Notes sur les lectures évangéliques
Traduction (Français)
Traduction: David Amherdt/Kevin Bovier (notes originales en allemand: Clemens Schlip)
Extrait de l’épître dédicatoire à Peter Schneuwly, vicaire général de l’évêque de Lausanne, et aux autres membres du clergé de Fribourg [fol. 2ro; 2vo; 3vo-4ro; 5ro].
Pierre Canisius supplie sincèrement le Christ Jésus d’accorder la paix et la grâce aux très vénérables et très éminents Pierre Schneuwly, vicaire pour les affaires spirituelle du très révérend évêque de Lausanne, au prévôt Erhard Torin et aux autres chanoines de l’église collégiale de Fribourg en Suisse, ainsi qu’au reste du clergé de cette juridiction de Fribourg.
Dix ans se sont écoulés, hommes dignes de vénération et, en raison de votre rang ecclésiastique, dignes d’honneur, depuis la première fois où je suis venu dans cette ville de Fribourg, non pas en y accourant spontanément, mais poussé, par l’autorité de mes supérieurs, à me mettre à disposition de quelque manière que ce soit, comme ouvrier ou comme homme d’Église, pour rentrer cette moisson. Car c’est ainsi qu’il a plu à notre Dieu très grand et très bon, à qui il appartient de désigner des ouvriers pour Sa vigne, que moi, en entrant par la porte qui m’est désignée, je joue ici pour ainsi dire le dernier rôle de ma vie et accomplisse mon service de vétéran parmi les Suisses.
[…]
Je sais en effet fort bien quelle pieuse mission vous assumez, et quelle est son importance, depuis tant d’années, et avec quelle énergie vous luttez pour une confession irréprochable de la foi catholique et une doctrine solide, d’autant plus que rôdent partout des monstres d’erreurs et d’hérésies qui déchirent de plus en plus, oh douleur!, ce diocèse violemment ébranlé. Car grâce à votre vigilance et en même temps à la ferme autorité de notre incorruptible Conseil, il est arrivé (soit dit sans offenser personne) que plusieurs milliers de catholiques sur le territoire fribourgeois, comme le reste choisi et chéri d’Israël, sont jusqu’à présent préservés et ne plient pas leurs genoux devant Baal et d’autres idoles récemment érigées, mais plutôt, à l’instar de Tobie l’Ancien, recherchent, invoquent et adorent sincèrement le Seigneur Dieu d’Israël dans la sainte Jérusalem et dans son vrai temple.
[…]
Nous traitons donc des notes évangéliques fondées sur les lectures qui sont d’ordinaire proposées lors des jours de fête dans les églises catholiques, et expliquées publiquement selon un usage à la fois très ancien et très bien établi. Ce sujet ne paraît pas étranger à ma profession; en outre, j’espère fermement qu’il vous sera agréable, à vous qui vous appliquez à la doctrine orthodoxe, et qu’en même temps il ne sera pas inutile pour inspirer la piété au peuple. Et de fait ces notes, à moins que je me trompe complètement, fournissent des passages et des chapitres qu’on pourrait souvent remettre en mémoire en d’autres occasions, mais surtout le dimanche, et qui, en particulier en ces temps de malheurs, ne sauraient jamais être suffisamment enseignés dans le but de guérir les âmes malades. Pourtant je n’ignore pas qu’on trouve de nombreux et prestigieux théologiens, qui ont écrit beaucoup de choses utiles et remarquables sur les lectures évangéliques de ce genre; c’est d’ailleurs à juste titre qu’elles sont lues non seulement par les savants et par les prédicateurs, mais aussi par les catholiques qui assistent aux sermons. Mais nous, qui laissons volontiers la place à de tels coryphées et à de tels guides, nous avons décidé de suivre une méthode d’enseignement quelque peu différente et d’emprunter une voie qui se distingue un peu de celle des autres. Car nous ne nous attachons pas, contrairement à ce qui est habituel chez d’autres, à ce qu’on appelle le sens littéral; au contraire, nous nous abstenons le plus possible de commenter scrupuleusement le récit évangélique et l’arrangement des mots. Il nous suffit en effet de tirer des lectures des Évangiles que nous proposons quelques points importants de la doctrine du salut et de les adapter pour la méditation et la prière, de manière à veiller dans la mesure de notre faiblesse sur nos lecteurs, qui sont, sinon instruits, du moins bons et bienveillants, et à mettre à disposition de tous quelque chose qui serve moins à faire briller notre intelligence qu’à susciter des sentiments de piété.
