Vie et mort du sieur Ulrich Zwingli, héros très brave et théologien très savant
Übersetzung (Französisch)
[…] De même, avant le départ, en l’espace de quatorze jours, il avait dit par deux fois (je l’ai moi-même entendu) depuis la chaire, alors que tout était en ébullition: «Je sais, je sais, vous dis-je, de quoi il en retourne. Es ist umb mich zethun (c’est en rapport avec moi): tout se passe de sorte que je disparaisse». Il y a plus: il avait glissé à l’oreille d’un ami que la comète, que l’on avait pu voir durant quelques semaines, était un mauvais présage pour lui-même, et encore pour quelqu’un d’autre. Nous avons toujours compris qu’il s’agissait d’Oecolampade. […]
Les Zurichois partirent donc; parmi les derniers suivait aussi, à cheval, Zwingli, armé selon notre usage. Lorsque je le vis, je pus à peine me contenir, frappé d’une soudaine douleur au cœur: un très mauvais présage. Oui, nous passâmes ce jour-là à soupirer constamment et à prier Dieu. Mais il en avait décidé autrement pour nous, non contre nous: c’est ainsi que je l’interprète, selon la raison et aussi selon la foi. Car, soit dit en passant, nous avons appris à marcher beaucoup plus prudemment: nous accordons plus de prix à l’Évangile, nous fixons mieux nos regards sur Dieu, et ceux qui jusqu’à maintenant se sont opposés à l’Évangile du Christ sont davantage reconnaissables.
Donc, de même je l’avais vu partir au matin, de même, la nuit venue, j’entends la nouvelle que l’on a combattu avec ardeur, certes, mais sans succès, et que notre Zwingli a péri. Il était déjà trois fois tombé à terre, racontait-on, en raison de la foule des assaillants, mais il s’était toujours remis sur ses pieds; la quatrième fois, il fut atteint au menton par une lance et, tombant à genoux, il s’écria: «Est-ce vraiment un malheur? Allons, ils peuvent bien tuer le corps, mais pas l’âme». Ayant prononcé ces paroles, il s’endormit bientôt dans le Seigneur. Après la bataille, dès que l’ennemi en eut trouvé le temps (car les nôtres s’étaient retirés dans un lieu plus sûr), on recherche le cadavre de Zwingli (qui donc avait si rapidement révélé qu’il avait assisté au combat ou qu’il avait été tué?): on le trouve, on le condamne en justice, on le découpe en quatre parties, on le jette au feu, on le réduit en cendres.
Trois jours plus tard, une fois les ennemis partis, des amis de Zwingli viennent à la recherche de restes de son corps, et voici (c’est étonnant à dire) qu’ils découvrent au milieu des cendres son cœur tout entier et intact. Ces nobles personnages étaient stupéfaits: ils reconnaissaient le miracle, mais sans le comprendre. C’est pourquoi, attribuant tout cela à Dieu, ils se réjouissaient, comme s’ils avaient été instruits par le ciel à un plus haut degré de la pureté du cœur de cet homme. Peu après arriva un homme que je connaissais très bien, qui m’était même très proche, me demandant si je voulais voir une partie du cœur de Zwingli qu’il portait avec lui dans une boîte. Comme, à ces paroles inattendues, un frisson d’horreur avait envahi tout mon corps, je refusai; sinon, j’aurais aussi pu être témoin oculaire de ce fait.
Tel est donc le cours de la vie de Zwingli, tels furent les aléas de sa mort, provoqués par une âme dévouée à sa patrie et un cœur loyal envers la république chrétienne, horribles, certes, aux yeux des hommes, précieux au regard de Dieu: c’est ce qui attend tous les docteurs de la justice divine, à moins que le Seigneur, par une grâce particulière, ne les en préserve et protège. […]