouterai un peu plus loin.

Ensuite elles rendent vraiment avisé, car on en tire de saines réflexions. C’est ce que l’on pouvait voir autrefois au sénat romain: étant donné qu’il était composé d’hommes très instruits comme Cicéron, Caton, César, Porcius et d’autres hommes très cultivés, on n’y entreprenait rien d’inconsidéré, rien d’infamant, du moins rien de mal avisé ou de regrettable. De même, ces études rendent si sage qu’il est presque impossible de trouver quoi que ce soit dans les affaires humaines que tu ne puisses pas connaître très exactement.

Mais elles enseignent aussi la morale, inculquent l’honnêteté, implantent l’amour du bien, font naître la haine du mal; elles nous rendent en outre amicaux, agréables et humains. C’est pour cela qu’elles sont appelées humanités et belles lettres. Et si à quelque propos il faut discuter, enseigner, louer, blâmer, exhorter, conseiller, dissuader, s’il faut accuser ou défendre, ces études en fournissent les outils tant pour la forme que pour le fond. Si un homme ne les possède pas, je ne vois pas comment on peut dire qu’il est humain ou qu’il a quoi que ce soit d’humain, si ce n’est qu’il porte le nom d’homme. Puisque les humanités nous rendent vraiment humains, que nous ne valons pas grand-chose sans elles, qu’elles ne contribuent pas peu à l’interprétation et à la véritable intelligence des textes sacrés, tous les hommes nobles et véritablement studieux ne doivent en aucun cas les négliger, mais les apprendre avec le plus grand soin.

Il nous reste parler de la lecture des textes sacrés.