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Donné à Fribourg en Suisse au mois de janvier 1591 après la naissance du Christ.
Directive du très révérend Peter Schneuwly, vicaire général de l’évêque de Lausanne, à l’ensemble du clergé placé sous son autorité [fol. 5 vo]
Ce nouvel ouvrage tant désiré, que le révérend Père Pierre Canisius a composé et édité au bénéfice des ecclésiastiques, aussi bien d’ici que d’ailleurs, nous l’agréons avec empressement car il est vraiment catholique et digne d’être lu, et nous l’approuvons publiquement par le biais de ce témoignage. En outre, nous exhortons avec insistance tous les doyens, curés et prédicateurs sans exception, qu’ils soient séculiers ou réguliers, à acheter ce livre, à en profiter et à en faire profiter d’autres, et à le lire fréquemment et à y rechercher des enseignements. En effet, nous espérons qu’ainsi, notre Seigneur aidant, ils retireront de ces Notes évangéliques, pour leur profit, un fruit dont ils n’auront pas à se repentir, et qu’ils seront mieux préparés à éduquer le peuple dans la droiture et la piété. Donné à Fribourg, dans notre résidence, en l’an 1591 après la naissance du Christ.
Pour la Fête-Dieu et son octave [p. 715-716; 717-718]
Cet évangile [Jean 6,56-59] fait partie de la longue et difficile discussion que le Christ eut avec les gens de Capharnaüm au sujet de sa chair qu’il donnait à manger et de son sang qu’il donnait à boire. À ce sujet, il est bon de savoir qu’il y a deux manières de recevoir le Christ, l’une purement spirituelle et l’autre sacramentelle, et il faut comprendre que toutes deux sont présentes dans ce chapitre de Jean, de même que dans l’évangile dont il est question ici. Spirituelle est la foi ou la croyance dans les mérites du corps et du sang du Seigneur sacrifié pour nous sur la croix; mais sacramentelle est la réception extérieure de la sainte Eucharistie sous les espèces du pain et du vin. Cette réception extérieure inclut bien sûr toujours la réception spirituelle, et sans celle-ci, elle ne sert à rien et fait même du tort au communiant. Bien que les Pères interprètent les paroles du Christ dans cet évangile en partie comme se référant à la réception sacramentelle et en partie à la réception spirituelle, il n’est guère prudent de s’écarter d’Hilaire, de Chrysostome, de Cyrille et d’autres, qui indiquent très clairement que c’est la réception sacramentelle qui est ici désignée et encouragée par les paroles du Christ. Quoi qu’il en soit, c’est en lui donnant ce sens que l’Église présente maintenant cet évangile et le relie à la fête de ce jour, qui exige de tous les fidèles une adhésion inébranlable à ce sacrement en même temps qu’un culte public (à d’autres époques déjà, mais surtout maintenant). Et, comme dans les temps anciens les bouches des habitants de Capharnaüm, celles de ceux qui murmurent et blasphèment aujourd’hui contre les sacrements sont énergiquement fermées, lorsque nous comprenons que les paroles du Christ ne désignent pas sa chair comme une nourriture dans un sens mystérieux ou allégorique, mais comme une vraie nourriture, et son sang comme une vraie boisson, puisque tous deux agissent en nous spirituellement, de la même manière que la nourriture et la boisson extérieures ont d’ordinaire sur l’homme un effet physique.
[…]
Assurément, une communion est celle des prêtres offrant le sacrifice, qui de par leur fonction rendent présente sur l’autel la passion du Christ, ce qui ne peut se faire sinon sous les deux espèces; l’autre est celle des laïcs, que rien n’empêche, si l’Église le prescrit ainsi, de recevoir le Christ tout entier sous une seule forme sacramentelle, de la même manière que Chrysostome, Augustin et plusieurs autres pensent de manière convaincante que les deux disciples à Emmaüs ont communié seulement sous l’espèce du pain. Mais il donne prise à l’erreur, le fait que ceux qui prônent l’usage du calice, privés de l’esprit de Dieu, qui n’existe pas hors de la véritable Église, émettent au sujet d’un si grand mystère de la foi un jugement selon la chair, soucieux plus que de raison de boire. Ils ne voient pas que les catholiques qui communient sous une seule espèce reçoivent non seulement le corps mais en même temps le sang, l’âme et la divinité du Christ, et qu’en ces communiants s’accomplit la promesse du Christ: si quelqu’un mange de ce pain, il vivra pour l’éternité.